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Leonardo García Alarcón : « Imaginons que les musiciens disent au vieux Monteverdi : on va écrire un opéra ensemble »

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Actualité
4 février 2019
Leonardo García Alarcón : « Imaginons que les musiciens disent au vieux Monteverdi : on va écrire un opéra ensemble »

Infos sur l’œuvre

Détails

C’est sans aucun doute l’un des événements les plus attendus de la saison : La Finta Pazza du vénitien Francesco Sacrati est sur le point de renaître sur la scène du Grand Théâtre de Dijon, 374 ans après avoir inauguré l’histoire de l’opéra en France sous le regard émerveillé du futur Roi Soleil. Leonardo García Alarcón nous a reçu dans sa loge du Staatsoper de Berlin, où il dirigeait une éblouissante reprise de l’Orfeo mis en scène par Sasha Waltz, mais nous avons repris au téléphone le fil d’un entretien foisonnant où il est aussi bien question de L’incoronazione di Poppea ou de Barbara Strozzi que de Schopenhauer, d’informatique et de génétique compositionnelle.


Avant que Lorenzo Bianconi ne retrouve une partition de cette Finta Pazza en 1984, un autre chercheur, Claudio Sartorio, parlait de Sacrati comme du « compositeur fantôme » d’un opéra « qui n’en est peut-être pas un ». Alors, première question : est-ce bien un opéra ? 

Oui, absolument. Il s’agit d’un opéra en trois actes qui ne comporte aucune différence formelle avec les ouvrages de la même période. Le musicologue Claudio Sartorio a pu tenir ces propos à une époque où il n’avait pas accès à la partition. C’est même un opéra qui a pu influencer L’Incoronazione di Poppea. Nous sommes en 1641, soit un an plus tôt. Je trouverais intéressant de pouvoir expliquer, peut-être à Aix-en-Provence en 2020, quels passages pourraient être de la plume de Sacrati. Grâce à une analyse approfondie de l’intervallique dans La Finta Pazza, il est possible de les repérer. L’intervallique est en quelque sorte la génétique du compositeur, qui nous permet d’identifier ses particularités. « Pur ti mirò, pur ti godo », par exemple, c’est du Sacrati, pour moi, c’est une évidence. 

Certains avaient émis l’hypothèse, mais hésitaient. Pour vous, il n’y a pas de doute ?

Le doute persiste toujours, personne ne pourrait affirmer quoi que ce soit de manière catégorique à propos d’une œuvre aussi complexe que Poppea et qui présente une telle variété de styles. Mais depuis que je connais toute la musique de Sacrati, j’en ai acquis la certitude. C’est un duo qui propose des dissonances nouvelles, par exemple où la basse est tenue en note pédale, ce qui provoque quelques harmonies de 4/2 et de 6/5 et un sixième degré qui n’existent pas chez Monteverdi. C’est l’analyse des choix compositionnels de l’auteur qui permet de se prononcer, ce n’est pas une affaire d’intuition esthétique. Aujourd’hui, un ordinateur pourrait déterminer si « Pur ti mirò, pur ti godo » est de Monteverdi ou de Sacrati en établissant une analyse statistique des numéros d’intervalles utilisés. J’espère pouvoir faire un exposé l’année prochaine sur cette question, qui sera peut-être publié dans une revue scientifique. A Lausanne, avec des ingénieurs informaticiens, nous sommes en train de développer un programme autour de 78 intervalles simples et composés, associés à un texte ou à une émotion, qui devrait permettre d’élaborer un système de lecture des œuvres musicales. Cela n’a jamais été fait dans les traités anciens, probablement parce que c’était alors une évidence pour les musiciens comme pour les théoriciens. 

L’Incoronazione di Poppea est donc vraiment ce qu’en peinture on appellerait une œuvre d’atelier ? 

Oui, sans aucun doute. On peut imaginer ce travail d’atelier entre Monteverdi, Sacrati, Ferrari et Cavalli. J’espère qu’on pourra, d’ici quelques années, réussir à déterminer ce qui appartient à chacun des quatre compositeurs impliqués. De toute façon, les deux partitions de Poppea qui nous sont parvenues, celles de Venise et de Naples, ne nous permettent pas de savoir exactement à quoi ressemblait la mouture originale de 1642. Pour en revenir à La finta Pazza, c’est donc bien un opéra mais la version représentée à Paris devait être très différente de celle de la création, car elle comportait beaucoup de texte parlé, en français, et de nombreuses danses. C’est le premier opéra à la française, la première fois qu’un opéra a dû être adapté au goût français. 

