De la légendaire et fructueuse collaboration entre Tito Gobbi et Maria Callas, on retient toujours les fabuleuses confrontations entre le Scarpia de l’un et la Tosca de l’autre. Moins immédiatement explosif, plus tendre aussi, leur portrait à deux de Rigoletto et Gilda est tout aussi digne de se hisser au sommet de la discographie d’une œuvre abondamment enregistrée. Au Rigoletto de Gobbi, la diction et les accents emprunts d’un naturalisme saisissant, la fierté blessée d’un « Cortigiani, vil razza dannata » dont le mordant et le déchirement hantent l’auditeur bien après la fin du drame. À la Gilda de Callas, l’évidence d’une belcantiste en terres conquises, toute la délicatesse d’un timbre de tigresse plié, par la magie d’un art consommé, aux expressions d’une jeune fille diaphane. Et dans le face à face de ces deux géants, l’alchimie parfaite du grotesque et du beau, du monstrueux et du sublime telle qu’imaginée par Hugo dans Le Roi s’amuse.
Aux côtés de ce duo superlatif, Giuseppe di Stefano prête au duc de Mantoue un timbre alors splendide de santé et de soleil, assorti d’une crânerie dans la projection qui fait toute l’arrogance de cet insouciant antagoniste. Impeccables, les chœurs et l’orchestre de la Scala, dirigés par le fidèle Tullio Serafin, fournissent l’écrin idéal au génie de Gobbi et Callas, verdiens pour la postérité.
Tito Gobbi (Rigoletto), Maria Callas (Gilda), Giuseppe di Stefano (Il duca di Mantova), Nicola Zaccaria (Sparafucile), Adriana Lazzari (Maddalena), Giuse Gerbino (Giovanna), Plinio Clabassi (Il conte di Monterone), William Dickie (Marullo), Renato Ercolani (Borsa), Carlo Forti (Il conte di Ceprano), Elvira Galassi (La contessa di Ceprano), Vitrrorio Tatozzi (Un usciere), Luisa Mandelli (Un paggio).
Chœurs et orchestre du Teatro alla Scala, sous la direction de Tullio Serafin
Enregistré du 3 au 16 septembre 1955 au Teatro alla Scala, (Milan).