Cette année, pour Noël, Forum Opéra a demandé à une douzaine d’artistes français – chanteurs, chefs d’orchestre, metteurs en scène – d’expliquer quel cadeau ils aimeraient offrir ou recevoir. ll y en a pour tous les goûts : cadeaux musicaux ou gourmands, cadeaux réalistes pour ceux de nos lecteurs qui cherchent désespérément la bonne idée, ou cadeaux impossibles, inspirés par la pure fantaisie. Vous pourrez aussi constater certains recoupements tout à fait imprévus, que l’on attribuera à l’air du temps.
Laurent Campellone : « J’aimerais pouvoir faire un cadeau très surnaturel : offrir à Mozart la partition d’orchestre du Rosenkavalier de Richard Strauss, juste pour le voir la déchiffrer, entendre ses commentaires, constater son éblouissement ou son incompréhension, le voir goûter à ce sublime langage harmonique en tous points pour lui inédit, interdit, sans doute inconcevable, et constater ce que ce chef-d’œuvre viennois à venir, dans son ensemble, aurait comme effet sur lui. J’ai toujours eu cette envie de pouvoir montrer aux compositeurs du passé les grandes œuvres qui viennent après eux, tant j’imagine la joie qu’il pourrait y avoir pour nous à entendre les œuvres immenses qui seront au-delà de nos vies. Ne pas connaître la musique qui viendra après nous, c’est la seule chose dont nous, musiciens, devrions vraiment nous attrister au moment de mourir ».
Mariame Clément : « Noël Offenbach ! L’année dernière, j’ai offert, après l’avoir dévorée moi-même, la merveilleuse biographie d’Offenbach par Jean-Claude Yon. Je célèbrerais bien la fin de l’année Offenbach en récidivant. Passionnante, érudite mais parfaitement accessible, elle se lit comme un roman et nous éclaire non seulement sur la carrière et la personnalité de ce cher Jakob, mais aussi sur la vie théâtrale et musicale tout au long du XIXe siècle… J’y ajouterais comme bonus de fin d’année le volume de l’Avant-Scène Opéra, écrit par Louis Bilodeau : un aperçu (presque) exhaustif de ses œuvres, qui donne envie de les (re)découvrir toutes. Mon cadeau à moi est, hélas, imaginaire : j’aimerais que l’on m’offre un DVD de Barkouf, ce chef-d’œuvre inédit que nous avons monté à Strasbourg, pour la première fois depuis qu’Offenbach l’avait donné à l’Opéra Comique en 1860… et qui n’a pas été capté, ni en vidéo, ni même à la radio. Père Noël, si tu m’entends… »
Karine Deshayes : « Comme cadeau de Noël à un ami, j’offrirais deux places pour Un Américain à Paris. J’ai eu la chance de voir cette comédie musicale à Broadway en mars 2015, après sa création à Paris, et j’ai été véritablement bluffée. Il y a tout d’abord la musique de Gershwin, à la fois entraînante, drôle et émouvante, puis la mise en scène, la chorégraphie, les décors somptueux et les costumes magnifiques qui font de ce spectacle un moment magique, avec des artistes complets, tous très bons danseurs, chanteurs et comédiens ».
Cyrille Dubois : « Si ce n’est pas le dernier CD du duo Contraste (haha), je conseillerais une place pour un grand ballet classique, genre dont je suis tombé amoureux pendant mes années à l’atelier Lyrique, par exemple Raymonda qui se donne à Bastille en ce moment ». [NDLR : Ces propos ont été recueillis avant le début de la grève à l’Opéra de Paris]
Alexandre Duhamel : « Le cadeau que j’aimerais faire est une platine vinyle qui, je trouve, confère un son au charme inégalable pour écouter du classique ou de l’Opéra… L’avantage du vinyle est qu’on se lève comme autrefois pour choisir son disque, au lieu de laisser son téléphone choisir à sa place !! :-)) Et le cadeau que j’aimerais qu’on me fasse (à bon entendeur, haha !) : un bon ‘Hibiki’, ce whisky japonais que j’ai récemment découvert, idéal après une représentation ou pour lutter contre les virus hivernaux :-)). A boire avec modération, évidemment ».