Louis XIV assistait aux représentations, alors qu’il n’était encore qu’un enfant… 

Oui, il n’avait que sept ans, mais il se souviendra du « ballet des autruches et des singes ». On pense d’ailleurs que c’est ce ballet qui lui a donné l’envie de devenir danseur. La Finta Pazza fut donc aussi un grand choc pour lui, car, en 1645, c’était la première fois qu’il voyait un spectacle total. On conserve à la Bibliothèque de l’Arsenal tous les décors de Torelli, qui signera, entre autres, ceux de Zamponi en 1651 au Palais royal de Bruxelles (Ulisse alla Isola di Circé). Il était alors le scénographe le plus réputé, raison pour laquelle le roi de France l’a fait venir. 

La composante bouffe est très développée, à travers notamment le travestissement d’Achille…

Absolument, l’ouvrage est comique dans de nombreux passages. Ce comique est le produit de la détresse de Deidamia, qui en vient à tenir des répliques quasi suicidaires. Plusieurs personnages la suivent sur cette voie, mais surtout la figure d’Eunuque, chanteur et bouffon de la cour de Deidamia et la Nourrice, ténor travesti. Il y a beaucoup de passages très érotiques, où elle provoque en même temps cet Eunuque, mais aussi Diomède et un Capitaine qui prennent ses insinuations au premier degré et en perdent la tête. 

Je crois que vous avez confié ce personnage d’Eunuque à un chanteur assez phénoménal dans son genre (Kacper Szelazek)…

Oui, c’est un phénomène, je l’ai connu à Amsterdam comme doublure de Franco Fagioli (Eliogabalo de Cavalli) et il était hallucinant. C’est bien sûr lui que nous voulions pour un tel rôle, pour chanter et jouer dans ce registre qui n’existe plus. Heureusement, ce sera dans le petit théâtre italien de Dijon, pas dans le grand auditorium, ce qui est parfait pour ce type de pièce. 

L’écriture de La Finta Pazza est-elle aussi érotique que celle de L’Incoronazione di Poppea ? 

Le registre érotique de Poppea est très différent. Chez Monteverdi, on se retrouve, dès le début, devant une histoire dangereuse et qui brave les interdits, ce qui excite les sens d’une manière absolument unique. Au contraire de Poppea, Deidamia incarne une sorte d’héroïne et même si l’érotisme progresse au fil de l’opéra, il n’est pas le centre de l’action. C’est son intelligence, sa rhétorique et l’amour infini qu’elle porte à celui qui deviendra son époux, Achille.  

Quels autres registres retrouve-t-on dans cet opéra ? 

Dans les opéras vénitiens, on trouve beaucoup de « duplicités d’amour », c’est Busenello qui utilise cette expression. Dans Gli amori di Apollo e Dafne de Cavalli, par exemple, pour parler d’un opéra écrit un an seulement avant La Finta Pazza, il y a un magnifique lamento de Procris qui n’a absolument rien à voir avec la trame principale. Ici, par contre, toute l’action de Strozzi gravite autour de cette folie que feint Deidamia à cause du désespoir où la plonge le départ d’Achille pour Troie, Achille qui l’abandonne elle et leur fils, Pirro. On pourrait dire que c’est un livret très centripète, non pas un livret centrifuge typiquement baroque, mais un livret centré sur ce personnage qui va être traversé par de nombreux états d’âme. Nous découvrons la première scène de folie de l’histoire de l’opéra, mais aussi des scènes de chasse, des scènes macabres, des sommeils… Tout procède du pouvoir de la femme et de son intelligence. Deidamia réussit à comprendre les émotions de tous ceux qui l’entourent, en poursuivant un seul objectif. Je suis impressionné par la manière dont Sacrati arrive à traduire en musique cette folie intelligente. C’est du jamais vu à l’opéra. 

