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STRAUSS, Der Rosenkavalier – Paris (TCE)

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Spectacle
23 mai 2025
Maréchale, vous voilà !

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Comédie en musique en trois actes
Musique de Richard Strauss
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Création le 26 janvier 1911 à Dresde

Détails

Mise en scène
Krzysztof Warlikowski
Scénographie, costumes
Małgorzata Szczęśniak
Chorégraphie
Claude Bardouil
Lumières
Felice Ross
Vidéo
Kamil Polak

La Maréchale
Véronique Gens
Octavian
Niamh O’Sullivan
Sophie
Regula Mühlemann
Le Baron Ochs von Lerchenau
Peter Rose
Monsieur de Faninal
Jean-Sébastien Bou
Annina
Eléonore Pancrazi
Valzacchi
Krešimir Špicer
Un chanteur italien
Francesco Demuro
Marianne
Laurène Paternò
Un commissaire / Un notaire
Florent Karrer
Le majordome de la Maréchale / Le majordome de Faninal
François Piolino
Un aubergiste
Yoann Le Lan

Orchestre National de France
Chœur Unikanti, Maîtrise des Hauts-de-Seine
Direction musicale
Henrik Nánási

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, mercredi 21 mai 2025, 19h

Réponse du berger à la bergère. Il y a quelques jours à Dresde, Roméo et Juliette peinait à épouser les codes stylistiques de l’opéra français. Que penserait aujourd’hui le mélomane saxon du Rosenkavalier à l’affiche du Théâtre des Champs-Elysées jusqu’au 5 juin ?

Trouverait-il à son goût la manière dont l’Orchestre national de France répond – sans démériter – aux exigences instrumentales de la partition – sa densité harmonique, ses textures lumineuses, parfois chambristes, parfois opulentes, ses combinaisons inouïes de timbres, ses alliages subtils, ses superpositions insolites, ses effets de miroitement, de scintillement, ou au contraire d’opacité mystérieuse ? Reconnaîtrait-il cette éloquence toute viennoise avec laquelle Richard Strauss sculpte la matière orchestrale, entre nostalgie d’un temps révolu et vertige d’un monde qui déjà vacille ? On peut en douter. La direction de Henrik Nánási écoute le théâtre autant que la musique. Les voix sont soutenues mais jamais couvertes. Transitions et structures sont maîtrisées à vive allure – pour éviter les quelques longueurs, on suppose (sans vraiment les dissiper). L’action l’emporte sur l’émotion, laquelle ne survient qu’à la fin de l’opéra – è tardi

Selon toute vraisemblance, notre spectateur saxon serait aussi déconcerté par la mise en scène de Krzysztof Warlikowski, non en raison de son caractère subversif, mais parce qu’au contraire l’approche paraît étonnamment sage venant d’un artiste connu pour ses relectures radicales. Le thème du travestissement au centre de l’intrigue favorise quelques débordements « genderfluid » – rien de bien méchant, cela permet aux costumes de Małgorzata Szczęśniak de combiner trash et glamour. L’action est déportée de la Vienne du XVIIIe siècle dans le monde du cinéma aujourd’hui. La transposition n’entrave pas la lisibilité de l’intrigue. Les références se bousculent – et le jeu consiste à les deviner. Une mise en abyme, à travers la projection de films en noir et blanc, offre un deuxième degré de lecture : cette Maréchale confrontée à la perte de sa jeunesse n’est-elle pas une métaphore du cinéma, lui aussi soumis aujourd’hui à l’érosion de son rayonnement ? Le soin accordé au dessin des personnages, y compris les plus secondaires, est à porter au crédit d’une mise en scène vivement huée en fin de la soirée.

© Vincent Pontet

Appelée à remplacer Marina Viotti, Niamh O’Sullivan apprendra – n’en doutons pas – à mûrir son Octavian : conserver la fraîcheur et l’insolence d’une voix au vibrato assumé, égale et longue sur la tessiture, mais ajouter couleurs et nuances destinées à enrichir l’expression d’un rôle, il est vrai, mal traité scéniquement. L’ambiguïté voulue par Warlikowski n’aide pas à la caractérisation. S’il est encore tôt pour la mezzo-soprano irlandaise, il est un peu tard pour Regula Mühlemann. Depuis ses débuts remarqués à Salzbourg en 2012, son soprano a gagné en richesse harmonique, moins léger, plus lyrique, quand on voudrait Sophie en apesanteur sur les cimes de la portée, cristalline et aérienne. Peter Rose a roulé la bosse de son Baron un peu partout dans le monde, sans que l’on puisse déterminer si son approche résolument comique du personnage est un effet de la mise en scène ou une habitude ancrée à force de pratique. Quoiqu’il en soit, Ochs gagnerait à plus de subtilité.

Dans l’armada des seconds rôles, un grand nombre étant tenu par les membres du Chœur Unikanti, citons Francesco Demuro – en Rocky Balboa ? – ténorisant jusqu’à la caricature son « Di Rigori Armato » ; Eleonore Pancrazi vampant littéralement Annina ; Jean-Sébastien Bou, Faninal d’une dignité inébranlable ou encore la Marianne piaffante de Laurène Paternò.

Reste enfin Véronique Gens, Maréchale dotée en partage au 3e acte de la rousseur de Rita Hayworth et de l’allure de Cate Blanchett. La prise de rôle était attendue, et risquée tant Marie-Thérèse véhicule de fantasmes et d’exemples impérissables. A chacun ses modèles, la soprano française établit une filiation naturelle avec la Comtesse Amalviva, quand d‘autres moins mozartiennes, plus wagnériennes, apportent un métal et une ampleur bienvenus dans les passages culminants de l’opéra. Le sens du texte, indispensable à la conversation en musique, relève de l’évidence pour l’interprète reconnue du répertoire mélodique. La solidité du médium vient en renfort de l’expression. La palette vocale alterne pianissimi délicats et aigus éclatants pour épouser au plus près les humeurs changeantes de Bichette. Noblesse, introspection, pudeur, sensibilité : voilà une Maréchale entre légèreté viennoise, mélancolie profonde et chic dévastateur, aux pieds de laquelle déposerait une rose d’argent même le plus intraitable des Saxons.

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Comédie en musique en trois actes
Musique de Richard Strauss
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Création le 26 janvier 1911 à Dresde

Détails

Mise en scène
Krzysztof Warlikowski
Scénographie, costumes
Małgorzata Szczęśniak
Chorégraphie
Claude Bardouil
Lumières
Felice Ross
Vidéo
Kamil Polak

La Maréchale
Véronique Gens
Octavian
Niamh O’Sullivan
Sophie
Regula Mühlemann
Le Baron Ochs von Lerchenau
Peter Rose
Monsieur de Faninal
Jean-Sébastien Bou
Annina
Eléonore Pancrazi
Valzacchi
Krešimir Špicer
Un chanteur italien
Francesco Demuro
Marianne
Laurène Paternò
Un commissaire / Un notaire
Florent Karrer
Le majordome de la Maréchale / Le majordome de Faninal
François Piolino
Un aubergiste
Yoann Le Lan

Orchestre National de France
Chœur Unikanti, Maîtrise des Hauts-de-Seine
Direction musicale
Henrik Nánási

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, mercredi 21 mai 2025, 19h

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