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LLOYD WEBBER, Love Never Dies — Londres (ROH)

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Spectacle
2 octobre 2010
Le retour du Fantôme

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Comédie musicale en deux actes
Livret d’Andrew Lloyd-Webber et Ben Elton
Lyrics de Glen Slater

Détails

Mise en scène : Jack O’Brien,
Décors et costumes : Jerry Mitchell
Chorégraphie : Bob Crowley
The Phantom : Tam Mutu
Gustave : Harry Polden
Christine Daé : Sierra Boggess
Raoul : Joseph Millson
Madame Giry : Janet Mooney
Meg Giry : Summer Strallen
Fleck : Niamh Perry
Squelch : Simon Ray Harvey
Gangle : Jami Reid Quarrell
Other child : Tom Bryan Isaacs
Direction: David Charles Abell
Londres, Adelphi Theatre, 2 octobre 2010

Rien de ce qui touche à l’opéra n’est étranger à notre revue. C’est pourquoi il nous a paru absolument indispensable de vous rendre compte d’un ouvrage qui n’aura certainement aucun retentissement planétaire mais qui a l’originalité de se présenter comme la suite du célébrissime Phantom of the Opera du même compositeur.

Quelques mots sur ce premier Phantom, créé en 1986 à Londres et en 1988 à Broadway. Auteur de shows à succès comme Jesus-Christ Superstar, Evita ou Cats, qui ont marqués l’histoire du genre, Lloyd-Webber réalisait là un ouvrage de facture finalement beaucoup plus classique que ces réussites précédentes : une histoire romantique et romanesque à souhait (l’incontournable « amour impossible »), que tout le monde connait plus ou moins ; un livret découpé à la perfection et d’ailleurs très respectueux du roman original de Gaston Leroux; une musique que les grincheux qualifieront de « soupe » mais indéniablement efficace et séduisante, et d’une certaine exigence (l’ouvrage réclame d’ailleurs une technique vocale mixte entre l’opéra et la comédie musicale et comporte très peu de dialogues parlés); une dose d’humour, avec des pastiches d’opéras tout à fait roboratifs ; une production spectaculaire1 et  d’une certaine poésie. Le résultat ? The Phantom of the Opera a été donné dans près de 150 villes de 25 pays (mais pas en France2) et devant plus de 100 millions de spectateurs. C’est le plus grand succès commercial de toute l’histoire du musical, dépassant même les célébrissimes Misérables : ses recettes atteignent en effet des montants qui donneraient le vertige à Jérôme Kerviel lui-même : plus de 5 milliards de dollars.

Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que Sir Andrew n’a pas collectionné les succès après celui-ci. Aspect of Love (1989) tint 4 ans sur West End mais échoua à Broadway ; Sunset Boulevard (1993) attira les foules (notamment en affichant des grands noms : Patti LuPone à Londres et Glenn Close à New-York, cette dernière chantant d’ailleurs comme une casserole3) mais n’arriva jamais à couvrir ses coûts d’exploitation. Et qui se souvient de Whistle Down the Wind (1996), The Beautiful Game (2000) ou The Woman in White (2004) ? On comprend alors pourquoi Lloyd-Webber s’est attaché  à mener à bien cette resucée du Phantom qu’il entreprend dès la fin des années 90. La première ébauche d’intrigue, conçue par Frederick Forsyth4, ne plait pas à Sir Andrew : l’auteur abandonnera là sa collaboration pour publier un Phantom of Manhattan sans grand retentissement. Sir Andrew s’attaque à nouveau au projet début 2006, entouré d’une batterie de scénaristes : le scénario se dessine, mais pas assez pour concrétiser un livret. Début 2007, il s’attache les services de Ben Elton pour mettre en œuvre ces grandes lignes tout en travaillant en parallèle sur la musique. Mais la première partition sera entièrement détruite par Otto … le chat du compositeur ! Après bien des vicissitudes, l’ouvrage est achevé et un « concept album » enregistré. Prévu pour ouvrir simultanément à Londres, New-York et Shangaï, Love never dies, après de multiples rebondissements, voit ses ambitions réduites et limitées à la seule scène anglaise où il ouvre le 9 mars 2010. L’accueil est partagé : la presse anglaise est extrêmement positive (mais quel crédit lui accorder ?) tandis que celle des États-Unis est sarcastique, le Financial Times titrant « Paint never dries5 ». Le public est en revanche plutôt enthousiaste : il faut dire que Sir Andrew, sans vraiment se renouveler, a réussi à retrouver une imagination mélodique qu’il semblait avoir perdu. L’ouvrage contient de véritables tubes, comme « The Beauty Underneath », qui fait écho au premier duo Phantom / Christine de l’ouvrage original, ou « The Coney Island Waltz » aux couleurs mélancoliques. Mais c’est au niveau du scénario que le bât blesse.