Deidamia semble être un rôle très exigeant sur le plan dramatique…

Absolument, Mariana Florès réalise un travail extraordinaire avec Jean-Yves Ruf, que La Cappella Mediterranea connait depuis lElena  de Cavalli. Il nous inspire énormément, parce qu’il recherche constamment le bon rythme des vers, comme s’il était musicien. Ainsi, il veut que le texte nous parle afin que nous construisions notre interprétation à partir de lui au lieu d’y projeter une interprétation a priori. Il essaie que les acteurs, même moi, comme chef, nous puissions nous approprier des éléments rhétoriques implicites. Quelqu’un qui arrive avec une idée très précise, mais qui nous laisse la liberté d’y arriver grâce à la force du texte, c’est un énorme cadeau. C’est ainsi que j’aimerais pouvoir toujours travailler la musique, surtout en sachant que le poète et le compositeur avaient une connaissance aussi profonde des contradictions qui se jouent dans les émotions humaines et qu’ils parviennent à restituer grâce à la rhétorique musicale. S’en détourner, comme cela se fait parfois, au profit d’une lecture psychiatrique pour nous amener immédiatement au XXe siècle, je trouve que c’est dommage. Avec Elena, Jean-Yves Ruf était parvenu à nous amener au cœur de la pièce et le spectacle avait trouvé une pulsation très particulière. Aujourd’hui, nous vivons le même miracle, les personnages sont en train d’apparaître avec une évidence confondante. C’est très fort. Il laisse à l’œuvre le temps de s’exprimer. 

Nous n’avons aucun enregistrement de La Finta Pazza. Par contre, demain, si des chanteurs veulent interpréter Elena, ils seront, comme le chef, confrontés à la version de la Cappella Mediterranea, ce qui est très dommage, car ils n’auront pas la même liberté. C’est arrivé à beaucoup de personnes abordant l’Orfeo avec des chanteurs qui avaient en tête la version de Harnoncourt ou celle de Garrido à une autre époque. Parfois, nous, les chefs, nous ne nous rendons pas compte que nous admirons l’inspiration d’un artiste alors que l’idée a déjà été exprimée lors d’un autre spectacle. Ce qui est magnifique pour moi avec des pièces comme ElenaErismena ou même Eliogabalo, c’est de rencontrer des chanteurs qui ont des appréhensions parce qu’ils n’ont pas de document sonore sur lequel s’appuyer. Je peux travaille à partir d’une toile blanche et traiter toutes les émotions – à l’italienne ! De Monteverdi à Puccini et même plus tard, il y a dans l’opéra italien une ligne ininterrompue et qui n’existe dans aucun autre pays au monde. Un savoir-faire dans le belcanto qui ne s’est jamais arrêté, un savoir-faire quasi artisanal pour sculpter la musique sur un texte.

Le travail de Jean-Yves Ruff sur Elena restait très élégant et relativement sage. Comment aborde-t-il l’érotisme si torride de La Finta Pazza 

ll se laisse conduire par le texte où l’érotisme participe de l’illusion théâtrale. Quand Deidamia devient folle, elle abolit la distance avec tous les autres personnages par la crudité de ses propos, elle crée ainsi une intimité qui provoque chez certains de véritables pulsions. On ne sait jamais où elle va puiser son inspiration pour manipuler les autres, mais elle le fait poussée par le désespoir. C’est un rôle qui, tout au long de l’intrigue, montre le pouvoir de la femme. L’histoire de Poppée se déroule en vingt-quatre heures à cause de la libido d’un empereur fort jeune et de la soif de pouvoir de Poppée qui veut devenir impératrice. Sacrati met en scène d’autres pouvoirs et il y a de la noblesse dans la folie de Deidamia, qui parle beaucoup plus au public car elle le fait réfléchir à la sagacité dont il faut faire preuve pour résoudre ses difficultés et agir face au destin. 

