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 Mettre en scène Otello, c’est autant mettre en scène Verdi (et Boito) que Shakespeare : il faut savoir coller au plus près d’une adaptation musicale qui resserre l’action, tend l’intrigue, condense les enjeux, tout en illustrant quelques à-côté qui, en délaissant pour quelques minutes les personnages principaux, plantent un décor, nourrissent une atmosphère. Ce spectacle total, qui engloberait dans une même vision et dans une même esthétique toutes les composantes de l’oeuvre, Christine Mielitz n’a pas voulu (pas su ?) le faire : pour renforcer le drame qui noue les protagonistes, elle a choisi, au contraire, de souligner le contraste entre les scènes-clef et les passages plus secondaires. Otello, Iago, Desdemona s’agitent dans une direction d’acteur qui ne leur laisse aucun répit, quand les choristes sont presque toujours immobiles, et même immobilisés par les forces d’un régime qu’on devine policier ; les tonalités des décors et des costumes, extrêmement sombres, dessinent une atmosphère sinistre et inquiétante, au sein de laquelle l’incursion du choeur d’enfants au II porte presque à sourire. Cette option ne manque certes pas d’à-propos dans sa genèse ni de puissance dans sa réalisation, mais le spectateur finit par se demander s’il n’assiste pas, par moments, à la superposition de deux spectacles distincts. Pas de tel déchirement pour la distribution, uniformément excellente, à commencer par le Lodovico de Dan Paul Dumitrescu, le Rodrigo de Peter Jelosits et le Cassio de Marian Talaba. Remplaçant au pied levé Franco Vassalo, lui-même appelé à la rescousse après le retrait de Carlos Alvarez, dont le retour sur les planches, tant attendu, peine à se concrétiser, Franz Grundheber parvient, sans avoir théoriquement les caractéristiques d’un baryton verdien, à composer un Iago machiavélique mais perdant, calculateur sans cesse mis en échec, pauvre type chez qui la médiocrité est le plus grand ressort des noirs desseins qu’il projette. A cette incarnation du mal qui s’abstient d’être diabolique répond une incarnation du bien tout aussi humaine : la Desdemona de Krassimira Stoyanova n’est pas angélique, elle se cabre, au III, face aux soupçons insensés de son époux, et se défend de toutes ses forces au IV. Et pourtant, elle est sublime, maîtresse de la moindre inflexion du solfège et des phrasés, dominant toutes les difficultés techniques du grand duo à la fin du I et de la confrontation du III, libérant, enfin, lors de la « Chanson du saule » et de l’ « Ave Maria », une grâce irrésistible : seule sur l’avant-scène, dans un noir presque absolu, elle porte l’émotion à son comble, et déclenche d’immenses acclamations. Mais quand on ne fait pas un triomphe à Stoyanova, on ovationne Harteros, ou Fleming, ou Pieczonka ; quand on n’admire pas Grundheber, on remarque Vassalo ou Muzarev : Desdemona et Iago sont bien servis par les chanteurs actuels. Le problème majeur d’Otello, c’est Otello. Peter Seiffert apporte-t-il sa réponse au problème ? Dans un des rôles les plus éreintants du répertoire, le ténor allemand montre une vaillance exemplaire, une tenue vocale d’un bout à l’autre de la soirée et un engagement dramatique qui forcent l’admiration. Même les notes les plus aiguës de la partition s’accommodent des couleurs barytonantes de son timbre, et sa nature de « wagnérien » n’est nullement mise à l’épreuve par les exigences de legato et de messa di voce. Un tour de force remarquable, que beaucoup de grandes scènes de par le monde ne devraient pas tarder à s’arracher. Au triomphe remporté par les chanteurs répondent les huées que reçoit Dan Ettinger, coupable d’avoir, toute la soirée durant, attisé les forces de l’Opéra de Vienne avec un tel enthousiasme que solistes et même choristes s’en sont souvent trouvés couverts. Toute la difficulté de l’oeuvre est là : c’est que diriger Otello, c’est diriger Verdi autant que Shakespeare, et que les règles du bel canto et les nuances musicales ne devraient pas, dans l’idéal, être écrasés par « le bruit et la fureur »… 
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VERDI, Otello — Vienne (Staatsoper)
 
                 
                 
                 
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				Spectacle
						
									18 janvier 2012								
				
									Le bruit et la fureur								
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Infos sur l’œuvre
Détails
Giuseppe Verdi
 Otello
 Opéra en 4 actes sur un livret d’Arrigo Boito d’après le drame éponyme de William Shakespeare
 Créé le 5 février 1887 à la Scala de Milan
 Mise en scène
 Christine Mielitz
Scénographie
 Christian Floeren
 Otello
 Peter Seiffert
Desdemona
 Krassimira Stoyanova
Iago
 Franz Grundheber
Cassio
 Marian Talaba
Rodrigo
 Peter Jelosits
Lodovico
 Dan Paul Dumitrescu
 Emilia
 Aura Twarowska
Montano
 Eijiro Kai
Un héraut 
 Hacik Bayvertian
 Choeurs et Orchestre du Wiener Staatsoper
 Choeur d’enfant de l’Ecole d’Opéra du Wiener Staatsoper
 Chef des choeurs
 Thomas Lang
Direction musicale
Dan Ettinger
Wiener Staatsoper, le mercredi 18 janvier 2012, 19h
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 Créé le 5 février 1887 à la Scala de Milan
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