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VERDI, Un ballo in maschera — Toulouse

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Spectacle
3 octobre 2014
Autant fermer les yeux !

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Un Ballo in maschera

Opera en trois actes (1859)

Livret d’Antonio Somma

d’après le livret d’Eugène Scribe pour Gustave III ou le bal masqué de Daniel-François Auber

Coproduction avec le Staatstheater Nürnberg

Détails

Mise en scène

Vincent Boussard

Décors

Vincent Lemaire

Costumes

Christian Lacroix

Lumières

Guido Levi

Riccardo

Dmytro Popov

Renato

Vitaliy Bilyy

Amelia

Keri Alkema

Ulrica

Elena Manistina

Oscar

Julia Novikova

Silvano

Aimery Lefèvre

Samuel

Leonardo Neiva

Tom

Oleg Budaratskiy

Un juge

Alfredo Poesina

Un serviteur d’Amelia

Jean-Luc Antoine

Choeur et maîtrise du Capitole

Direction

Alfonso Caiani

Orchestre National du Capitole

Direction musicale

Daniel Oren

Théâtre du Capitole, Toulouse, 3 octobre 2014 à 20h

Pour son retour sur la scène du Capitole après trente ans d’absence, Un Ballo in maschera méritait mieux. Confié à la même équipe scénique que La Favorite la saison dernière, le spectacle présente et aggrave les mêmes partis pris désinvoltes. Tolérables dans une œuvre à la cohérence assez lâche, ils ne le sont plus dans une œuvre aussi structurée que l’est cet opéra de Verdi. Moins que de choix esthétiques, ils semblent témoigner d’un manque d’empathie avec l’œuvre très décevant.

Ainsi des décors de Vincent Lemaire, qui pose sur la scène un parallélépipède nu dans lequel un autre descendu des cintres viendra s’enchâsser sans que jamais la nécessité dramatique de cet emboitement apparaisse clairement. Le deuxième montre des craquelures analogues à celles de vieux tableaux et un visage encore enfantin (portrait du jeune Gustave III ?) y apparaît, peut-être symbole d’innocence. Jonché de chaises en désordre ( ?) le premier espace devient l’antre d’Ulrica au deuxième tableau, avant de représenter la maison de Renato au troisième acte. Quant au deuxième acte, il présente un espace éclairé a giorno et pourtant la scène est nocturne – mais les didascalies ont été éliminées dans le livret de salle – espace nu surmonté d’un mannequin pendu au look haute couture. Au moins, ce dépouillement ascétique devrait concentrer l’intérêt sur les rapports entre les personnages.

Or de ces rapports la mise en scène de Vincent Boussard ne dit pratiquement rien. On sort du spectacle sans savoir qui est son Riccardo, à se demander si lui-même le savait. Au lieu du personnage souriant du premier acte – qui refuse de dramatiser l’influence d’une devineresse à la mode et saisit le prétexte pour s’en amuser – il fait un personnage rogue et rugueux. Oscar devient une énigme sexuelle – le page est en fait une jeune femme, dont le travesti dévoile la réalité anatomique – au bal les hommes s’habillent en femme, voilà l’essentiel du propos. Car que penser du juge qui présente au premier acte sa sentence au dos de Riccardo ? Du poudrage de la perruque ? D’Amalia enlevant ses chaussures sur le terrain de l’horreur et s’y couchant quand elle a dit à Riccardo qu’elle l’aime ? Du plateau qu’elle apporte, en bonne maîtresse de maison, alors qu’elle est désespérée, et du whisky qu’elle avale en douce ? De Renato soulevant la jupe d’Oscar, il est vrai qu’il n’avait pas de masque ? Rien de cela n’éclaire l’œuvre. En outre il est rarissime que les attitudes des interprètes coïncident avec les sentiments exprimés, seuls ou séparément, et le comble est atteint au final quand, Riccardo expirant, ses plus proches restent à distance et ne lui accordent pas un regard. Et qu’on ne nous dise pas qu’il y a un choix de mise à distance de l’émotion : les larmes de sang du portrait et la voiture télécommandée qui impose la présence de l’enfant invisible cherchent sans équivoque à faire vibrer la corde sensible ! Si l’on ajoute que les mouvements de foule sont réduits à une géométrie répétitive et que les ensembles sont figés, on aura compris que la coupe était amère à boire !

D’autant que ni les costumes ni les lumières ne viennent adoucir la potion ! Ces dernières, signées Guido Levi, nous ont semblé peu recherchées, et les faire baisser quand l’atmosphère se fait dramatique (chez Ulrica par exemple) bien sommaire. En revanche au dernier acte, elles ne nous laissent rien ignorer de la débauche de costumes conçus par Christian Lacroix pour  le bal masqué. Comment ne pas s’interroger alors sur la petite robe noire passe-partout jusque-là dévolue à Amelia ? Serait-ce parce que l’interprète n’a pas la taille mannequin qu’elle n’a pas bénéficié d’une toilette spécifique, comme Ulrica, dont le vêtement compliqué a réveillé en nous, Dieu sait pourquoi, l’image de Brigitte Fontaine ? Les mitaines, peut-être… Evidemment cette Ulrica n’est pas noire, ou alors fortement atteinte de vitiligo. Et elle est blonde, hommage à George Fourest ? Mélange gratuit de styles, propositions sans lien avec le livret – Riccardo n’a rien d’un marin au deuxième tableau du premier acte – le vrai marin porte une marinière et des rangers, les hommes de la cour portent des fraises sur leur redingote, Riccardo dort dans l’habit du couronnement de Gustave III, quelle que soit la sympathie que l’on éprouve pour Christian Lacroix, on a bien envie de lui dire qu’il a exagéré !