Quand Giulio Strozzi imagine ce rôle de femme, il évoque aussi Barbara, sa fille. Du moins, nous prenons plaisir à le penser et nous le ressentons, même si ce n’est pas elle qui l’a créé. Barbara était sans doute une chanteuse de cour, formidable dans les coloratures mais n’était peut-être pas une très bonne comédienne, comme Anna Renzi qui avait créé Ottavia et qui était la chanteuse et actrice la plus complète qu’ils avaient pu trouver dans l’entourage de Monteverdi, Cavalli, Ferrari et Sacrati. Les écrits nous apprennent qu’elle faisait oublier qu’elle chantait et on peut concevoir quelle comédienne fabuleuse elle devait être. Barbara Strozzi n’avait peut-être pas ce don, mais on comprend que son père pensait à elle en développant le livret. Il lui avait donné beaucoup de liberté, elle allait éduquer ses enfants et faire sa vie seule, éditer sa musique et certainement aller écouter les opéras de Monteverdi, Sacrati et Cavalli. Cette amie des poètes qui fréquente les académies est aussi une sorte de Deidamia. C’était dans l’air du temps à Venise, mais à Rome, comment aurait-on perçu La Finta Pazza ?

Un opéra, pour ainsi dire féministe, ne pouvait voir le jour qu’à Venise, une telle modernité ne pouvait se concevoir que dans les académies…

Absolument, c’est un opéra qui rétablit la femme dans un rôle de premier plan. Elle n’intervient pas seulement dans les décisions des royaumes, provoquant parfois ou arrêtant des guerres, mais elle prend des décisions dans sa propre vie, elle n’accepte pas le destin, qu’on lui donne des ordres, elle veut ce qu’elle croit juste. Dans deux chapitres de ses aphorismes sur la sagesse de la vie, Schopenhauer, que l’on présente pourtant comme le plus misogyne des philosophes, essaie de comprendre pourquoi l’homme est devenu cette créature bestiale, ce chevalier fier et dominateur. Et il observe que cela remonte au Moyen Age, que les sociétés plus anciennes étaient différentes. Cela me parle beaucoup au moment de redonner vie à La Finta Pazza.

C’est aussi au Moyen Age qu’apparaît l’amour courtois, qui fige hommes et femmes dans des rôles préétablis… 

Exactement. Et autour de ce grand philosophe romantique, les femmes commencent à prendre leur indépendance intellectuelle. Or, à Venise, cela avait déjà été fait et on essayait, un siècle et demi plus tôt, de mettre en scène un ordre social possible, sans avoir peur de cette proposition, même si cela ne pouvait se faire que pendant le Carnaval. J’aimerais que ceux qui vont nous lire fassent l’exercice d’imaginer Monteverdi, Cavalli, Barbara Strozzi, Busenello et tant d’autres dans la salle en train de découvrir La Finta Pazza. On n’y pense pas nécessairement, mais cela permet de contextualiser. Imaginons que, après la représentation, les musiciens se retrouvent dans un salon vénitien avec le vieux Monteverdi et lui disent : on va écrire un opéra ensemble. Et c’est L’Incoronazione di Poppea. Cela n’est peut-être jamais arrivé, mais une telle rencontre nous fait rêver…

La véritable genèse de Poppea

Une de ses genèses, c’est La Finta Pazza, sans aucun doute. Auparavant, je ne connaissais pas une seule note de cet opéra, même pas une seule note du compositeur, car il n’y aucune arietta, aucune musique de lui qui nous soit parvenue, hormis La Finta Pazza. 

C’est la partition de la version originale ou de la version de Paris qui a été retrouvée? 

C’est la vénitienne. De la version de Paris, on n’a conservé ni les danses ni le texte parlé. Par contre, nous pourrons inclure des danses de Sacrati conservées séparément dans des recueils collectifs de danses du XVIIe siècle, qui sont en réalité des reconstructions de ballets tirés de la fin du deuxième acte de La Finta Pazza. ll y a des danses magnifiques, mais qui ne sont jamais jouées. J’en avais déjà inclus une, fabuleuse, pour la scène du banquet dans Eliogabalo à Paris, lorsque les oiseaux commencent à manger les corps. 

J’espère que cette création va nous permettre de comprendre pourquoi cette pièce a été un des plus grands succès de l’époque.  

Ellen Rosand affirme que c’est peut-être le plus grand succès lyrique du XVIIe siècle.

Exactement. Je pense que ce sera une très grande surprise pour le monde musical de découvrir cette Finta Pazza. Et elle va, à mon avis, devenir une œuvre du répertoire, je n’ai pas de doute à ce propos. 

