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5 questions à Laurence Dale

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Interview
8 mai 2006

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Quand vous avez démissionné de l’Opéra-Théâtre de Metz, vous avez affiché un excellent bilan financier, cependant selon la ville de Metz, ce bilan financier serait un désastre. Où se situe la vérité ?

J’imagine que si le bilan financier avait été un désastre ils auraient été forcés de supprimer des représentations. Au lieu de ça ils montent des spectacles plus coûteux que ceux initialement prévus. C’est une belle manière de reconnaître la salubrité de mon budget. Celui-ci comprenait d’ailleurs une caisse de secours de près de 200.000 € pour pourvoir à d’éventuels dépassements sur le plan technique. L’Opéra-Théâtre de Metz y était familier vu qu’avant mon arrivée j’avais noté, pour une opérette, un dépassement du budget costume de près de 54.000 euros (budget prévu : 16.000 euros). Vous savez, en ma qualité de directeur artistique je n’avais aucun droit de dépassement, vu que la moindre de mes dépenses devait être avalisée par la directrice financière, ma supérieure hiérarchique. Quel ne fut pas mon étonnement quand l’adjoint à la culture de la ville de Metz annonça un déficit de 750.000 euros à la presse. Si un tel déficit existait je ne pouvais, techniquement, en être le responsable vu que je travaillais avec les budgets qui m’étaient alloués par la responsable financière. Il est apparu par la suite que le déficit énorme de 750.000 euros n’était pas celui de l’opéra théâtre mais apparemment celui de l’Arsenal, Monsieur l’adjoint dans un moment d’émotion a dû inverser les chiffres des deux institutions. Depuis six ans je suis le responsable du festival d’Evian où je brasse d’énormes budgets qui viennent du privé. Vous savez sans doute que quand l’argent vient du privé, on n’a pas intérêt à le jeter par les fenêtres. Je dispose là bas d’une équipe archi professionnelle et nous ne connaissons aucun dépassement. Pas même d’un centime. A Metz, grâce aux rouages d’une administration archaïque, démotivée et incompétente, j’ai vu comment les fonds publics étaient jetés par les fenêtres à grandes poignés. Ce que faisait, à mon époque, l’Opéra-Théâtre de Metz avec l’argent public est inadmissible, un exemple parmi d’autres : les décors des productions précédentes (comme ceux de Carmen) n’avaient pas été traités pour conservation et quand on a voulu les utiliser, ils avaient été mangés par des vers.

Vous vous êtes découvert une passion pour la mise en scène en devenant directeur de Théâtre, est-ce par réel intérêt pour la mise en scène ou parce que cela vous permettait de vous verser des cachets de metteur en scène ?

C’est une accusation qui revient souvent sur la table de tous les directeurs qui font de la mise en scène. Il est vrai qu’il peut y avoir une forme de conflit d’intérêt pour un directeur qui se confie à lui-même la fonction et le budget qui pourraient être confiés à un metteur en scène professionnel. En ce qui me concerne, jugez vous-même de mon background : pendant près de 25 ans en tant que chanteur j’ai fréquenté les plus grands metteurs en scène. En 1981 quand j’ai travaillé avec Peter Brooke sur La tragédie de Carmen, il m’a vivement encouragé à suivre la voie de la mise en scène. Mais ma carrière de chanteur a pris un envol considérable. Plus tard, quand La tragédie de Carmen a été reprise au Grand Théâtre de Bordeaux, Peter Brooke m’a contacté pour que je la remonte. Quand je suis arrivé à Metz j’avais à mon actif environ 12 productions internationales. On ne peut donc pas dire que je me suis découvert la passion de la mise en scène une fois engagé comme directeur artistique de l’opéra de Metz. Pour ce qui est de la profitabilité de la chose, c’est assez triste : n’ayant pas de budget pour m’offrir les services d’une assistante de mise en scène, j’ai utilisé mon cachet pour en engager une. Et que resta-t-il de ce cachet pour garnir mon compte aux îles Caïman ? Peanuts !

En tant que chanteur vous avez disparu subitement des scènes après quelques déconvenues, que s’est-il passé, comment peut-on perdre sa voix aussi brusquement ?

On ne peut pas chanter quand on est malheureux. Moi j’en suis incapable en tout cas. J’ai perdu un nombre incalculable d’amis dans une très courte période, j’ai eu moi-même un très gros problème de santé qui a affecté mon chant. Une fois ce problème résolu j’avais quitté les scènes et perdu l’envie de les retrouver. Après avoir chanté devant 18.000 personnes j’avais retrouvé la timidité de mon adolescence. Sur la fin je m’étais fait huer à quelques reprises. Croyez-le ou non mais ça vous démolit un homme. Pour l’instant je dirais que ma voix se porte très bien, je chante encore de temps à autre quand des amis me le demandent. Je vais chanter Enée de Purcell dans le Festival d’un ami, mais pour l’instant il ne m’en faut pas plus.

Deon van der Walt a été l’un de vos grand concurrents comme l’a été Gösta Winbergh, avez-vous des liens particuliers avec la Mafia ?

Quelle horreur ! Je les connaissais tous les deux. J’ai rencontré Gösta en 1981 et j’étais très jaloux de son bronzage et de son brushing en or. Je connaissais Deon depuis très longtemps, on a souvent été mis dans des situations de concurrence et c’est plutôt lui qui a gagné la bataille des maisons de disques. Sa mort est une tragédie comme l’est celle de Gösta. Deux grands artistes partis trop tôt, vous ne devriez pas faire d’humour avec ces choses là. On peut certainement rire de tout, mais ne serait-il pas plus honorable de parler de leur talent ?

Qui sera, selon-vous, le successeur de Gérard Mortier à la tête de l’opéra de Paris ?

Je pense que Gérard Mortier devrait succéder à Gérard Mortier ! Quand il est arrivé à La Monnaie, jeune et fringuant, les pouvoirs publics belges avaient le projet de transformer la vénérable maison en parking à plusieurs étages ! Il a révolutionné l’endroit et en a fait l’une des plus intéressantes maisons d’opéra de la terre. Quand il est arrivé à Salzbourg, il a libéré le Festival d’une manière très audacieuse et l’a emmené sur le chemin de la modernité. J’ai connu l’époque Karajan et j’ai connu celle de Mortier. En tant que chanteur, j’ai pris part à Salzbourg a certains des projets les plus passionnants de ma carrière de chanteur. Travailler avec Mortier, c’est la garantie d’évoluer dans une ambiance de travail intellectuellement stimulante. Pour vraiment mettre sa maison sur pieds, Gérard Mortier aura besoin de deux mandats, qui peut faire ses preuves en un seul mandat ? J’espère donc que ce second mandat lui sera accordé et qu’il sera son propre successeur.

 
Propos recueillis par Hélène Mante

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