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PUCCINI, La Bohème – Nice

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Spectacle
2 juin 2023
Mimi nous fera toujours pleurer

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Giacomo Puccini

La Bohême

sous-titrée « Le flocons de neige des derniers souffles »

opéra en quatre tableaux

livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica

d’après le roman, puis la pièce d’Henry Murger

Création à Turin, Teatro Regio, le 1er février 1896, sous la direction d’Arturo Toscanini

Détails

Mise en scène

Kristian Frédric

Décors et costumes

Philippe Miesch

Lumières

Yannick Anché

Photos

Dominique Jaussein

 

Mimi

Cristina Pasaroiu

Musetta

Melody Louledjian

Rodolfo

Oreste Cosimo

Colline

Andrea Comelli

Schaunard

Jaime Eduardo Pialli

Benoît 

Richard Rittelmann

Alcindoro

Eric Ferri

Parpignol

Gilles San Juan

 

Chœur d’enfants de l’Opéra Nice Côte d’Azur

Chœur de l’Opéra Nice Côte d’Azur

Orchestre Philharmonique de Nice

Direction musicale

Daniele Callegari

 

Nouvelle production

Nice, Opéra, 31 mai 2023, 20h

 

 

A toutes les sauces, traditionnelles, alla Menotti ou Ponnelle, grandiose alla Zeffirelli, ratée par Michieletto, transposée durant les années folles, sous l’Occupation, dans du béton contemporain ou dans une capsule spatiale, qu’elle meure phtisique, du cancer ou du VIH, Mimi nous fera toujours pleurer : Puccini survit à tous les traitements. Le COVID avait interdit la nouvelle production, programmée en 2021. Nous en profiterons ce soir. Evidemment, comme attendu, elle a drainé les foules, et le splendide Opéra de Nice fait le plein.

Kristian Frédric a signé plus d’une demi-douzaine de mises en scène d’ouvrages lyriques, dont de multiples créations contemporaines. Pétri de culture cinématographique et de références contemporaines, le réalisateur semble découvrir l’ouvrage et ses spécificités. Manifestement, il sous-estime le substrat culturel du public en justifiant sa démarche de transposition par la nécessité de lui permettre de s’approprier La Bohème au travers d’une lecture contemporaine (1). Ainsi le titre est-il précédé de « Les flocons de neige des derniers souffles », qui introduit un prélude ajouté et des intermèdes de la même esthétique, les projections intervenant durant les changements de décors. Celles-ci, textes, vidéos, bribes d’interviews, nous plongent dans ce microcosme désabusé, jouisseur, qui brûlait la chandelle par les deux bouts, des années où le VIH faisait rage. Le roman, le théâtre, les séries télévisées se sont emparés très tôt du sujet. Alors, pourquoi pas l’opéra ? Une bande son associe ainsi bruitages, voix synthétiques dans une sorte de mix minimaliste alla Zappa. La dissonance flagrante avec la musique de Puccini déstabilise l‘écoute, pour le moins. La réalisation, qui réserve d’authentiques moments d’émotion, à mesure qu’elle avance, se révèle inaboutie, prosaïque, superficielle, trop fréquemment forcée (2). L’esprit parisien, léger et grave, que le livret inspire, a été gommé.

La mansarde du I et du IV est un loft où cohabitent nos joyeux larrons et une jolie fille, ajoutée, qui sortira nue de la couche en arrière-plan. Elle réapparaîtra ensuite, séductrice, illustrant le propos de Benoît, pour un simulacre de relation lesbienne avec Musette, sur le bar de Momus et jusqu’au terme de l’ouvrage. Marcello, bien que peintre, photographie ses sujets sur un drap, éclairé par deux projecteurs. Rodolfo tape à la machine à écrire. Le brasero, où Rodolfo sacrifie sa pièce, ne convainc pas. Essentiel dans le livret comme dans la musique, le froid – comme l’obscurité – est fictif, absent des corps.  Comme il faut des chandelles, l’électricité sera coupée à l’arrivée de Mimi, pour revenir ensuite. L’artifice est constant. Ainsi, la religiosité de 1830, en filigrane (Mimi dit prier régulièrement, Musette invoque la Vierge lors des derniers moments de son amie), devient-elle incongrue dans le contexte voulu par le metteur en scène. Durant les deux premiers actes, seule la musique est porteuse d’émotion. Le public, bon enfant, applaudit les airs qui sont dans toutes les oreilles, mais le compte n’y est pas, et quelques huées se feront entendre durant les projections entre les actes, particulièrement après le I, où le traitement de l’image fera se décomposer lentement un visage, soulignant la progression inexorable du mal. Le deuxième acte, chez Momus, fait bousculade. L’abondance des intervenants, depuis Parpignol et les enfants, avec la foule, le défilé, est malaisée à gérer. La complexité des scènes, leur enchevêtrement, ne traduisent pas ici la liesse attendue. Le comique induit par Alcindoro et Musette est occulté pour un exhibitionnisme hors de propos, non par pudibonderie, mais par vraisemblance. La chair est triste. Au III, c’est une sortie sordide de boîte de nuit qu’offre le décor : containers à ordures, sdf avec son caddie chargé de ses collectes, rien ne nous est épargné. Les fêtards, homos et hétéros, imbibés, s’enlacent, se battent. Les douaniers sont devenus videurs. Enfin le dernier acte empruntera le cadre initial, mais assorti d’un lit médicalisé (Colline est atteint et peine à se déplacer). Mimi, sous perfusion, apparaît pour vivre ses derniers moments. Et là, la qualité du chant et du jeu, celle de l’orchestre aussi, emportent pleinement l’adhésion : on a oublié les contorsions des actes précédents pour l’émotion attendue. Décors, lumières et costumes sont à l’avenant. L’obscurité est mal exploitée, les couleurs, chez Momus, particulièrement, sont décevantes. 

