« Donnez-moi les quatre plus belles voix du monde ! », exigeait Toscanini pour diriger le Trouvère. La formule magique peut s’étendre à d’autres titres du répertoire. Decca l’a mise en application dans les années 1980 pour un enregistrement d’Un ballo in maschera qui, depuis, occupe la première marche de la discographie. Tout d’abord, quatre chanteurs, à leur zénith donc, dans une prise de son idéale : en Riccardo, la splendeur solaire de Luciano Pavarotti – Louis XIV camouflé en gouverneur de Boston – ; en Amelia, la pureté indécente de Margaret Price – peut-être le plus beau timbre de soprano qui ait jamais existé – ; en Renato, la noblesse irascible de Renato Bruson ; et autour du cou d’Oscar, le collier de perles fines enfilé par Kathleen Battle. Christa Ludwig, en Ulrica, transforme en quinté plus ce quarté de luxe. Mais, dans cet opéra à l’équilibre fragile, entre tragédie et comédie, le rôle du chef intervient avant tout autre paramètre. Un quart de siècle après une première version dominée par le Riccardo classieux de Carlo Bergonzi, Sir Georg Solti propose une lecture où la subtilité l’emporte sur l’emphase et l’intensité sur la solennité. Cette attention accrue aux détails et aux couleurs orchestrales met en valeur les thèmes véhiculés par la partition – l’amour interdit, la fusion de l’extase et de la mort, la musique comme expression d’un désir inassouvi qui, ensemble confondus, valent au Bal Masqué l’épithète de « Tristan verdien ».
Verdi, Un Ballo in Maschera
National Philharmonic Orchestra, London Opera Chorus, Sir Georg Solti (direction)
Christa Ludwig (Ulrica), Luciano Pavarotti (Riccardo), Renato Bruson (Renato), Margaret Price (Amelia), Kathleen Battle (Oscar), Malcolm King (Tom), Robert Lloyd (Samuel), Peter Hall (Servo), Alexander Oliver (Giudice), Peter Weber (Silvano)