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DUNI, L’Isle des Foux – Paris (Eglise Saint-Germain-des-prés)

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Spectacle
17 mai 2024

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra-comique en deux actes
Musique d’Egidio Duni sur un livret de Louis Anseaume, Pierre-Augustin Marcouville et Bertin d’Antilly, d’après L’Arcifanfano, re de’ matti de Carlo Goldoni, créé à Paris, Comédie italienne, le 29 décembre 1760 La pièce de Goldoni comprenait des couplets mis en musique par Polisseno Fegeio (Venise, 1750) ou Baldassare Galuppi (Rome, 1759)

Version réduite pour clavecin

Détails

Fanfolin, gouverneur de L’Isle des Foux

Christophe Crapez

Sordide, avare, tuteur de Nicette

Angelo Heck
Nicette, jeune innocente, aimée de Fanfolin

Chloé Jacob
Spendrif, prodigue et Brisefer (Faux Brave)

Jean-Christophe Born
Follette, sœur

Élizabeth Fernandez
Glorieuse, sœur

Ainhoa Zuazua Rubira
Officier (rôle parlé)

Jean-Paul Serra

 

Direction musicale et clavecin

Iakovos Pappas

En 1669, Pierre Perrin se voit attribuer pour douze ans « le Privilège royal pour l’établissement des Académie d’Opéra ou Représentations en Musique en Vers françois, et dans les autres villes du Royaume ». Il est dès lors la seule personne autorisée à monter des représentations lyriques en France. Malgré son monopole, Perrin se retrouve au bord de la faillite (on songe aux débuts de Canal Plus) et se voit obligé de revendre son privilège à Lully afin de payer ses dettes. Ce privilège interdit à quiconque « de faire chanter aucune pièce entière en France, soit en vers françois ou autres langues, sans la permission par écrit dudit sieur Lully, à peine de dix mille livres d’amende, et de confiscation des théâtres, machines, décorations, habits… ». Rien que ça. Durant cette période, Lully ne monte bien sûr que des ouvrages… de Lully. Les autres compositeurs sont contraints d’attendre l’avènement du streaming. Marc-Antoine Charpentier, par exemple, se consacre à la musique religieuse et, grâce à un adoucissement du privilège, à des musiques de scène pour Molière. Après la mort de Lully en 1687, il donnera David et Jonathas en 1688, mais au Collège Louis-le-Grand toutefois, donc dans un cadre semi privé. En 1693, Médée sera son seul opéra à l’Académie Royale de Musique. Après Lully, les titulaires du privilège de l’Opéra se succèdent, avec des assouplissements divers toutefois : Jean Nicolas de Francine, Pierre Guyenet, la Ville de Paris (à l’époque de Duni) puis les Menus Plaisirs. En dépit du versement d’une soulte royale, l’Opéra n’est jamais bénéficiaire. Toute ressemblance avec des monopoles existant ou ayant existé serait purement fortuite. De son côté, en 1680, la Comédie-Française avait également obtenu le monopole des représentations théâtrales en langue française. Ces deux institutions se trouvent en concurrence avec d’autres entreprises de spectacles avec lesquelles elles sont toujours prêtes à chicaner ou intriguer pour protéger leur monopole. Parmi celles-ci, on compte les troupes venues d’Italie pour se produire en France en italien, et qui n’enfreignent donc pas le monopole de la langue française. Le Théâtre-Italien (ou Comédie-italienne) obtient un grand succès, mais assorti de tracas administratifs divers : toléré, interdit, protégé par le régent Philippe d’Orléans en 1716, subventionné, interdit à nouveau en 1779, fusionné avec l’Opéra-comique, etc. : on dirait les politiques du Diesel. Cette histoire de fous se poursuit d’ailleurs au siècle suivant : Offenbach était initialement limité à des sortes de pantomimes à deux ou trois personnages. Son génie (et ses protections) lui permirent toutefois de bénéficier d’indulgence quand il s’attaqua à des ouvrages de plus en plus ambitieux. C’est dans ce contexte que naît le vaudeville. Le nom viendrait de Vaudevire, un recueil de chansons satiriques normandes étalées sur plusieurs siècles et qui se chantaient dans le Val-de-Vire. Le vaudeville en tant que genre théâtral naît à la fin du XVIIe siècle sur des tréteaux aux foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent. Il s’agit de pièces courtes, des comédies mêlées d’ariettes. Les airs sont en effet brefs et la musique facile. À l’origine, les mélodies sont reprises de chansons existantes puis, avec le temps, des compositeurs s’associent au genre. Charles-Simon Favart compose également des livrets plus élaborés. Le  vaudeville donnera progressivement naissance à l’opéra-comique. La pièce peut se conclure par un finale avec une vague morale où chacun des protagonistes chante d’abord un court verset avant que la compagnie entière ne termine en chorale.

