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PERGOLESI, Salustia — Montpellier (Festival)

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Spectacle
28 juillet 2008
Passionnante découverte

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Salustia (Pergolesi, Florio – Montpellier)

Détails

Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736)
Salustia

Opéra seria en trois actes (1732)
Livret de S. Morelli d’après Alessandro Severo de Apostolo Zeno

Conception et mise en scène, Jean-Paul Scarpitta
Assisté pour la mise en scène de Bérangère Gros
Lumières, Urs Schönebaum

Salustia : Maria Ercolano
Giulia : Raffaella Milanesi
Alessandro : José Maria Lo Monaco
Marziano : Marina De Liso
Claudio : Cyril Auvity
Albina : Valentina Varriale

Chef de chant et assistant à la direction musicale : Carlos Aragon

La Cappella della Pietà de’ Turchini
Direction musicale : Antonio Florio

Montpellier, Opéra Comédie
Lundi 28 juillet 2008

Première mondiale

Deux œuvres ont suffi à assurer la postérité de Giovanni Battista Pergolesi, disparu prématurément à l’âge de vingt-six ans : Le fameux Stabat Mater qu’il composa au soir de sa courte vie et La serva Padrona, qui était à l’origine un intermède comique situé au sein d’un ouvrage aux proportions plus importantes. Détachée de son contexte, cette partition a eu une fortune inattendue, notamment parce qu’elle a déclenché en France, plus de quinze ans après la mort du compositeur, la célèbre Querelle des Bouffons (1752).

C’est donc une facette peu connue de l’art du musicien qui nous est révélée à travers la création de son premier opéra, Salustia. On peut bien parler de création puisque la partition jouée à Montpellier diffère sensiblement de celle qui fut donnée à Naples en 1732.

Pergolèse jouissait déjà d’une réputation bien établie, lorsqu’il se voit confier la composition d’un opera seria, pour le teatro San Bartolomeo de Naples. Le livret est tiré d’un drame d’Apostolo Zeno, Alessandro Severo, dont le sujet, emprunté à l’histoire romaine, s’appuie sur le conflit qui oppose Giulia et Salustia, respectivement mère et épouse de l’empereur Alessandro.

Au premier acte, Giulia tente de contraindre par la ruse son fils à répudier Salustia, dont elle est profondément jalouse. Salustia, qui a surpris leur conversation, se confie à son père, le général Marziano qui décide aussitôt de venger sa fille en tuant Giulia. Epouvantée, Salustia s’oppose à un tel projet.

A l’acte deux, Marziano organise avec son ami Claudio l’assassinat de Giulia. Mais Albina, une jeune patricienne, amoureuse de Claudio, les a entendus. Plus tard Albina déclare son amour à Claudio qui la repousse. Dépitée, elle va révéler à Salustia ce qui se trame. Au cours d’un festin, Salustia arrache des mains de Giulia la coupe dans laquelle elle s’apprêtait à boire en affirmant qu’elle contient du poison. Giulia somme alors Salustia de révéler l’identité du traître, mais celle-ci ne peut dénoncer son père. Giulia, terrorisée par le danger qui la guette, menace de tuer Salustia si elle ne parle pas.

Au troisième acte, Marziano tente une nouvelle fois d’assassiner Giulia, cette fois avec son épée mais Salustia s’interpose. Désarmé par Alessandro, le général est alors condamné à périr dans l’arène, dévoré par les fauves. Salustia supplie Giulia d’épargner la vie de son père mais celle-ci se montre inflexible. Cependant, face à l’insistance de la jeune femme, qui lui a quand même sauvé deux fois la vie, elle finit par céder : Marziano n’affrontera qu’une seule bête sauvage et son sort dépendra de l’issue du combat. Marziano triomphe du fauve. Giulia le gracie et rend à Salustia, dont elle vante la vertu, son époux et son trône. Elle proclame également l’union de Claudio et Albina. Un chœur joyeux conclut l’opéra.

Quelque temps avant la première, le célèbre castrat Nicolino qui devait interpréter Marziano, tombe malade et meurt peu après. Son personnage est alors confié au ténor Francesco Tolve, initialement prévu dans le rôle de Claudio qui échoit à un jeune castrat de dix-sept ans, Gizziello. Ces changements de tessiture obligent le compositeur à modifier sa partition : des scènes entières sont remaniées, de nouveaux airs sont écrits. Le succès est mitigé et l’ouvrage ne sera jamais repris

(1). C’est la partition originale, qui n’a, semble-t-il, jamais été jouée, que le Festival de Montpellier a choisi de présenter cette année en première mondiale.


