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Karen Stone (Opera Europa) : « A Kharkiv, sous les bombes, les artistes continuent de créer »

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Interview
7 juin 2024
A quelques jours des élections du européennes du 9 juin, au programme desquelles, pour certains partis, la culture est cruellement absente, rencontre avec Karen Stone, directrice depuis janvier 2023 de l’association Opera Europa.

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Détails

Comment faire connaître et transmettre notre héritage culturel, celui de la Renaissance et des Lumières, un modèle universaliste quelque peu contesté par certains aujourd’hui ? Comment faire aimer l’opéra dans le monde, un des joyaux des arts nés justement en Europe, en ces temps de désordres, de guerres et de montée des extrémismes ? Comment défendre cet héritage en promouvant une politique culturelle à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui, ici et ailleurs ? Comment alerter nos concitoyens à quelques jours des élections du 9 juin alors que les partis populistes ne proposent rien en termes de politique culturelle dans leur programme mais sont crédités de chiffres alarmants en termes d’intentions de vote dans les sondages ? Nous nous sommes ainsi intéressés à une association que soutient dans certaines de ses actions la Commission européenne et avons rencontré Karen Stone, directrice depuis janvier 2023 de l’association Opera Europa basée à Bruxelles. Cette metteure en scène, polyglotte, qui a dirigé des maisons d’opéra de premier plan (Opéra de Dallas, Oper Graz, Oper Köln) et fut intendante du Theater Magdeburg pendant treize ans, nous donne d’emblée avec un bel abattage une personnification de cet héritage européen à défendre. Souvenons-nous, dit-elle, de Verdi ne voyageant jamais sans ses livres de chevet : la Bible, les oeuvres de Shakespeare et de Schiller pour nourrir sa faculté créatrice. Verdi qu’on joue évidemment dans les opéras du monde entier.

Karen Stone, qui êtes-vous ?
Je m’appelle Karen Stone, je travaille à Opera Europa, et j’adore l’opéra ! J’ai eu la chance à onze ans à Londres d’être initiée au monde de l’opéra grâce à un programme culturel destiné à la jeunesse. J’ai d’abord découvert L’Heure espagnole, L’Enfant et les Sortilèges et plus tard Les Noces de Figaro. C’est le secret d’une passion d’une vie. Evidemment ces programmes à destination de la jeunesse que certaines maisons ou festivals, membres de notre association, organisent à leur tour sont très importants car ils permettent de croire en l’avenir en formant le public, les techniciens, les artisans et les artistes lyriques de demain.

Quelles sont les missions d’Opera Europa, une association non destinée aux particuliers ?
En effet. Cette organisation a été pensée pour fédérer les maisons d’opéras, les festivals et les compagnies professionnelles du monde entier, désireux de se mettre en contact les uns avec les autres (par système d’abonnement à Opera Europa) afin de communiquer, d’échanger des points de vue et des expériences, de rechercher les meilleures pratiques artistiques et économiques en des temps peu propices aux lourds budgets d’œuvres lyriques. Cela est rendu possible grâce à notre portail internet, à notre riche réseau toujours disponible et aux rencontres entre professionnels dans nos réunions, forums et conférences organisés partout dans le monde. En ce moment nous nous demandons de surcroît comment faire évoluer et varier l’offre des opéras en Europe afin d’attirer un public plus large. Comment faire littéralement passer la porte des opéras à ceux qui ne les connaissent pas ? Nos membres y réfléchissent et innovent en ce sens tous les jours. L’association comprend actuellement plus de 233 membres issus de 44 pays. Nous mettons également à leur disposition des études, des statistiques, toutes sortes de ressources destinées à faciliter la direction de leur théâtre ou de leur festival et la production de leurs spectacles – spectacles qui sont grâce à Opera Europa de plus en plus coproduits entre maisons lyriques de pays ou de villes variés pour faire baisser les coûts et travailler ensemble.