Né à Matera le 11 février 1708, Egidio Duni, quatrième fils du maître de chapelle local, compose un premier opéra, Nerone (Rome, 1735) qui obtient un grand succès. A Londres, il créée un Demofoonte (1735), en anglais. Il étudie à l’université de Leyde, compose pour Milan, Florence, Venise, Naples… Il devient entre temps maître de chapelle à la basilique San Nicola de Bari. Son Ipermestra e Ciro riconosciuto (Gênes, 1748) lui vaut l’attention de la cour de Parme. En 1749, il entre au service de Filippo di Borbone, duc de Parme et gendre de Louis XV. Duni rencontre Goldoni à Parme en 1756. L’ambiance française de la cour le pousse à s’intéresser au théâtre musical français. Son activité pendant cette période est peu documentée mais on sait qu’il compose une Olympiade en 1755 et qu’il obtient un grand succès avec La Buona figliola sur un livret de Goldoni (lequel déclara plus tard préférer la musique de Piccini quoiqu’il eut Duni en haute considération pour son esprit et sa culture !). Toutefois, l’accueil est suffisant pour que Duni songe à viser plus haut : il sollicite Jean Monnet, qui n’est pas encore le père de l’Europe mais le directeur de l’Opéra-Comique. Il compose alors Le peintre amoureux de son modèle (Paris, 1757) qui obtient en grand et durable succès. Il épouse l’actrice Catherine Elisabeth Superville. Ses ouvrages sont bien accueillis et son style évolue. La musique de La Fille mal gardée (1758) est ainsi entièrement originale. Dans L’Isle des Foux (1760), il unit l’ariette à l’italienne aux ensembles de style plus français. Le succès le conduit à abandonner la foire pour devenir directeur musical de la Comédie-italienne (1761), poste expressément créé pour lui par Charles Favart. Avec Monsigny, Philidor et Grétry, il est donc l’un des pères de l’opéra-comique. Il se retire en 1770 après son dernier ouvrage, Thémire, mais se consacre à l’enseignement jusqu’à sa mort à Paris cinq ans plus tard (sources et informations plus détaillées sur la vie de Duni en italien ici).