© Dominique Jaussein

Aucune prise de rôle, semble-t-il, dans la distribution. Peut-être est-ce la raison de l’impression d’une juxtaposition de personnalités plus que d’une complicité partagée, notamment  par nos quatre drilles, même si les ensembles sont millimétrés (un beau quatuor). La Mimi que campe Cristina Pasaroiu interroge. Se prêtant au parti pris de la mise en scène, sa première apparition, en robe canari, laisse perplexe.  La fraîche et candide brodeuse a fait place à une sainte-nitouche qui, délibérément, perd sa clé pour rester auprès de Rodolfo. Si ses moyens impressionnent, la progression psychologique attendue est réduite à néant par la réécriture de l’ouvrage. Il faudra attendre les deux derniers actes pour qu’enfin son chant nous émeuve, servi par une voix ronde, pleine, égale et sonore, qui use de toute la palette expressive avec art. Un nom à retenir. La Musette-Marylin de Melody Louledjian vaut autant pour son jeu de sex-symbol et sa plastique que pour sa voix. Si cette dernière reste un peu en-deçà des attentes dans son « quando me’n vo soletta », elle s’épanouira ensuite, particulièrement durant toute la fin de l’ouvrage, irrésistible de vérité. En Rodolfo, Oreste Cosimo ne démérite pas. Il a les moyens du rôle, sinon toute la puissance. La ligne est remarquable, les aigus aisés, et le timbre chargé de séduction Comme ses partenaires, ce n’est que passé le deuxième acte qu’il donnera la pleine mesure de ses moyens et concourra à la force du dénouement. Serban Vasile nous vaut un grand Marcello, au souffle puissant. L’émission est ample, la projection et l’intelligibilité servent un jeu de qualité. Dès le deux, avec la scène de jalousie, il est touchant. Nous découvrons avec bonheur Jaime Pialli, solide Schaunard. Le philosophe, Colline, d’Andrea Comelli est servi par une voix chaude qui s’accorde bien à celle de ses acolytes.

Benoît, comme Alcindoro ne sont pas gâtés par la direction d’acteurs, et la manière dont ils sont bernés peine à nous faire sourire. Dommage, car la voix de Richard Rittelmann est, elle, convaincante pour camper le propriétaire, d’une touchante naïveté. Le notable corpulent, en costume croisé, protecteur de Musette, confié à Eric Ferri, serait juste dans un contexte plus près de l’esprit du livret. Pas une once de truculence pour le Parpignol de Gilles San Juan. Il surprend, chargé par la mise en scène d’incarner une sorte de Thanatos, inquiétant, sinistre, sans charrette de jouets, mais avec une grande poupée de son qui accompagnera Mimi dans la mort.

Les chœurs extrêmement variés du deuxième acte sont vocalement admirables, y compris ceux des enfants. Par contre leur statisme imposé par le cadre de scène et par la direction d’acteurs réduit leur rôle dramatique.

Daniele Callegari est dans son élément. Il obtient de l’orchestre de belles textures, particulièrement durant la seconde partie de l’ouvrage. Il évite tant le prosaïsme que le pathos. Les accents sont justes et tragiques. Les deux premiers actes, d’une excitation fébrile en lieu de poésie et de joie débridée, souffrent de l’absence de respirations. La balance avec le plateau ne s’effectuera que progressivement, la délicatesse chambriste étant réservée aux actes III et IV. Il faut souligner l’extrême attention du chef à chacun, et la précision des ensembles et des chœurs, jamais prise en défaut.

La proposition, inscrite dans l’air du temps, aura conquis certains, interrogé beaucoup, et rebuté d’autres (quelques sièges vides après l’entracte). Pour notre part, on tousse. Une occasion manquée. Solistes et public méritaient mieux.

(1) « La tuberculose, ou la phtisie (…) ce sont des maladies qui ne disent plus rien à nos contemporains » ; « je cherche juste à raconter [l’œuvre] avec des références qui puissent parler plus pleinement aux gens d’aujourd’hui ». (note d’intention de Kristian Frédric).
(2) « Certaines scènes du spectacle pourraient (…) heurter la sensibilité des plus jeunes », prévient le programme. Elles sont relativement nombreuses et explicites.
 

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d’après le roman, puis la pièce d’Henry Murger

Création à Turin, Teatro Regio, le 1er février 1896, sous la direction d’Arturo Toscanini

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Mise en scène

Kristian Frédric

Décors et costumes

Philippe Miesch

Lumières

Yannick Anché

Photos

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Cristina Pasaroiu

Musetta

Melody Louledjian

Rodolfo

Oreste Cosimo

Colline

Andrea Comelli

Schaunard

Jaime Eduardo Pialli

Benoît 

Richard Rittelmann

Alcindoro

Eric Ferri

Parpignol

Gilles San Juan

 

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