 © Patrice Nin

C’est d’autant plus frustrant que comme le plus souvent au Capitole l’exécution vocale et musicale est de haut, voire de très haut niveau, même si nous souhaitons exprimer une perplexité. Pourquoi avons-nous l’impression, parfois, d’une sonorité excessive, en particulier pour les chœurs, qui nous semblent alors moins chanter que vociférer sans nécessité ? (A l’attention de l’aimable lecteur qui parlerait charitablement d’hyperacousie, précisons que le Capitole est le seul théâtre où nous ressentons cette saturation du son pour les chœurs). La précision, la netteté, la cohésion sont indiscutables et appréciées, mais il devient difficile de distinguer les intentions portées par les paroles quand elles sont proférées aussi uniformément, et dans le chœur d’entrée, par exemple, comment distinguer les accents affectueux des partisans de Ricardo des accents haineux des comploteurs ?  Du reste pour être complet nous nous sommes demandé si on avait parlé aux chanteurs de la tradition toulousaine des chanteurs à voix, tant par moments leur partenariat scénique semblait tourner à la joute sonore. Sans doute faut-il un ténor, une soprano et un baryton dotés des réserves de puissance et de souffle nécessaires à produire les accents passionnés imaginés par Verdi pour les personnages, et de ce point de vue la distribution est totalement adéquate. Mais les chanteurs verdiens ne doivent pas faire seulement du son, ils doivent d’abord faire de la musique. On a craint plusieurs fois qu’elle ne soit sacrifiée à l’exploit vocal. D’abord par Dmytro Popov, tant il s’engage dans son rôle avec éclat et tant la voix impressionne par l’énergie de la projection. On verra au deuxième et au troisième acte qu’il est parfaitement capable de demi-teintes, de piani, et d’une palette expressive fort satisfaisante. Sa vaillance dans l’aigu ne marquera aucune éclipse et sans nul doute il fait d’ores et déjà partie des ténors à suivre dans ce répertoire. Vitaliy Bilyy ne lui cède un peu qu’en facilité dans l’aigu, mais il est baryton, et l’accent, l’autorité, le contrôle accru de l’émission depuis son Comte de Luna in loco, en font aussi un interprète verdien à suivre. Tout au plus quelques voyelles ont-elles encore parfois des couleurs slaves. Keri Alkema est-elle « traqueuse » ? Il lui a fallu un moment, nous a-t-il semblé, pour ouvrir sa voix et en libérer l’ampleur totale, et on la comprend, après l’écueil du « Ecco l’orrido campo » franchi haut la main. Elle a l’étendue et le moelleux requis pour donner à entendre une belle  Amelia, de surcroît  juste expressivement. Auprès de ce trio la grande Ulrica d’ Elena Manistina, maîtresse de sa voix et du rôle, à qui l’on fait la révérence. La prestation de Julia Novikova en Oscar, sans démériter, nous laisse penser que la chanteuse était fatiguée, ce 3 octobre, car nous l’attendions plus brillante et plus déliée dans les agilités, comme dans sa Zerbinette du printemps dernier. Aimery Lefèvre (naguère excellent Toni dans Les pigeons d’argile) ne fait qu’une bouchée de Silvano le marin mécontent, tout comme Leonardo Neiva de Samuel et Oleg Budaratskiy de Tom, les chefs du complot.  

Régnant sur tous, un Daniel Oren des grands jours. Sans doute nous sommes-nous interrogé sur son laisser-faire dans ce qui nous semblait par instant un concours de décibels entre chanteurs, mais dans sa tenue de l’orchestre il n’a pas succombé à la tentation de la tempête sonore. Marquant sans relâche les dynamiques, il imprime et domine rythmes et intensités, et de sa direction l’œuvre se met à vivre avec l’énergie palpitante ou l’abandon mélancolique qui y cohabitent. Il obtient de l’orchestre des sonorités somptueuses, cordes ou vents, dont les couleurs gémissantes ou plaintives font naître des frissons. C’est de cette volupté tout ensemble âcre et douce que nous voulons nous souvenir, bien plus que du spectacle ! On envie presque les auditeurs de France Musique qui pourront entendre la retransmission le 18 octobre !

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Coproduction avec le Staatstheater Nürnberg

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Mise en scène

Vincent Boussard

Décors

Vincent Lemaire

Costumes

Christian Lacroix

Lumières

Guido Levi

Riccardo

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Renato

Vitaliy Bilyy

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Ulrica

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