C’est dans la mise en scène légendaire d’Anthony Minghella (1954-2008) que s’est achevée le 14 mai dernier, en matinée, la série de représentations de Madame Butterfly, cette saison, au Metropolitan Opera de New York. Un vaste public a pu y assister, en direct, dans les cinémas de par le monde. Le Met est, ici, encore une fois au sommet : la distribution est exemplaire et la production d’une grande beauté. Les costumes aux couleurs éclatantes de Han Feng offrent un contraste saisissant avec la simplicité des décors de Michael Levine : portes coulissantes de maison japonaise qui délimitent les différents espaces de jeu, praticables en fond de scène (la colline) baignés de lumières bleutées ou rouges où apparaissent les personnages et les chœurs qui descendent vers la maison de Cio Cio San. La direction d’acteur du grand cinéaste britannique qu’a été Minghella est reprise par son épouse, la chorégraphe Carolyn Choa. Quelle belle idée d’avoir fait appel à des marionnettistes pour animer la figure de l’enfant. C’est simplement bouleversant ! Un modèle de spectacle lyrique sans concession qui peut toucher un vaste public. Le MET est maître en la matière pour le répertoire mais aussi pour les différentes créations d’opéras qui sont aux USA de véritables événements (Les compositeurs et librettistes sont remarquables).
Dans le rôle de Butterfly, Asmik Grigorian est admirable : une voix de velours qu’une technique sans faille lui permet de moduler à l’infini, une égalité d’émission sur toute la tessiture, un investissement dramatique qui nous arrache des larmes. Quelle actrice ! Sa propre émotion est palpable et d’autant plus impressionnante qu’elle reste sous contrôle. On comprend l’ovation incroyable du Met, plein à craquer, qui l’accueille aux saluts.
A ses côtés, on retrouve le magnifique ténor Jonathan Tetelman, américano-chilien, qui depuis ses débuts en 2016 est devenu un des grands ténors d’aujourd’hui. Une présence en scène digne d’une star d’Hollywood (on le compare parfois à Jonas Kaufmann) et une voix de soleil et d’airain, chatoyante et puissante, aux aigus vaillants et au médium riche (il a commencé comme baryton). Sa générosité et son investissement en scène, sont particulièrement émouvants. Ils l’incitent cependant à chanter, à présent, un peu trop en force et sa voix, si belle, pourrait en pâtir. N’empêche qu’il reste un artiste exemplaire que le public ovationne chaleureusement. La voix dramatique d’Elisabeth DeShong donne à Suzuki une densité rare. Le baryton Lucas Meachem, au timbre velouté et au chant raffiné, fait de Sharpless un personnage noble et attachant, autrement plus complexe qu’à l’habitude. La cheffe d’orchestre Xian Zhang, titulaire du New Jersey Orchestra, dirige avec énergie l’Orchestre du Met mais manque cependant de nuances, l’orchestre semblant souvent trop fort et monochrome. Serait-ce dû aussi à l’enregistrement lors de la captation ? Seul petit bémol dans un spectacle puissant qui marque les esprits.