Quand l’association est-elle née ?
Tout a commencé il y a un peu plus que vingt ans. Cette organisation a vu le jour avec trente membres. En 2015 en alliance avec la chaîne Arte, a été aussi créé le site internet gratuit The Opera Platform (devenu aujourd’hui Opera Vision) qui offre des spectacles pour tous les publics, que ce soit les mélomanes habitués ou ceux (plus ou moins) éloignés pour diverses raisons des maisons lyriques.
Outre que tout doit être fait pour défendre le grand intérêt de l’opéra alors que nous voyons partout (en Angleterre et en France aussi) que les budgets pour la culture sont pointés du doigt, je pense que la culture a un rôle politique à jouer au niveau international en tant qu’ambassadrice de notre identité européenne, de nos valeurs, de ce que nous sommes. Notre association tente de faire comprendre aux hommes politiques ce que l’opéra représente, c’est-à-dire la culture européenne par excellence.
Le problème c’est que beaucoup de gens ne vont pas à l’opéra, y compris lesdits politiques. Alors que nous sommes clairement dans un moment de bascule, à quelques jours d’une élection européenne, tout doit être fait pour le défendre. A une ère où tant d’enjeux s’imposent à nous, comme la question écologique, les coproductions sont une bonne façon de ne pas utiliser trop de matériaux chers et de travailler en intelligence collective. Les idées et les bonnes pratiques s’échangent ; Opera Europa apporte une aide non négligeable par exemple à l’Opéra de Strasbourg pour monter en synergie des coproductions avec l’Espagne ou avec la Pologne – ce qui n’a rien d’évident sans l’infrastructure offerte par l’association.
Nous inventons aussi un autre management depuis dix ans. Pour ce faire, nous organisons pour des jeunes professionnels des rencontres avec des leaders lors des Opera Management Courses (il s’agit de sessions de cinq jours de cours de management d’opéras destinés à de jeunes professionnels de moins de 35 ans). Nous proposons enfin une base de données de casting et de production incluant toutes les créations de nos membres depuis 2011, sans oublier notre carnet d’adresses très fourni.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur la plateforme de streaming Opera Vision ?
En ce qui concerne Opera Vision, plateforme entièrement gratuite (les sites de streaming des opéras sont quant à eux payants) soutenue financièrement par la Commission Européenne, il s’agit de rendre l’accessibilité à l’opéra la plus large possible pour des gens qui ne peuvent plus venir physiquement ou pour des mélomanes qui veulent découvrir le plus récentes créations de nos partenaires. Chacun peut regarder la création d’une production en direct ou dans les six mois après sa première diffusion. On peut y apprécier des oeuvres incroyables. Je pense à ce Turandot créé à Varsovie et qui a réuni 300 000 spectateurs sur le site ! Après tout, la plateforme est un moyen aussi, pourquoi pas, de mieux faire connaître aux réfugiés et migrants que l’Europe accueille ce qu’est la culture du continent qui sera désormais le leur. Ce streaming gratuit permet de découvrir huit représentations par mois sous-titrées en plusieurs langues avec des notes de programmes numériques, et ceci non seulement grâce à une trentaine de partenaires établis dans dix-huit pays européens dans le cadre du programme Creative Europe de l’Union européenne, mais aussi à une centaine d’autres membres du monde entier (opéras et compagnies). Nous avons aussi une chaîne Youtube.

En ces temps de guerre, l’association a-t-elle un autre rôle à jouer ?
Absolument, et nous sommes d’ailleurs constamment en phase de réflexion sur ces problématiques avec l’évolution dramatique du monde. Nous avons par exemple proposé et mis en place une aide spécifique pour l’Ukraine, dont les théâtres sont nos partenaires. A l’heure où je vous parle, à Kharkiv, sous les bombes, les artistes continuent de créer, de répéter et de proposer des spectacles à leurs concitoyens. Et il est vital que le théâtre puisse fonctionner car dans une guerre, les gens ont besoin de culture. Ils ont besoin de se trouver ensemble dans un théâtre et de ressentir les mêmes émotions.

Outre le Opera Management Course, l’association n’a-t-elle pas créé d’autres événements pour promouvoir l’opéra ?
Nous avons créé des prix comme le Prix Européen de la Mise en scène ou des prix destinés aux chanteurs. Les prix sont très importants parce qu’ils ouvrent des portes aux membres et artistes qui en sont dotés. C’est une belle carte de visite pour se faire connaître ou se développer. Pour les journées spéciales, Opera Europa a créé le World Opera Day en association avec Opera America, qui aura lieu le 25 octobre prochain, une initiative soutenue par l’UNESCO. Nous espérons que cet événement aura un retentissement maximum grâce à diverses actions dont vous entendrez parler.

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