Laurence Equilbey : « J’aimerais recevoir l’intégrale Beethoven publiée par Warner. C’est toujours intéressant d’avoir une vision large des interprétations, et aussi de découvrir éventuellement quelques opus rares, parfois constellations des grands chefs-d’œuvre. Dans le même élan, je pourrais offrir la grande édition Beethoven 2020 d’Harmonia Mundi, qui est, elle, radicalement ‘sur instruments d’époque’ : c’est un univers que je connais bien ! Je pourrais aussi offrir le manuscrit du Freischütz de Weber qui a récemment été édité. Remarquez, sans le savoir, je suis allée le consulter trois jours à la bibliothèque de Berlin, c’est sympa aussi comme cadeau ! »
Véronique Gens : « Ce qui me ferait très plaisir, et que je vais aussi offrir à mes proches, ce serait une énorme boîte de marrons glacés de la marque Sabaton, confiseur ardéchois depuis 1907 ».
Catherine Hunold : « Parce qu’il n’y a rien de mieux que le spectacle vivant, j’offrirais plusieurs places : les premières pour L’amour vainqueur, opérette d’Olivier Py – avec qui je travaille actuellement pour Dialogues des Carmélites à Toulouse – pour y aller en famille, rire, pleurer et écouter chanter l’amour… vainqueur (en mars prochain au Théâtre de la Ville) ! Et j’offrirais un abonnement au Festival de musique de Menton, qui vient de fêter ses 70 ans, pour faire venir l’été plus vite ! »
Enrique Mazzola : « Mon idee cadeau est un tourne-disque : magnifique objet de mobilier, il existe aujourd’hui dans différents formats et couleurs (même en rouge, ma couleur bien-aimée !). Intéressant de savoir qu’il y a des maisons de disques qui impriment à nouveau sur LP, et il ne faut pas oublier qu’il y a des millions de 33-tours en vente avec des enregistrements très intéressants et a petit prix. En plus, le son du tourne-disque est merveilleux, chaud et enveloppant : un vrai son de Noël ! »
Laurent Pelly : « Mon cadeau idéal, c’est le coffret DVD du Ring monté en 1976 à Bayreuth par Patrice Chéreau, parce que cela reste quelque chose d’absolument exceptionnel, et qui n’a pas pris une ride même si la réalisation vidéo a un peu vieilli. Je l’ai revu très récemment, et j’ai été fasciné tellement ce spectacle est vivant : on regarde ça comme une série à suspense. C’est un objet merveilleux à offrir pour entrer dans l’œuvre de Wagner ».
Ludovic Tézier : « Le cadeau rêvé ? Celui que j’aurais commandé au Père-Noël ou encore que je mettrais au pied de l’arbre qu’ont enguirlandé ceux que j’aime ? Trois billets (doux!) à la Comédie-Française !… Et, plus particulièrement, pour Les Fourberies de Scapin avec l’ineffable et extraordinaire Benjamin Lavernhe entouré d’un savoureux florilège de talents, au sein duquel Didier Sandre campe un Géronte jubilatoire… J’étais un Comte des Noces de Figaro à Lyon, il y a belle lurette, débutant âgé d’une courte vingtaine d’années, dans une production signée Jean-Pierre Vincent : c’est dire si je m’appliquais à suivre le metteur en scène qui s’employait, armé de la patience du laboureur, à m’expliquer mon personnage. Afin, sans doute, de matérialiser son discours bienveillant et prodigue, quasi ex-abrupto, il dégotait, dans sa hotte magique, la vidéo du spectacle originel de son Mariage de Figaro capté à Chaillot, dont la scénographie soyeuse et la folie sous-jacente allaient inspirer fortement notre version lyrique ; la première scène Susanne-le Comte, avec Dominique Blanc et Didier Sandre, avait bien failli sceller le sort de mon Almaviva évidemment très vert, tant la virtuosité de ces deux merveilleux artistes me paraissait faire des entrechats sur des hauteurs himalayennes ! Allez donc au théâtre ! Et de ces fourberies ramenez par chez vous, / Cette lueur que seul un pur talent dispense ! Tendres et chaleureuses fêtes à tous ! »
Mathias Vidal : « Je dirais que j’ai envie d’offrir le coffret des 10 ans du Palazzetto Bru Zane… Il y a plein de belles choses dedans ! »