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HAYDN, Armida – Esterhaza

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Spectacle
2 septembre 2025
Un goût d’y revenir !

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Armida
Dramma eroico
en trois actes créé à Esterhaza le 26 février 1784, Hob.XXVIII:12
Musique de Joseph Haydn
Livret de Nunzio Porta (?)

Détails

Version de concert

Armida
Vasilisa Berzhanskaya

Rinaldo
Zoltán Megyesi

Ubaldo
Attila Varga-Tóth

Idreno
Szilveszter Szélpál

Zelmira
Ella Smith

Clotarco
Léo Guillou-Keredan

 

Orfeo Orchester

Direction musicale
György Vashegyi

 

Fertöd-Esterháza, château Esterházy, salle d’Apollon, vendredi 29 août 2025 à 19h

 

 

Ce 29 août, au château Esteráhazy situé à Fertöd, sur le territoire hongrois, la fondation Haydneum – Centre Hongrois pour la Musique Ancienne – proposait une version de concert d’Armida, l’avant-dernier opéra de Haydn, et le dernier créé dans le fief campagnard de la famille princière dont le compositeur fut l’employé pendant près de trente ans. On sait que l’un des membres de la famille adorait l’opéra italien et les spectacles de marionnettes, passions pour lesquelles il fit construire et même reconstruire deux théâtres de part et d’autre de la cour d’honneur. Les avanies du temps et les vicissitudes de l’histoire ne les ont pas épargnés, et si le second a été partiellement restauré, il ne reste du premier que le regret de sa disparition.

Aussi est-ce simplement dans le salon dit d’Apollon, situé au centre du premier étage du château – lui aussi largement restauré – et dans le salon qui le précède, appelé aujourd’hui salon Haydn, que les auditeurs ont pu prendre place, dans des fauteuils à médaillons Louis XVI, style contemporain de la construction de l’édifice que l’impératrice Marie-Thérèse – la belle-mère du dit souverain – visita. Les places pour la famille princière sont au premier rang dans le salon d’Apollon, et restent inoccupées même en son absence. Ce fait qui peut sembler relever d’une étiquette archaïque indique surtout la volonté de l’actuel chef de famille de se rendre disponible quand sa santé le lui permet pour prolonger l’histoire et accompagner la redécouverte des richesses musicales oubliées qui constitue l’objectif principal du Centre Hongrois pour la Musique Ancienne.

Celui-ci, loin d’être un creuset passéiste,  ambitionne en ravivant des sources tombées dans l’oubli, de recréer le creuset d’échanges intra-européens que fut ce territoire au dix-huitième siècle. Le programme de ce troisième festival à Esterháza en témoigne : bien sûr Haydn est le pivot, mais évidemment Mozart est présent, et aussi Schubert, Carl Philip Emmanuel Bach, Beethoven, Graun, Antonio Rosetti et Josef Antonin Stepan, avec le concours d’Andreas Staier, Vittorio Ghielmi et Attilio Cremonisi pour ne citer que les solistes les plus notoires, et les orchestres Il Suonar parlante et l’ Orfeo orchestra. On peut consulter le programme ici : www.haydneum.com

C’est ce dernier ensemble qui était en fonction ce 29 août, conduit par György Vashegyi, par ailleurs directeur artistique du Centre Hongrois pour la Musique Ancienne. C’est peu dire qu’il nous a d’emblée « fixés », tel un dompteur fixe un animal, qu’il subjugue et soumet ainsi à son autorité. Nulle brutalité, nulle emphase dans ses gestes, nulle mimique inspirée, mais une précision constante dans les indications, qui obtient des artistes de l’ Orfeo Orchestra un rendu sonore que l’acoustique du salon réverbère et rend d’autant plus prégnant. Dans cette exécution, la musique de Haydn n’est plus cette « jolie » musique que l’on écoute avec agrément, mais un discours musclé, plein de sève, qui gorge les oreilles – superbes cuivres, cordes grondantes, saisissante percussion – et devient une émanation de vitalité dont l’éventail mélodique et des idées instrumentales ont sans doute inspiré Mozart, et dont l’articulation ferme lutte victorieusement contre la stagnation du livret. On subit le charme, on ressent la vigueur, et on admire la combinaison qui allie souplesse, tenue de la ligne et précision des accents en faisant briller les couleurs. C’est un véritable tour de force , alors que l’intrigue fait du surplace, de nous captiver autant, jusqu’à faire soupirer, à la fin, qu’on aurait volontiers réentendu cette Armida dans les mêmes conditions. On attend de connaître la date de la diffusion par radio, puisque hélas aucune gravure n’est prévue.

