En inaugurant sa 4e édition par un concert à l’Olympia, le Festival de Paris invite les artistes classiques à s’aventurer hors de leurs circuits habituels et de leur zone de confort. Le temple parisien du music-hall carbure davantage à Michel Sardou ou à Black M qu’à Mozart. Son acoustique impose une sonorisation. C’est là son moindre défaut.
Dans un programme joyeux, entre années folles et standards du répertoire, les chanteurs invités doivent d’abord dompter l’usage du micro : trop fort dès qu’alternent parlé et chanté (Marie Perbost dans « Musique, musique » – un hommage à Bruno Coquatrix qui fut aussi compositeur avant de présider aux destinées glorieuses de la salle) ; défaillant durant « I’m a gigolo » (jusqu’à perturber Laurent Naouri dans son impeccable numéro de crooner) ; souvent nuisible à la compréhension du texte (« Yes » pourtant drôlement envoyé par Eugénie Joneau) ; intraitable (la moindre hésitation est surexposée – l’air des Pêcheurs de perles par Matthieu Justine) ; voire cruel (un écart d’un pouillème de ton semble une infraction éhontée à la justesse – la musicalité de Pretty Yende se trouve souvent mise à rude épreuve et, plus qu’une valse de Juliette aux vocalises approximatives, il faut « La vie en rose » pour que le charme capiteux du timbre agisse). Les chausse-trappes sont innombrables. On imagine l’ingénieur du son, casque sur la tête, sueur au front, cramponné à sa platine comme Pierce Brosnan au volant de son Aston Martin dans Goldeneye.
Sur scène, il s’agit aussi de composer avec la lumière. Contrairement à l’habitude, la salle n’est pas plongée dans l’obscurité. Intimidé, Benjamin Appl cherche désespérément comment occuper ses mains au point d’en oublier la séduction de Don Juan, la nostalgie de Youkali et la fantaisie de « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ». « Là-haut » aide Matthieu Justine à retrouver un semblant d’assurance, et de franchise d’émission, quand d’emblée Eugénie Joneau barbotte dans « I Am Easily Assimilated » comme un poisson dans l’eau. La révélation des Victoires de la Musique Classique 2022 a du tempérament à revendre et dans sa catégorie vocale des trésors à dispenser. Un frisson parcourt l’échine de la barcarolle des Contes d’Hoffmann lorsque son mezzo rencontre le soprano de Marie Perbost. « La chanson du gangster » offre à Laurent Naouri une seconde chance de faire valoir son sens du swing avec une classe que n’aurait pas reniée David Niven période Panthère rose.
Sous la direction de Quentin Hindley, l’orchestre des Frivolités parisiennes assume le strass, les paillettes et la bonne humeur d’un concert sympathique en dépit de la sonorisation.
Prochain rendez-vous de cette 4e édition du Festival de Paris : Emöke Baráth, accompagnée au piano par Tanguy de Williencourt, dans un programme d’airs d’opéra de Mozart, Gounod et Rossini au Théâtre de l’œuvre le mercredi 21 juin à 20h30 (plus d’informations).