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Denise Duval, la dernière muse

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Nécrologie
28 janvier 2016

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Dans le livre émouvant qu’il avait consacré à Denise Duval il y a quelques années, Bruno Bérenguer reproduisait cette carte postale envoyée par Francis Poulenc depuis une lointaine villégiature : « Chère Denise, Je vous embrasse sur les deux mamelles ».

Ce n’est pas à une collègue, ni à une amie que l’on écrit de telles choses ; c’est à une muse, une artiste pour artistes, qui libère les instincts créateurs, désinhibe les mots et les gestes, se confond enfin avec les protagonistes dont elle fut la première incarnation. 

La création des Mamelles de Tirésias, en 1947, s’était déroulée dans un climat tapageur. Poulenc se souvenait, dans le rôle éponyme, de « Duval, inouïe », narguant les contempteurs et se riant de la cabale qui était en cours. Duval était donc Tiresias. Mais elle était aussi Blanche de la Force, la figure mystérieuse de La Voix humaine et les traits de La Dame de Monte-Carlo.

Une des dernières grandes muses de l’histoire de l’Opéra s’est donc éteinte le 25 janvier dernier, dans cette Suisse où elle s’était retirée, après avoir quitté la scène, il y a plus de 50 ans. Une muse dont les enregistrements de Tiresias, des Dialogues des Carmélites, de La Voix humaine, dictent pour jamais une certaine façon d’interpréter ce répertoire. D’abord une absolue intelligibilité de chaque mot, dans une mélodie française où, contrairement au Lied allemand, on est éloquent par ce que l’on dit davantage que par ce qu’on laisse entrevoir : même des chanteuses étrangères retiennent la leçon, comme Felicity Lott dont La Dame de Monte-Carlo recherche, elle aussi, la vérité nue révélée par les mots. Ensuite une prestance, un art du théâtre où la silhouette de danseuse de Denise Duval n’était pas un simple ornement, plutôt l’élément central d’incarnations où la scène était un terrain libérateur, où tout pouvait s’exprimer avec plus de force encore ; un lointain modèle encore bien présent dans l’incarnation récente de Barbara Hannigan, à l’Opéra de Paris, où la défonce scénique suppléait les capacités vocales. Enfin une voix d’une absolue transparence, limpide, claire, droite peut-être pour l’auditeur d’aujourd’hui, mais autorisant d’ahurissants sauts de répertoires.

Car loin de se résumer à l’exceptionnelle relation humaine et artistique nouée avec Francis Poulenc, la carrière de Denis Duval était également symptomatique d’une époque où les genres et les styles musicaux se cumulaient au lieu de s’éliminer ; où il était possible de débuter, à 20 ans, aux Folies Bergères, pour arriver peu de temps après sur les planches de l’Opéra-Comique et se faire recommander par Jacques Rouché ; où l’on pouvait être sans effaroucher les esprits chagrins Conception de L’Heure Espagnole et Cio-Cio-San dans Madame Butterfly, chanter dans Les Contes d’Hoffmann et dans Pelléas et Mélisande comme dans Les Indes Galantes et dans Tosca, sans chercher à transformer sa voix ou sa technique, sans abdiquer son style propre dans la recherche d’un style authentique. En un peu plus de 20 ans de carrière, c’est mille vies, autant d’écoles, de genres et de compositeurs, qu’aura traversées Denise Duval, au sein de troupes, parfois regardée comme autant de carcans, mais qui lui ont permis de saisir toutes les libertés.

A lire : Denise Duval par Bruno Bérenguer, éditions Symétrie

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