Un chef inspiré, des musiciens excellents, avec les solistes à la hauteur, rien ne pouvait nuire à la réussite globale. Clotarco est un comparse, chevalier de l’armée franque qu’ Ubaldo, l’ami de Rinaldo, charge d’explorer une partie du terrain. C’est le jeune ténor d’origine française, Léo Guilleau-Keredan, au timbre agréable, qui  exprime avec sobriété mais conviction le trouble d’un personnage d’abord sensible aux menaces latentes d’un paysage inconnu avant de reprendre le cours de sa mission. Comme Rinaldo a été séduit par Armida, il doit l’être par Zelmira, selon le plan diabolique d’Idreno. Mais elle se rebiffe, et puisque son chef ne lui voue aucune considération, elle viendra en aide à ce jeune homme, il est si séduisant. Écho probable mais affadi et avorté de l’élément féminin comique de l’opéra vénitien selon Cavalli, Zelmira trouve en Ella Smith une interprète à la voix très agile et très bien menée, maîtresse des figures de virtuosité et soucieuse des nuances.

Son maître infernal, dont le « machisme » provoque sa révolte, est dévolu à Szilveszter Szélpal, dont la voix de baryton nous fait d’abord regretter les couleurs plus sombres auxquelles les enregistrements nous ont habitué. Mais l’aplomb et la fermeté des accents, alliés à une musicalité certaine car il ne cherche jamais à les enfler – toujours ce souci de la cohérence musicale chère à Haydn que le chef restitue à la fois scrupuleusement et comme naturellement – et globalement son incarnation n’appelle que des éloges. Seul petit regret, l’absence des trilles dont Samuel Ramey nous régale si généreusement dans l’enregistrement Dorati. Il trouve en Attila Varga-Toth qui chante Ubaldo, le chef de la mission venue délivrer Rinaldo, un partenaire à sa hauteur dans la scène où ils font assaut d’hypocrisie, et ce jeune ténor nous a tout du long séduits par la souplesse de sa voix, la clarté de la projection et son aptitude à la nuancer pour exprimer les sentiments du personnage. Il a une belle présence et on peut lui augurer le meilleur dans ce répertoire.

Rinaldo, le chevalier oublieux, tel Ulysse auprès de Circé, de ce qu’il est, est sans nul doute le rôle masculin le plus éprouvant, par sa longueur et l’intensité expressive qu’il réclame à ses interprètes. Zoltan Megyesi peut saluer la tête haute : il a relevé le défi avec une probité qui mérite l’admiration. Le timbre n’est pas de ceux qui séduisent immédiatement, mais on rend les armes devant la maîtrise de ses moyens, qu’il connaît exactement et qu’il contrôle si précisément que son offre vocale est exactement celle qui convient. Admirable à cet égard sa conduite du troisième acte, mais la performance est aussi dans le respect de la ligne cher au compositeur.

Dans le rôle-titre, Vasilisa Berzhanskaya, dont les graves abyssaux de Sinaïde, entendus il y a cinq ans à Pesaro, faisaient l’héritière de Marilyn Horne, et qui se présente désormais comme soprano. Elle peut certes le faire, tant son étendue vocale d’exception lui permet d’évoluer dans le haut du registre avec facilité et brillant. Mais sera-t-elle aussi exceptionnelle qu’elle est apparue en mezzo ? L’avenir nous le dira. A la création ces distinctions ne se posaient pas et la richesse de la voix de la cantatrice ainsi que sa maîtrise technique lui permettent de triompher brillamment des embûches éventuelles de la virtuosité. Seule petite réserve, la générosité vocale nous a semblé un peu excessive au premier acte, où Armida nous apparaît d’abord comme une amoureuse inquiète. Mais cet excès peut s’entendre : la cantatrice a pu choisir d’exprimer la monstruosité du personnage par ces excès, comme si malgré elle cette puissance  trahissait sa nature profonde. En tout cas l’impact a été tel que Vasilisa Berzhanskaya, loin des images la représentant en vamp sulfureuse, ce soir si subtilement maquillée qu’elle semblait ne pas l’être, a obtenu les seuls applaudissements « isolés », l’assistance se conformant peut-être au souhait de Haydn que la continuité musicale ne soit pas interrompue par les éclats éventuels nés des  exploits des gosiers.

Cette retenue a trouvé sa compensation dans les longs applaudissements scandés «  à la hongroise » qui ont salué sans fin les artistes, dans une atmosphère d’euphorie partagée !

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Armida
Vasilisa Berzhanskaya

Rinaldo
Zoltán Megyesi

Ubaldo
Attila Varga-Tóth

Idreno
Szilveszter Szélpál

Zelmira
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Clotarco
Léo Guillou-Keredan

 

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