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VERDI, La traviata — Marseille

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Spectacle
19 juin 2014
Retour à l’essentiel

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes

Livret de Francesco Maria Piave

D’après La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils

Détails

Mise en scène

Renée Auphan

Assistante

Chantal Graf

Décors

Christine Marest

Costumes

Katia Duflot

Lumières

Roberto Venturi

Violetta

Zuzana Markova (17,19,21 juin)

Mihaela Marcu (18,20,22 juin)

Flora

Sophie Pondjiclis

Annina

Christine Tocci

Alfredo Germont

Teodor IlincaI (17,18,21 juin)

Bülent Bezdüz (18,20,22 juin)

Giorgio Germont

Jean-François Lapointe

Le baron Douphol

Jean-Marie Delpas

Le marquis d’Obigny

Christophe Gay

Le docteur Grenvil

Alain Herriau

Gaston

Carl Ghazarossian

Giuseppe

Camille Tresmontant

Choeurs de l’Opéra de Marseille

Chef de choeur

Pierre Iodice

Orchestre de l’Opéra de Marseille

Direction musicale

Eun Sun Kim

Marseille, Opéra municipal, 18 et 19 juin 2014 à 20heures

Dans la profusion actuelle de productions de La Traviata, celle de l’Opéra de Marseille réconforte car elle rend l’oeuvre à elle-même. Renée Auphan, sans se soucier d’y plaquer une grille d’interprétation absconse ou d’y projeter ses fantasmes, s’en tient au texte et aux situations, confiante que la musique porte assez de sens pour ne pas en rajouter. Sa lecture ne semblera plate qu’aux spectateurs inattentifs, car elle fourmille de détails qui ramènent à l’essentiel : La traviata est un mélodrame. C’est sous cette forme que Verdi a découvert l’oeuvre et sous sa férule Piave ne dévie pas d’un pouce de cet esprit.  L’histoire de cette femme entretenue, malade  de surcroit, privée par un chantage affectif de sa rédemption auprès d’un amour sincère et qui expire alors même qu’elle est réintégrée à l’humanité digne de ce nom se suffit à elle- même. Renée Auphan la montre d’abord jouant son rôle de demi-mondaine protégée de Douphol, par un geste qui fait de lui son propriétaire, avant que plus tard un autre geste ne suffise à dire son agacement et sa fatigue. A ses côtés, l’exubérante Flora fait pressentir la réserve que Violetta révèlera une fois seule. D’une attitude et d’un regard la rivalité de Douphol, sans cesse soupçonneux, et d’Alfredo est montrée, Nulle insistance, mais une foison de détails qui vivifient les situations et restituent leur humanité aux personnages. Flora la bonne fille se déchaîne, pendant sa fête, traitant Gaston en sex toy et révélant des tendances sadiques…de façon assez légère et ambiguë pour que cela ne soit peut-être qu’un jeu. Ainsi, modestement mais fermement  Renée Auphan impose sa marque, qui se révèle juste, précise et toujours en symbiose avec la musique. 

L’esprit des décors s’accorde à celui de la mise en scène. Christine Marest a conçu une structure monumentale qui situe chaque tableau dans les vastes espaces des maisons de maître, le salon de réception de Violetta, le séjour ouvert sur la terrasse de la maison de campagne, le salon de Flora. D’une séquence à l’autre des rideaux différents, la disparition d’un miroir, des sièges nouveaux, l’ouverture ou la fermeture des hautes fenêtres créent des ambiances variées. Cette structure unique qui délimite toujours le même plan pourrait du reste, témoin muet mais éloquent, dire l’aliénation de la courtisane, dépendante d’un type d’habitat qui atteste de son standing et justifier le coût de la résidence à la campagne.

Les costumes de Katia Duflot, quant à eux, témoignent de l’aspiration à la respectabilité des compagnes de fête de Violetta et Flora. Aucune tenue tapageuse ou de mauvais goût, et Violetta semble, le 18, sortir du catalogue de Pierre Balmain Jolie Madame, impression qu’on n’éprouvera pas le 19 avec une autre interprète. Seule erreur, à notre avis, le déshabillé final : le corps de l’une des interprètes, dont il souligne la poitrine, ne peut y cacher sa vitalité, peu compatible avec un épuisement proche de la mort. Petit mystère, le col de clergyman de Germont père, qui serait un protestant provençal. Sans doute prend-il Dieu à témoin  à plusieurs reprises, mais ce recours est-il l’effusion d’une foi sincère ou un moyen d’en imposer à Violetta en annexant le Juge Suprême ? Plutôt réussis dans l’ensemble les éclairages de Roberto Venturi ne mériteraient-ils pas d’être revus au deuxième acte ? Ils ne rendent guère sensible la proximité de la nature où Violetta a voulu oublier son ancienne vie. 

Lawrence Foster, directeur musical de la maison, ayant renoncé pour des raisons de planning à diriger sa part des représentations, la jeune Eun Sun Kim assume la totalité des six prévues. Le 18 c’est un quasi sans faute; hormis une accélération qui semble prendre au dépourvu un choeur pourtant bien préparé, elle gère sans la moindre faiblesse un équilibre constant entre lyrisme et dynamisme. La présence en loge de Lawrence Foster dope-t-elle les musiciens ? Ils réussissent des dosages sonores dont les raffinements et les modulations, unis aux incessantes nuances que Eun Sun Kim imprime à  l’accompagnement, font de cette exécution un évènement. Le 19, Foster n’est pas là et le premier acte inquiète et déçoit car loin de la réussite de la veille l’orchestre sonne plutôt débraillé. Que s’est-il passé à l’entracte ? A la reprise,  dès les premières mesures, on retrouve la qualité de la veille et il en sera ainsi jusqu’à la fin de la représentation, le troisième acte étant encore meilleur dans la transparence déchirante des cordes. Et comme la veille Eun Sun Kim semble, pinceau en main, passer avec la même précision de la miniature à l’ampleur de la fresque, en coloriste infatigable dont les touches ne cherchent pas le joli mais le nécessaire pour servir au plus près  l’orchestration de Verdi. Quelle belle, quelle bonne direction ! 