Jean-Paul Scarpitta a imaginé un dispositif d’un esthétisme raffiné. Le cadre de scène, noir, contraste avec la luminosité des deux toiles de fond qui alternent selon les tableaux : l’une, inspirée d’une œuvre de Giovanni Bellini, représente les sept collines de Rome et l’autre, une vague géante, sorte de tsunami prêt à engloutir le plateau. L’élément aquatique est d’ailleurs omniprésent : sous forme de pluie qui tombe par intermittence sur le plateau jonché de flaques, ou de vapeur, au début du trois, dans les thermes où règne une atmosphère moite d’une troublante sensualité.

Les costumes somptueux, réalisés par les Ateliers de l’Opéra National de Montpellier sont une libre évocation d’une Antiquité idéalisée, dans des teintes pastel tout droit sorties d’une toile de Nicolas Poussin.

La mise en scène, très fluide, favorise la lisibilité des diverses péripéties du livret et comporte quelques idées astucieuses. Ainsi, au deux, après avoir repoussé les avances d’Albina, Claudio s’éloigne en compagnie d’un jeune éphèbe vêtu de blanc, allusion discrète aux mœurs de l’époque. Au trois, le fauve que Marziano affronte n’est autre que Giulia elle-même avec un masque sur le visage et à la fin de l’ouvrage, pendant le chœur final, Salustia recule à pas lent vers la vague géante comme pour s’y noyer, laissant ainsi planer un doute quant au lieto fine convenu.

Les rôles épisodiques d’Albina et Claudio sont dévolus à Valentina Variale et Cyril Auvity. La première possède une voix large dont le registre aigu, un peu raide en début de soirée, gagne en souplesse au fil de la représentation. Le second campe un personnage crédible scéniquement malgré une prononciation de l’italien quelque peu exotique. Au premier acte, la voix manque d’assurance et plafonne dans le haut de la tessiture. Les choses s’arrangent durant la seconde partie du spectacle.

Les protagonistes principaux bénéficient d’une distribution de haute volée, exclusivement féminine. Les timbres des interprètes, suffisamment contrastés pour échapper à la monotonie, s’unissent harmonieusement dans le quatuor qui conclut l’acte deux. Toutes possèdent une technique sans faille qui leur permet d’affronter avec brio les ornementations qui émaillent la plupart de leurs arias.

José Maria Lo Monaco est un Alessandro convaincant. Son allure androgyne et sa voix de mezzo claire et fruitée colle parfaitement à ce personnage immature, veule au début, qui s’émancipe progressivement de l’emprise de sa mère. Dotée d’une voix plus sombre, Marina De Liso possède un registre grave somptueux qui confère un relief saisissant au rôle de Marziano, dès son air de fureur du premier acte, « Per trucidar la perfida ». L’altière Giulia trouve en Raffaella Milanesi, éblouissante Donna Anna en ce même lieu en 2007, une interprète de grande classe dont la voix ample se pare de sonorités stridentes pour exprimer sa hargne et son mépris notamment lors de son affrontement avec Marziano au début du trois. Enfin, Maria Ercolano campe une exquise Salustia. Sa voix souple et limpide dispose d’une belle palette de couleurs qui lui permet de traduire à merveille tous les affects de ce personnage attachant. A la fin de l’acte un, son grand air avec récitatif accompagné « Perché tanto furore … Sento un acerbo duolo », chaleureusement applaudi, semble préfigurer le grand air d’Elvire dans le Don Giovanni de Mozart.

A la tête de son ensemble dont il tire de superbes sonorités, Antonio Florio dirige avec un sens aigu des contrastes cette partition foisonnante et complexe qui révèle une grande maîtrise du théâtre musical et une maturité assez rare de la part d’un compositeur âgé d’à peine vingt-et-un ans.

La chaîne Mezzo diffusera ce spectacle à partir du 6 septembre.

 

(1) Ces informations figurent dans la présentation de l’opéra par Dale Monson à l’intérieur du programme du spectacle.

 

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