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Cinq clés pour La Muette de Portici

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26 mars 2012

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L’Opéra-Comique propose une nouvelle production de La Muette de Portici du 5 au 15 avril prochains. Une aubaine ! L’œuvre phare de Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) était absente des scènes parisiennes depuis 1917. Pour se préparer comme il convient au rendez-vous, il est vivement recommandé de lire le numéro de l’Avant-Scène Opéra paru fin 2011. Nous en avons extrait cinq points qui nous semblent clés si l’on veut comprendre cet opéra « plein de chaleur et de feu et intéressant jusqu’à enthousiasmer », dixit Richard Wagner.

1 – Et si l’on rapprenait l’opéra français

Mais que diable, Wagner – surtout Wagner ! – pouvait-il trouver d’excitant à une œuvre aussi bourgeoise que La Muette de Portici. Piotr Kaminski dans son Mille et un opéras constate que la partition, par sa succession convenue de numéros disjoints, emprunte davantage à l’opéra-comique et même à a chanson populaire qu’à la tragédie lyrique. Accumulation d’idées et de contrastes, reproduction de formules consacrées plutôt que réflexion profonde et nouvelle donnant lieu à un véritable chef d’œuvre. Une « curiosité historique », point barre. Gérard Condé, s’il est d’accord pour affirmer que « rien ne sonne moins wagnérien que La Muette de Portici », propose une autre approche qui l’amène à voir dans l’écriture d’Auber la « même énergie sous-jacente, des ressorts semblables, des gestes dramatiques, un sens de la musique de théâtre » qui légitiment le rapprochement avec Wagner. Surtout, constatant que La Muette de Portici se situe « en dehors des courants italiens et germaniques devenus nos références », il invite à écouter plusieurs fois l’œuvre « pour en percevoir les enjeux et les beautés ». Réflexion à rapprocher de celle de Jacques Bonnaure, un autre spécialiste de l’Opéra français, qui dans sa biographie de Massenet suggérait que nous ne possédions plus les clés nécessaires pour goûter l’art du compositeur stéphanois, tout comme il y a une cinquantaine d’années nous ne disposions pas des codes qui nous permettent aujourd’hui d’apprécier un opéra baroque.Il nous faut donc rapprendre notre patrimoine.

2 – Le grand opéra ? Trop petit pour La Muette de Portici !

On a coutume de dire que La Muette de Portici marque la naissance du grand opéra à la française. C’est vrai jusque dans une certaine mesure. La structure de l’ouvrage en cinq actes, l’intrigue tirée d’un événement historique dramatique, un parti-pris scénique spectaculaire sont autant d’arguments irréfutables qui plaident en faveur de cette thèse. Sur un point cependant, La Muette de Portici dépasse de loin le genre auquel elle a donné le coup d’envoi. Dans le grand opéra, la présence d’un ballet, souvent placé au début du troisième acte, était motivée non par le drame mais par les penchants égrillards des riches abonnés, plus intéressés par les gambettes des danseuses que par l’ouvrage représenté. Dans La Muette, le rôle-titre n’est pas chanté (et pour cause !) mais mimé d’un bout à l’autre de la partition. Dans ce contexte, la danse ne sert pas de prétexte au rinçage de l’œil mais possède sa propre justification dramatique. En ce sens, Auber va plus loin que ses successeurs et réussit à sa manière une première œuvre d’art totale, le Gesamtkunstwerk poursuivi par Richard Wagner, qui explique sans doute l’admiration du compositeur allemand pour La Muette de Portici

