Forum Opéra

Discothèque idéale: Così fan tutte (Naxos – Busch, 1934)

Partager sur :
Brève
30 octobre 1934
En écoutant cet enregistrement comment ne pas évoquer la figure du grand musicologue et producteur de France Musique que fut Rémy Stricker. C’est lui qui un jour a remis à l’honneur cette interprétation de Cosi fan Tutte dont il n’a cessé, par la suite, de souligner le caractère exceptionnel.

Dès le début, l’auditeur est happé par le discours théâtral et musical que Fitz Busch anime dès le lever de rideau. Au « lento » de l’ouverture succède un presto endiablé particulièrement saisissant, sans pour autant forcer le trait. C’est qu’on est ici au théâtre de Glyndebourne, là-même où l’œuvre a été enregistrée peu après les représentations. Et la magie du spectacle opère tout au long de ce disque. Comme toujours chez Busch pas d’afféteries, d’accents ajoutés ou d’effets inutiles. Les récits (accompagnés ici au piano) sont énoncés simplement et sont dès lors extraordinaires de vérité, de justesse de ton. De plus ils s’insèrent naturellement entre les airs et ensembles sans aucune rupture, chaque acte semblant porté par un seul souffle. Le texte de Da Ponte est alors bien mis en valeur avec une prononciation italienne très soignée. Et quel orchestre ! La scène et la fosse sont complices comme jamais, tous menés avec une précision rigoureuse. Les cordes offrent un tapis de velours aux interprètent et les vents tout ce qu’il faut d’émotion ou d’humour. Dès le premier trio des hommes le ton est donné, celui du singspiel viennois que Mozart aimait tant. Busch dirige ici des « kammersänger » rompus à la discipline des ensembles de musique de chambre et habitués aux accents les plus dramatiques ou passionnés du bel canto. Tous les chanteurs ici réunis ont fait partie de la troupe du Festival de Glyndebourne dès sa fondation en 1934. Ce travail régulier au sein d’un tel ensemble, la cohésion et la complicité qui en découlent s’entendent aussitôt dans cet enregistrement de Così fan tutte. Dans le rôle de Fiordiligi, Ina Souez est éblouissante. Soprano américaine (descendante de Cherokees !) installée à l’époque en Angleterre, elle avait débuté en Europe à Palerme dans Mimi de La Bohème et avait chanté pour la première fois à Glyndebourne en 1934 dans Cosi fan Tutte justement. Elle y avait été acclamée tant par le public que la presse. Elle retourna plus tard aux États-Unis pour s’engager durant la guerre dans la Women’s Army group avant de délaisser l’opéra pour le jazz en 1945 ! Sa technique est sûre, son timbre magnifique et sa Fiordiligi est remarquable. Luise Helletsgruber, qui chante Dorabella à ses côtés avait débuté comme soprano à l’Opéra de Vienne en 1922 à l’âge de 21 ans et s’était aussitôt spécialisée dans les rôles de Mozart, et certains rôles wagnériens comme Elsa de Lohengrin ou Eva des Maîtres Chanteur avant de débuter en 1934 au Festival de Salzbourg. Son timbre clair se marie superbement avec celui de Souez.  A leur côté, Irene Eisinger, (Née en Silésie en 1903) est une Despina pétillante et plus d’une fois émouvante. On songe à Reri Grist, Despina populaire qui lui succéda à Glyndebourne en 1962 avant Salzbourg trois ans plus tard. Heddle Nesh ténor né à Londres en 1894, très célèbre en Angleterre avait étudié en Italie et était entré, lui aussi, dans la troupe de Glyndebourne en 1934. Remarquable musicien et chanteur au timbre clair, il est un remarquable Ferrando et son air « Un’ aura amorosa », interprété avec aisance et simplicité, va droit au cœur de l’auditeur. Le baryton allemand Willi Domgraf-Fassbaender (1897-1978) qui interprète Guglielmo, est le père de la célèbre mezzo Brigitte Fassbaender. Il avait étudié avec le même professeur qu’Heddle Nash en Italie et s’était spécialisé à l’Opéra de Berlin dans les rôles de Mozart et de Verdi. Enfin John Brownlee, Don Alfonso docte et sonore, né en Australie en 1900, avait étudié le chant à Paris avec le baryton Dinh Gilly avant de débuter au Covent Garden dans La Bohème puis dans Thaïs à l’Opéra de Paris. Son succès à Glyndebourne dès 1934 l’entraîna au Metropolitan Opera de New York trois ans plus tard. Quant au chef d’orchestre Fritz Busch, chassé de l’Opéra de Dresde par les Nazis, il avait rejoint Buenos Aires en août 1933 invité par le Teatro Colón pour diriger les opéras et concerts de la saison germanique. Il venait d’y diriger Cosi fan Tutte en 1934 peu avant de rejoindre Glyndebourne dans le Sussex pour y fonder cette année-là le Festival d’été aux côtés de John Christie, de la chanteuse Audrey Midmay et du metteur en scène Carl Ebert. Le succès de Cosi est tel que l’œuvre sera repise les années suivantes et enregistrée dans le théâtre en 1934 et 1935. Ce sera le premier enregistrement commercial de l’œuvre.

Ina Souez (Fiordiligi), Luise Helletsgruber (Dorabella), Irene Eisinger (Despina), Heddle Nash (Ferrando), Willi Domgraf-Fassbaender (Guglielmo), John Brownlee (Don Alfonso).
Fritz Busch, Chœur et Orchestre du Festival de Glyndebourne
1 CD NAXOS Historical 8.110280-81 (réédition de l’enregistrement réalisé au Théâtre de Glyndebourne en 1934 et 1935, et sorti en 1936)

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

L’émotion de la beauté accomplie
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

[themoneytizer id="121707-28"]