 

L’intrigue se situe, théoriquement, 10 ans après les événements du premier opus ; Théoriquement car le premier ouvrage se termine en 1881 et que nous sommes en 1907 dans le second ! Les décors spectaculaire mais un peu tape-à-l’œil de Jerry Mitchell s’inspirent avec bonheur d’Alfons Mucha. Ramené aux Etats-Unis par Madame Giry et sa fille Meg, le Fantôme y a fait fortune en créant Phantasma, un parc d’attraction à Coney Island. Il y fabrique des automates et des trains… fantômes, tout en composant de la musique de bastringue pour que Meg puisse lever la jambe dans la revue du soir. Il n’a pas renoncé à l’amour de Christine Daé. Celle-ci s’est retirée de l’art lyrique après son mariage avec Raoul. Mais le vicomte de Chagny a perdu sa fortune au jeu à Monte-Carlo et a sombré dans la boisson. Recevant une proposition d’un montant pharaonique d’un certain Mr Y, Christine accepte de se rendre à Phantasma pour y chanter un air qui sera composé pour elle. Elle débarque à Coney Island avec son mari et son fils de 10 ans, Gustave. Elle ne tarde pas à découvrir que Mr Y n’est autre qu’Erik, le Fantôme dont elle est toujours amoureuse. De son côté, le Fantôme ne met pas beaucoup de temps à comprendre que Gustave est son fils et non celui de Raoul. Erik décide de laisser toute sa fortune à son fils, mais ses intentions sont surprises par Meg. Celle-ci est désormais folle de rage de voir ses sacrifices aussi mal récompensés.

A l’acte suivant, Raoul est parti se saouler dans un bar louche et Erik lui propose un marché qu’il accepte : si Christine refuse de chanter, Raoul repartira avec elle ; sinon, il repartira seul. Bien sûr, Christine chante, et avec succès, le morceau que le fantôme lui a dédié. Raoul rentre donc en France. Gustave disparait pendant le concert. C’est Meg qui l’a kidnappé dans le but de le noyer. Erik arrive à temps pour tenter de la dissuader. Meg révèle que le Fantôme doit sa réussite à ce qu’elle s’est prostituée auprès de diverses autorités locales pour permettre la construction du parc. En tentant de la désarmer, une balle part accidentellement et Christine est tuée. Gustave accepte Erik comme son père.

 

Comme on le voit, on aura rarement vu une intrigue aussi abracadabrantesque. Contrairement au Phantom original, aucun romantisme dans ce scénario que n’aurait jamais osé les pires romans feuilletons du XIXe siècle. Fort heureusement, la production de Jack O’Brien est tellement bien menée qu’on ne se rend finalement compte qu’après coup de l’absurdité de tout ceci.

L’autre problème, c’est la distribution des parties musicales : Meg n’a le droit qu’à de la musique de cabaret ; le seul morceau notable de Christine est l’air que lui a composé le Fantôme (comme dans le premier ouvrage), mais sans la situation dramatique associée ; le meilleur moment est le duo « The Beauty Underneath » déjà cité, mais c’est un duo entre le Fantôme … et son fils, très étrange dramatiquement.

 

L’autre point fort du show réside dans une distribution sans faille, du moins le jour où nous étions présents car une alternance est mise en place. L’Erik de Tam Mutu est confondant d’aisance scénique et vocale. Seul reproche : il est trop jeune et trop sexy pour le personnage qu’il est sensé incarner. L’incroyable Gustave d’Harry Polden triomphe d’un rôle particulièrement difficile. Sierra Boggess dispose de suffisamment de moyens pour un rôle à mi-chemin entre l’opéra et le musical. Summer Strallen est, quant à elle, entre la meneuse de revue et la chanteuse de variétés, aussi à l’aise dans un cas que dans l’autre. La sonorisation est efficace, sans excès et l’orchestre mené avec enthousiasme par David Charles Abell.

Faut-il alors aller voir ce nouveau Phantom ? Pourquoi pas, si vous aviez apprécié le premier et si, d’humeur indulgente, vous acceptez à l’avance de ne pas en retrouver toute la magie. Sinon …

 

 

 

1 On doit au metteur en scène Harold Prince quelques grands succès du « musical » : Cabaret, Candide, Follies ou encore Evita, mais aussi des productions lyriques comme un très émouvant Faust au Metropolitan dans les années 90. Toutefois, de même que le principal morceau du Fantôme rappelle un peu trop un air de la Fanciulla del West, Prince n’a pas hésité à s’inspirer fortement de certaines scènes de la version muette jouée par Lon Chaney

Au tournant des années 80 – 90, l’Opéra-comique a accueilli un spectacle du même nom produit par Ken Hill et réutilisant des airs connus d’opéras célèbres sur lesquels un texte anglais avait été arrangé. C’était affligeant, mais cette adaptation ne s’en est pas moins donnée de par le monde, spéculant probablement sur la confusion du public avec l’ouvrage de Webber

3 Patti LuPone a qui ont avait promis Broadaway fit un procès à Lloyd-Webber de même que Faye Dunaway rejetée au motif qu’elle chantait encore plus mal que Glenn Close

4 Frederick Forsyth est l’auteur de nombreux romans à suspenses, dont, dans les années 70, le best-seller Chacal sur une tentative d’assassinat du général De Gaulle, porté à l’écran par Fred Zinnemann en 1973 puis par Michael Caton-Jones en 1997 

5 Littéralement « La peinture ne sèche jamais » : jeu de mots sur l’expression « I’d rather watch paint » (« Je préfèrerais encore regarder de la peinture sécher ») expression de l’ennui le plus profond.

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Mise en scène : Jack O’Brien,
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Chorégraphie : Bob Crowley
The Phantom : Tam Mutu
Gustave : Harry Polden
Christine Daé : Sierra Boggess
Raoul : Joseph Millson
Madame Giry : Janet Mooney
Meg Giry : Summer Strallen
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