3 – Une révolution historique

Le 25 août 1830, une représentation de La Muette de Portici au Théâtre Royal de La Monnaie déclenche une révolution, non pas artistique mais une vraie, avec coups de feu, barricades et effusion de sang. Depuis leur rattachement au royaume des Pays-Bas en 1815, les Belges rongeaient leur frein. Une somme de décisions politiques malvenues avait intensifié le mécontentement. Dès 1828, on relevait la présence de foyers d’opposition dans la plupart des villes du pays. En 1830, la révolution de Juillet en France, combinée à la récession économique rend la situation explosive. Dans ce contexte, La Muette de Portici, avec son duo du 2e acte entre Masaniello et Pietro « Plutôt mourir que rester misérable » et son refrain incendiaire « Amour sacré de la patrie », met le feu aux poudres. Le public, chauffé à bloc, se répand dans les rues de Bruxelles et saccage tout ce qui peut symboliser le gouvernement en place. Suite à ce mouvement de révolte, l’indépendance de la Belgique est proclamée le 4 octobre 1830. L’histoire n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Rossini se souviendra des accents héroïques de la partition pour son trio patriotique de Guillaume Tell. Le « Suoni la tromba » de Bellini dans I Puritani lorgne aussi vers cette page fameuse. Surtout, la censure, échaudée, ne prendra plus désormais à la légère le pouvoir subversif de l’opéra. Verdi et bien d’autres en feront les frais. 

4 – Une révolution scénique

Une autre des révolutions suscitées par La Muette de Portici est scénique. Cette révolution-là, pour le coup, doit moins à l’art d’Auber qu’à l’air du temps. En avril 1827, moins d’un an avant la création de La Muette de Portici, Sosthène de La Rochefoucauld, alors directeur des Beaux-Arts de Charles X, instaure un comité de mise en scène à l’Opéra de Paris dont les missions sont d’« examiner la production des peintres de décor et des dessinateurs de costumes, tant sous le rapport de l’art que sous celui de la vérité locale et de l’exactitude l’historique » et de « se prononcer sur les perfectionnements à apporter dans tous les genres à la représentation théâtrale ». Quatre domaines artistiques sont appelés à collaborer comme jamais auparavant : les costumes, les décorations et accessoires, la régie, la danse. Le premier opéra à bénéficier de ce dispositif innovant est La Muette de Portici. Le succès de l’ouvrage lui doit d’ailleurs beaucoup. « Jamais l’Opéra n’avait monté un ouvrage plus soigné sous le rapport de la mise en scène, des ballets, des décorations et des costumes » s’enthousiasme le critique de la Revue musicale. L’art de la mise en scène, tel que nous le connaissons aujourd’hui faisait ainsi ses premiers pas. 

5 – Bel Canto, quand tu nous tiens

Œuvre novatrice qui servira d’exemple à bon nombre de compositeurs, La Muette de Portici présente cependant une caractéristique que ses successeurs ne reproduiront pas : le nombre de ténors. En confiant les personnages de Masaniello et Alphonse à deux clés de sol, Auber ne regarde pas en avant mais plutôt en arrière, du côté des opere serie de Rossini notamment, qui à Naples avait coutume d’utiliser dans un même ouvrage les deux ténors d’exception qu’il avait alors à sa disposition : Giovanni David et Andrea Nozzari. Le premier était contraltino, c’est-à-dire doué d’une voix longue et agile, capable de la plus grande virtuosité mais aussi riche d’expression, le second baritenore, c’est-à-dire plus sombre et plus puissant même si la voix pouvait être également sollicitée dans l’aigu (alors négocié en falsetto, rappelons-le). On retrouve grosso modo ces caractéristiques vocales chez les deux ténors de La Muette. Alphonse exige une voix élevée et souple (sa partition culmine au contre-ut) tandis que la tessiture de Masaniello est plus centrale. Le rôle, écrit pour rien moins qu’Adolphe Nourrit, requiert cependant plusieurs fois des Si bémol aigus, et même dans son air le plus connu « Du pauvre, seul ami fidèle » un Si qui, combiné la douceur de la berceuse, fait du pêcheur napolitain le rival d’Alphonse. Afin de lever toute ambiguïté, les compositeurs romantiques préfèreront confier ce type de caractère à un baryton pur et dur suivant en cela l’exemple de Rossini, non plus à Naples mais à Paris cette fois avec Guillaume Tell. Au moins une exception confirme la règle : Léopold et Eleazar, l’un et l’autre ténors en 1835 dans La Juive de Jacques Fromental Halévy.
Daniel-François-Esprit Auber, La Muette de Portici,

  

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