L’intrigue de L’Isle des Foux est d’une grande simplicité. Acte I : Fanfolin, le nouveau gouverneur, vient de prendre ses fonctions dans l’île des fous. La coutume veut qu’il libère ceux qui se sont assagis. Fanfolin a donc un entretien avec chacun d’eux. Brisefer se présente comme un vaillant guerrier mais Fanfolin lui lit les notes laissées par le gouverneur précédent pour qui il n’est qu’un fanfaron. Sordide, avare maladif, est le tuteur de Nicette. Il est d’autant plus opposé au mariage de celle-ci que sa fortune est en réalité celle de la jeune fille. Il confie sa précieuse cassette au gouverneur. Spendrif est tout aussi dépensier que Sordide est avare. Il se plaint auprès de Fanfolin que ses amis l’aient abandonné avec sa fortune. Pour le mettre à l’épreuve , Fanfolin lui offre une belle somme d’argent. Spendrif promet de ne pas la dépenser avec ses anciens amis mais annonce immédiatement qu’il va se lancer dans dépenses somptuaires pour les faire enrager. Follette et Glorieuse sont deux sœurs : l’une n’est pas belle mais a de l’esprit, l’autre offre les qualités inverses. Toutes deux sont persuadées de leurs charmes incomparables et que le gouverneur ne tardera pas à leur succomber. Venue se plaindre du sort que lui fait subir son tuteur, Nicette tombe sous le charme de Fanfolin. Cet amour est partagé mais les deux jeunes gens n’osent pas se l’avouer réciproquement. Spendrif déclare son amour à Glorieuse qui ne le trouve pas assez bien pour elle. Inquiet pour son trésor, Sordide a repris sa cassette et l’a cachée auprès d’un arbre, attirant l’attention de Follette par son attitude. Aidée de sa sœur, Follette dérobe la cassette au cours d’une partie de colin-maillard. Acte II : Nicette feint de dormir pour éprouver les sentiments de Fanfolin. Elle lui déclare son amour dans son sommeil. Sordide vient se plaindre du vol auprès de Fanfolin qui n’en a cure. Follette accepte de rendre la cassette…. en échange d’un mariage avec Sordide, ce que celui-ci promet sans en penser un mot. Resté seul, il laisse libre court à sa misogynie puis éclate de colère lorsqu’il voit que Nicette a quitté sa maison sans son autorisation. Le duo se transforme en trio avec le retour de Follette qui accuse Sordide d’inconstance, puis en quatuor avec l’arrivée de Fanfolin qui déclare prendre Nicette sous sa protection. Un officier vient prévenir le gouverneur que Brisefer et Spendrif ont pour projet de se battre pour la main de Glorieuse. Fanfolin laisse la situation (et la cassette récupérée de Follette) aux mains de l’officier. Sordide et Follette accablent Nicette de reproches et de menaces. Au retour de Fanfolin, Nicette lui demande de la libérer de l’île et de tous ces fous qui la jalousent ou la persécutent. Sur ordre du gouverneur, les pensionnaires ont retrouvé leurs cages. À la demande de Nicette, le gouverneur les libère et conclut philosophiquement « La folie, la plus jolie, est celle de l’amour » rejoint par Nicette, puis par Sordide qui chante « Non ! La folie, la plus jolie, est celle de l’argent » et ainsi de suite pour un joyeux ensemble final.

Comme pour Le Peintre amoureux de son rival et pour Les Deux chasseurs et la laitière, la musique de Duni est constamment pétillante et joyeuse, bien troussée et sans prétention, mais jamais mémorable. Nous avouerons que les intentions parodiques du compositeur à l’encontre des ouvrages sérieux de son époque nous sont passées un peu au dessus de la tête : sans doute certaines allusions étaient-elles plus claires pour le public de l’époque, comme de nos jours les citations de Guillaume Tell dans La Belle Hélène.

Le ténor Christophe Crapez, qui a chanté plusieurs fois le rôle depuis une première redécouverte à La Péniche-Opéra en 2014, est tout à fait à l’aise en Fanfolin qu’il incarne avec rondeur, jovialité, sans histrionisme et avec une superbe articulation d’autant plus appréciable que le programme ne comporte pas de livret détaillé et que, bien entendu, l’église n’est pas (encore) équipée pour le surtitrage. Entendue il y a peu dans un des rôles principaux du Tribut de Zamora à Saint-Etienne, Chloé Jacob a pour elle une belle voix de soprano au timbre rond et à l’émission puissante. Il est dommage de l’avoir reléguée côté cour, rendant sa voix plus sensible à l’écho de l’édifice et la chanteuse moins visible de beaucoup de spectateurs. Angelo Heck offre une belle voix de basse avec, là encore, une superbe articulation. Sa vis comica est remarquable quoique sans exagération, avec un visage et une gestuelle également très expressifs. Jean-Christophe Born offre une interprétation racée du double rôle de Brisefer et Spendrif, là encore très bien articulé. Élizabeth Fernandez est une Follette pétillante et qui brûle les planches. Ainhoa Zuazua Rubira offre un beau timbre soprano, riche et profond. Maître d’œuvre de cette redécouverte, Iakovos Pappas dirige et joue d’un clavecin virevoltant mais un peu sec dans sa nudité : la parution prochaine du CD, enregistré avec une formation orchestrale plus touffue, son ensemble Almazis, devrait corriger cette impression.

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Musique d’Egidio Duni sur un livret de Louis Anseaume, Pierre-Augustin Marcouville et Bertin d’Antilly, d’après L’Arcifanfano, re de’ matti de Carlo Goldoni, créé à Paris, Comédie italienne, le 29 décembre 1760 La pièce de Goldoni comprenait des couplets mis en musique par Polisseno Fegeio (Venise, 1750) ou Baldassare Galuppi (Rome, 1759)

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Fanfolin, gouverneur de L’Isle des Foux

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