Pour fêter le cinquantième anniversaire du décès de Joséphine Baker et le centenaire de son arrivée en France de nombreux concerts et spectacles rendent hommage cette année à cette femme d’exception. À Paris le Théâtre des Champs Élysées, où elle a fait ses débuts à Paris, a ainsi invité en septembre la célèbre chorégraphe franco-sénégalaise Germaine Acogny à créer son ballet « Joséphine. Deux jours après, lui succédait, le 30 septembre, la magnifique mezzo-soprano française Adèle Charvet, qui créait une œuvre en hommage à Joséphine et interprétait des chansons emblématiques de l’époque, accompagnée par l’Orchestre de Picardie dirigé par David Reiland.
Le concert était produit par le Théâtre des Champs-Élysées, en collaboration avec le Consortium créatif, commanditaire de cette première audition, qui inclut cinq orchestres nationaux de régions : Bretagne, Provence, Picardie, ainsi que les villes de Cannes et Mulhouse. Leurs représentants s’étaient réunis auparavant dans un foyer du théâtre avec la direction de France Musique partenaire du projet, le concert étant retransmis en direct sur la chaîne. On doit à Marc Feldman, dont on connaît le travail exemplaire réalisé en Bretagne, d’avoir initié ce projet en 2022 avec Jean-Marie Blanchard, à Cannes, afin de promouvoir notamment la création d’œuvres contemporaines diffusées alors dans chaque région. C’est le cas de l’œuvre créée ce 30 septembre à Paris que l’on doit à une jeune compositrice de talent, Caroline Marçot, passionnée à la fois par les musiques de notre temps et la musique ancienne qu’elle interprète parfois à la vièle. Dans son œuvre Chalk Line, en hommage à Joséphine, elle évoque cette « ligne de craie » de la honte, symbole de l’apartheid imposé aux populations de couleur aux Etats-Unis. La première partie de l’œuvre est très belle et on songe parfois aux compositeurs proches, à New York, du mouvement Harlem Renaissance des années 1920-1930. Un écran en avant-scène diffuse une belle vidéo de Pierre-Martin Oriol incluant le texte de l’œuvre. Suivent des épisodes plus sombres en forme de récitatifs, avec citation brèves de discours et de chansons, sur un tapis orchestral plus pointilliste, sollicitant le registre très grave de la voix. Et c’est là que le bât blesse : l’œuvre conviendrait mieux à une voix de contralto. Les admirateurs d’Adèle Charvet, dont on connaît la beauté et l’ampleur de la voix, sont frustrés. David Reiland, à la tête de l’Orchestre de Picardie, en souligne par contre clairement les entrelacs. Il est moins à son aise dans Le Bœuf sur le Toit de Milhaud, ce patchwork de musiques empruntées aux grands compositeurs brésiliens populaires Ernesto Nazareth, Chiquinha Gonzaga, Marcelo Tupinambá et bien d’autres. Le procédé serait condamnable aujourd’hui et surtout l’œuvre laisse souvent l’auditeur sur sa faim. Elle nous donne surtout envie de découvrir les originaux !
Photo : Vincent PONTET
Dans la deuxième partie, l’orchestre brosse avec gourmandise les arrangements rutilants que Johann Farjot a réalisé pour accompagner les chansons interprétées par Adèle Charvet (à quand une comédie musicale composée par lui ?). Cette fois la mezzo-soprano les interprète, micro à la main, avec une élégance hors pair, une classe et un charisme qui a touché le public (Coup de chapeau aux solos de clarinette et de violoncelle dans « J’ai deux amours » !). Il est dommage cependant que son beau timbre et la richesse de sa voix ne parviennent pas à s’épanouir vraiment dans ce répertoire (à la radio cela passera beaucoup mieux). Mais quelle artiste et c’est ce qu’on retiendra !