Tandis qu’Anna Netrebko ouvre la nouvelle saison du Metropolitan Opera dans le rôle d’Anna Bolena, sa maison de disque publie cette compilation qui regroupe des extraits des différents ouvrages qu’elle a interprétés sur la première scène new-yorkaise depuis ses débuts in loco en 2002 dans Guerre et Paix de Prokofiev. Les onze plages du CD alternent judicieusement airs et ensembles, ce qui permet d’entendre également certains des artistes –et non des moindres- qui ont accompagné la belle Anna dans cette aventure.
Issu des archives sonores du Met, le programme fait la part belle aux inédits. Seuls deux extraits concernent des opéras qui ont déjà fait l’objet d’une parution en DVD : les scènes de folies de I Puritani et de Lucia di Lammermoor. Cela explique sans doute qu’elles sont ici amputées de leurs cabalettes respectives, ce qui prive l’auditeur du contre-mi bémol de Lucia que la cantatrice avait réservé pour la toute fin de la scène. Mais l’intérêt de ces deux plages réside essentiellement dans l’opportunité d’entendre une interprète, disposant d’une voix large et d’une riche palette de couleurs, rendre justice aux intentions des compositeurs en donnant une consistance dramatique à ces héroïnes belcantistes, comme le firent jadis Maria Callas ou Joan Sutherland.
Dans le quatuor final de Don Pasquale capté en avril 2006, la cantatrice incarne une Norina fraîche et mutine à souhait, entourée de Mariusz Kwiecien et de partenaires différents de ceux de la récente publication en DVD de l’ouvrage, en l’occurrence Simone Alaimo et le sémillant Juan Diego Flórez.
L’extrait de Guerre et paix s’avère précieux car il montre la toute jeune Anna Netrebko, à l’orée de sa carrière internationale, camper une délicieuse Natacha avec une voix encore fine et juvénile.
L’air de Zerline, en revanche est assez anecdotique. Certes, la cantatrice y déploie une grande sensualité mais la direction routinière de Sylvain Cambreling en atténue l’intérêt.
Le trio de l’orage, tiré de Rigoletto est infiniment plus passionnant : la direction de Asher Fich est extrêmement dramatique tout comme les interventions de la chanteuse, à des lieues des petites voix monochromes à qui l’on confie trop souvent ce rôle. C’est pourquoi, l’on regrette de ne pas en entendre davantage d’autant plus qu’il n’existe aucun document officiel de la Gilda de Netrebko. Le timing du CD aurait permis d’y ajouter l’un des deux airs, « Tutte le feste », par exemple. Dommage.
Dans les extraits plus récents, on remarque le magnifique Hoffmann de Joseph Calleja, qui remplaçait Rolando Villazon souffrant, et le Rodolfo élégant et stylé de Piotr Beczala. Anna Netrebko, elle, y déploie les moirures de son timbre somptueux : son Antonia est bouleversante, sa Mimi poignante et sa Juliette tout bonnement exceptionnelle, tant dans le duo de la chambre, face au fringant Roméo de Roberto Alagna, que dans le redoutable « Amour, ranime mon courage » que l’on a rarement entendu exécuté avec une telle assurance vocale. Les esprits chagrins ne manqueront pas de relever que le trille est à peine esquissé ou que le texte n’est pas très intelligible, ce qu’accentue une prise de son par trop réverbérée, mais comment ne pas rendre les armes devant tant de splendeur vocale au service d’une intensité dramatique à couper le souffle. Depuis ces représentations de 2007, la diction française d’Anna Netrebko s’est considérablement améliorée comme l’a montré sa récente Manon londonienne. C’est pourquoi sa maison de disque serait bien inspirée de lui offrir bientôt l’opportunité d’enregistrer un nouveau récital d’opéra qui permette de l’apprécier dans la plénitude de ses moyens actuels.
Alors, bien sûr, tout n’est pas parfait dans ce CD mais c’est justement ce qui en fait l’intérêt puisqu’il est le reflet des étapes successives de l’ascension d’une des artistes les plus douées et les plus charismatiques d’aujourd’hui.
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