Sophie Pondjiclis, Mihaela Marcu © Christian Dresse

Un autre intérêt de cette production marseillaise est la double distribution des rôles de Violetta et Alfredo. Sans doute est-il risqué d’être péremptoire après une seule écoute, de surcroit dans des conditions inégales puisque les interprètes du 18 y faisaient leur première alors que pour ceux du 19 c’était leur seconde soirée. Différons la difficulté en parlant d’abord des permanents qui assurent toute la série. Si l’Annina de Christine Tocci n’impressionne guère, ni le premier ni le second soir,  le Douphol de Jean-Marie Delpas, au-delà de la stature du chanteur et d’un poids vocal qui en imposent, prend un relief certain dans la vigilance jalouse, voire brutale, dont il entoure Violetta.  Au futile Gaston, Carl Ghazarossian prête son physique juvénile, voire gracile, qui contraste plaisamment avec sa voix vigoureuse. La pulpeuse Sophie Pondjiclis campe une Flora extravertie, certes moins distinguée que Violetta mais combien vive et prompte à aguicher, tempérament et conscience professionnelle  confondus ! Jean-François Lapointe réussit, encore mieux le 19 que le 18, un Germont père qui allie intimement l’autorité qui impressionne et la bonhomie qui désarme, avec cette pointe d’autocomplaisance proche de le rendre odieux. La plénitude de la voix se plie aux intentions expressives, d’une éloquence juste, absolument dépourvue d’excès de pathos. Un grand Germont.

Le 18 son fils est incarné par Bülent Bezdüz, auquel sa minceur  et son épaisse chevelure donnent l’air romantique à souhait. A-t-il le trac, sur cette scène qu’il n’a pas foulée depuis 2002 ? Il lui faudra tout l’acte I pour que la voix se chauffe et s’ouvre. Quand ce sera fait elle n’impressionnera ni par son volume ni par son mordant, mais l’interprétation sera d’une musicalité impeccable, dépourvue de tout histrionisme. Le 19, c’est au tour de Teodor Ilincai, remarquable Roméo de la production de 2011. Que lui est-il arrivé depuis ? A-t-il chanté trop de rôles trop lourds pour sa voix ? La fluidité qui semblait naturelle fait défaut,  mais la projection a gardé sa clarté et sa force, l’accent est ferme et pour lui aussi les deuxièmes et troisième actes sont nettement meilleurs.

La Violetta du 18 a déjà interprété le rôle en Roumanie, son pays natal. Mihaela Marcu a le physique séduisant qui convient pour incarner une femme à succès, et à l’acte premier elle est parfaite en mondaine qui reçoit. Pourquoi est-elle moins convaincante lorsque, restée seule, elle s’interroge à voix haute ? Serait-ce parce qu’elle ne parvient pas à exprimer la sincérité de Violetta ? Elle a  indéniablement beaucoup travaillé, comme le prouvent certains gestes à l’évidence reproduits d’après des photographies de Maria Callas. Mais cela concerne l’apparence, et l’émotion devrait naître de la voix… Comme, de surcroit elle semble en danger dans les passages d’agilité virtuose et que la projection n’est pas impecable, avec des faiblesses dans le medium et le grave, sa prestation n’est pas de celles qui bouleversent.  A sa décharge, elle a un admirateur si véhément qu’il passe son temps à chercher à susciter les applaudissements et les ovations, sans se rendre compte qu’en hachant la continuité musicale au profit de la performance vocale qu’il a décrété il empêche l’émotion de se développer dans la durée. En vedette du premier cast, celle dont la Lucia avait fait chavirer les coeurs en février dernier, Zuzana Markova chantait le 19. Comment ne pas craindre, confusément, que l’éblouissement d’alors ne se renouvelle pas ?  Craintes vaines, on s’en rendra vite compte. On retrouve intacte la maîtrise technique qui lui permet de briller dans les difficultés, la sensibilité qui nourrit le personnage d’une profondeur émouvante et l’intelligence qui lui permet d’atteindre une efficacité expressive maximale avec un minimum de moyens. Au premier acte, déjà, il se mêle un rien de retrait à sa présence à la fête, qui la distingue et fait d’elle une héroïne avant même qu’elle reste seule en scène. Cela peut sembler peu, mais cela témoigne d’une compréhension du personnage dans l’oeuvre que la formation de chef d’orchestre de Zuzana Markova explique probablement. C’est peu dire que sa Violetta émeut : il faudrait pouvoir enregistrer le silence du public, souffle suspendu, sans applaudissements intempestifs, avant que, au tomber du rideau du premier et du troisième acte il n’éclate en ovations rugissantes.

Ainsi s’achève cette saison d’opéra marseillaise, dans un calme étrange si on le compare aux perturbations survenues ailleurs du fait des intermittents. Cette production recueille un franc succès. Sans doute le titre y est pour quelque chose, mais la conception, la réalisation scénique et musicale et les interprètes, qu’on les apprécie plus ou moins, nous sortent de routines lassantes  et nous épargnent certaines élucubrations. Ce n’est pas un mince mérite et cette Traviata rendue à l’essentiel a bien des vertus !

 

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