Forum Opéra

A. SCARLATTI, Christmas at the Bethlehem of the West

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CD
11 décembre 2025
La vocalité, la plénitude et la ferveur

Note ForumOpera.com

4

Détails

Alessandro Scarlatti
Christmas at the Bethlehem of the West  Music from Santa Maria Maggiore, Rome

Messa per il Santissimo Natale, 1707
Beata Mater, 1707
Non so qual più m’imgombra, 1716 (CC)
O magnum mysterium, 1707

Giovanni Giorgi
Messa a quattro concertata con violini per la notte di Natale

Carlotta Colombo, soprano (CC)
Coro e Orchestra Ghislieri
Direction musicale
Giulio Prandi

Un CD Arcana A587, de 69 min 21, enregistré en mars 2025, à Padoue, Salla della Carità

Cette année, où l’on célèbre le tricentenaire d’Alessandro Scarlatti, aura été généreuse en découvertes propres à modifier les hiérarchies musicales, mais surtout à rendre sa place – essentielle – au compositeur sicilien. L’occasion était trop belle… Alessandro Scarlatti fut maître de chapelle à Sainte-Marie Majeure (Rome), dont le culte marial était et demeure la marque (1). Il écrivit notamment sa Messa per il Santissimo Natale à cette occasion. Vous l’associez à deux de ses motets contemporains et à une cantate, ajoutez l’authentique découverte d’une messe postérieure, de même destination, de Giovanni Giorgi et vous avez là un riche programme, incontestablement original et cohérent, lié à Noël. Cet enregistrement bienvenu s’inscrit dans le projet Scarlatti Legacy, porté par la GhislieriMusica (2) et Giulio Prandi, à qui on doit ce nouvel enregistrement.

Synthèse du style antique et du style concertant, faisant appel à des moyens réduits (8 voix, en double chœur, cordes et basse continue), la messe per il Santo Natale constitue un sommet de sensibilité, de clarté et de vie. L’unité est renforcée par le retour du motif orchestral introductif au début du Credo et du Sanctus. Le choix interprétatif confie chaque partie vocale à un soliste. Tous, familiers du travail collectif guidé par Giulio Prandi, confèrent à l’ensemble une unité, une vigueur, une ductilité exemplaires, où chacun écoute l’autre. La polyphonie y est toujours lisible, servie par une vocalité difficile à égaler. On ne sait qu’admirer le plus, de l’œuvre magistralement écrite et des interprètes également engagés. La belle et brève introduction instrumentale de la messe, malgré des effectifs limités, donne une plénitude qui ne se démentira jamais. La souplesse de la déclamation, la conduite des lignes, tout ravit. La pureté d’émission, les équilibres du Christe forcent l’admiration, comme l’animation du dernier Kyrie. Après son intonation grégorienne, l’ample Gloria, particulièrement développé, fait la part belle aux combinaisons vocales renouvelées, en alternance avec les passages instrumentaux. Les contrastes qu’appelle le texte, la tendresse et l’énergie sont traduits avec un art consommé, et la juxtaposition des séquences musicales est l’occasion pour le compositeur de déployer toute sa science contrapuntique. La beauté est constante, et la sensibilité émouvante, bien que contenue. La dynamique, quels que soient les tempi adoptés, participe à l’attention soutenue de l’auditeur. L’affirmation du Credo n’est pas moins admirable. Le douloureux Crucifixus, auquel répond l’exultation du Et resurrexit en constituent le sommet. Le Sanctus, étonnamment bref, se réduit à l’énoncé du texte liturgique, dans un tempo soutenu. Le recueillement de l’Agnus Dei n’en prend que plus de valeur : l’émotion est bien là, pour une œuvre magistrale, qui mérite d’être connue.

Les six musiciens se signalent par leur homogénéité, leur écoute. Les modelés et articulations sont exemplaires. Chacun appelle des éloges : les quatre cordes, le théorbe et l’orgue, toujours en symbiose avec les voix.

Le motet Beata Mater qui lui succède s’inscrit dans le même climat. L’orgue seul participe à la supplique fervente des voix. L’écriture horizontale, alla Palestrina, est servie idéalement, à ceci près que la prise de son, qui fait la part belle à l’orgue, relègue un peu les chanteurs au second plan.

La cantate Non son qual più m’ingombra adopte le plan traditionnel, où deux récitatifs introduisent autant d’arias. Carlotta Colombo, familière de l’œuvre d’Alessandro Scarlatti, chante aussi les deux messes au programme. La voix, au medium charnu, au souffle long, conduit ses phrases avec art, et son dernier air, berceur, où elle intercède auprès de la Vierge, mérite d’être connu, servi par une belle pâte instrumentale. Auparavant, dans son premier air, seule concession à la virtuosité, les traits sur « piacer » puis sur « goder » permettaient à notre soprano de faire montre de sa ductilité et de sa longueur de voix.

Le second motet, O magnum mysterium, combine les deux chœurs plus qu’il ne les oppose, comme le faisait le Beata Mater écouté auparavant. La plénitude de l’écriture dense aux voix enchevêtrées, soutenues par l’orgue, fait place à l’animation, puis à l’admiration émerveillée (O beata…). Encore un moment de bonheur.

Giovanni Giorgi, Vénitien d’origine, fut maître de chapelle à Saint-Jean de Latran, avant de partir à la Cour de Lisbonne. Nous sont parvenues, entre autres, 33 messes (éditées par Feininger entre 1960 et 1963). Celle-ci, dont c’est le premier enregistrement mondial, limite son effectif choral à quatre parties, loin de l’influence de Benevoli, qui marquera sa production.  Son originalité réside dans le recours à un violon concertant. Messe romaine, dépourvue de la polychoralité qui lui était familière, elle est déjà plus proche du style galant. L’expression individuelle des solistes y est privilégiée, fut-ce au détriment du traitement explicite du texte liturgique. Même si son association au programme précédent est bienvenue, on nous permettra de préférer – ô combien – l’écriture d’Alessandro Scarlatti, le maître.

La plaquette d’accompagnement, trilingue, que signe le chef, est remarquablement documentée, et donne les clés de ces musiques.

(1) son bref séjour, en 1707, suffit à marquer son empreinte. Quant à la basilique, elle conserve les prétendues reliques du berceau et des langes de Jésus, mais – surtout – la célèbre crèche en marbre d’Arnolfo di Cambio (1291), l’architecte de Santa Maria del Fiore à Florence.

(2) On doit les transcriptions modernes d’Alessando Scarlatti et de Giovanni Giorgi au musicologue Luca Della Libera (www.areditions.com).

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Scarlatti Prandi Arcana

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