Lorsque Sacrati  crée La Finta Pazza, un an avant Poppea, Cavalli n’a encore écrit que deux opéras (Le Nozze di Teti e Peleo et Gli amori di Apollo e Dafne). Est-ce que vous trouvez des similitudes dans l’écriture de ces œuvres ? 

Oui, Ottone, tout le rôle d’Ottone est de Cavalli, on retrouve l’écho d’ouvrages qu’il a déjà composés. Dans les années à venir, j’espère pouvoir créer Le Nozze di Teti e Peleo, le premier opéra vénitien conservé. Et nous monterons peut-être aussi Il Palazzo incantato de Rossi. 

Y a-t-il des lacunes dans la partition qui a été conservée ? 

Non, elle est complète. Il manque seulement l’ouverture et quelques ritournelles où les parties de violon ne sont pas écrites, mais c’est normal, on voit cela aussi chez Cavalli. Mais sinon tout est là, il n’y a rien à reconstruire.  

Vous venez de recréer, à Paris, une autre rareté vénitienne : Giove in Argo d’Antonio Lotti. Vous ne cessez d’explorer l’opéra vénitien…  

Oui : Monteverdi, Cavalli, Sacrati – malheureusement, il ne nous reste plus d’opéra de Ferrari [quatrième main supposée à l’origine de L’Incoronazione di Poppea]. De Legrenzi, j’aurais aimé monter La Divisione del Mondo que Christophe Rousset, heureusement, va donner à Strasbourg. C’est justement la génération avant le grand Lotti. Cavalli, Legrenzi et Lotti sont les trois grands compositeurs d’opéra à cette même époque. En Argentine, quand j’étais adolescent, j’ai lu dans une histoire de la musique que Bach avait assisté à une répétition de Giove in Argo de Lotti, en 1719. Haendel, en 1717, avait vu trois représentations. Il fut tellement impressionné par sa rencontre avec le musicien vénitien qu’il a pris des cours avec lui. Plus tard, il a composé sur le même livret un Giove in Argo, dont on a retrouvé les airs en 2000. Haendel avait été profondément touché, or il avait quand même déjà écrit Agrippina, entre autres pièces. Il ne faut pas oublier que Senesino travaillait alors dans la troupe de Lotti. Or, c’était un des plus grands interprètes au monde. On dit que dans la musique italienne, rien n’est écrit, alors qu’en Allemagne, en France, tout l’est. En Italie, on a des musiciens d’un niveau tel qu’une seule note de Senesino, à la fin d’un air, pouvait faire pleurer Bach ou Haendel. Ce qui était absolument unique, ce n’était pas la force de l’harmonie ou la couleur des orchestres français, mais aussi les affetti italiens que Lotti amène alors à Dresde. J’aimerais beaucoup dans les années à venir reprendre ce Giove in Argo avec La Cappella Mediterranea. On vient de le recréer au Conservatoire de Paris avec un énorme succès, parce que personne ne s’attendait à la qualité de cette musique ni à ce qu’en ont fait les élèves, qui étaient formidables. Je suis surtout frappé par l’admiration d’un compositeur tel que Bach qui a découvert et recopié sa messe en Sol mineur, grâce à Zelenka, élève de Lotti à Dresde.

C’est surtout sa musique sacrée que nous connaissons aujourd’hui, notamment un Crucifixus à 8 voix en do mineur… 

Oui, il a écrit de nombreuses messes. J’aimerais d’ailleurs enregistrer avec Ricercar le modèle de messes romaines que Bach admirait, soit celle de Lotti, soit la Missa sine nomine de Palestrina qu’il a dirigée plusieurs fois à Leipzig et réorchestrée. 

Il faudrait que vous ayez plusieurs vies pour réaliser tous ces projets. Aux prémices de l’opéra, vous avez réussi, lors d’un concert à Bruges, à révéler la puissance théâtrale de La Dafne de Marco Da Gagliano. Aurez-vous le temps et toujours le désir d’y revenir ?

J’ai beaucoup d’envies. J’ai parlé de cette Dafne avec Sasha Waltz. Elle s’intéresse beaucoup aussi à La Rappresentatione di Anima e di Corpo. A suivre.

Propos recueillis à Berlin le 30 novembre 2018 et le 13 janvier 2019 

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