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MEYERBEER, Vasco de Gama — Berlin

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Spectacle
4 octobre 2015
Périls en haute mer

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opéra en cinq actes (1865)

Livret d’Eugène Scribe complété par Charlotte Birch-Pfeiffer

Détails

Mise en scène

Vera Nemirova

Décors

Jens Kilian

Costumes

Marie-Thérèse Jossen

Dramaturgie

Jörg Königsdorf

Chorégraphie

Bharti Ramdhoni & Silke Sense

Vidéo

Marcus Richardt

Vasco de Gama

Roberto Alagna

Selica

Sophie Koch

Inès

Nino Machaidze

Nélusko

Markus Brück

Don Pédro

Seth Carico

Don Diégo

Andrew Harris

Don Alvar

Clemens Bieber

Le Grand Inquisiteur

Dong-Hwan Lee

Le Prêtre de Brahma

Albert Pesendorfer

Anna, suivante d’Inès

Irene Roberts

Matelots

Paul Kaufmann

Gideon Poppe

Thomas Lehman

Michael Adams

Chœurs du Deutschen Oper Berlin

Orchestre du Deutschen Oper Berlin

Chef des choeurs

William Spaulding

Direction musicale

Enrique Mazzola

Berlin, dimanche 4 octobre 2015, 17 h

Lorsque Giacomo Meyerbeer meurt en mai 1864, son ultime ouvrage, Vasco de Gama est entré en répétition à l’Opéra de Paris. Il y sera créé un an plus tard, sous le titre L’Africaine, dans une version considérablement révisée par le compositeur et critique musical François-Joseph Fétis,  à qui l’Opéra de Paris a demandé de raccourcir l’ouvrage. En février 2013, le Théâtre de Chemnitz proposait la création mondiale de la version originale, démontrant non seulement la viabilité de l’œuvre initiale mais aussi sa supériorité sur la version révisée. Un enregistrement archi intégral sera réalisé dans le fil des représentations

Le Deutsche Oper de Berlin a de son côté entrepris un travail de redécouverte du compositeur, commencé en octobre 2014 avec une première version concert de Dinorah. Les Huguenots et Le Prophète sont annoncés pour les saisons à venir. On se félicitait donc à l’avance de ce nouveau Vasco de Gama, d’autant que la distribution affichait des artistes prestigieux : hélas cette production ne tient pas toutes ses promesses.

Première déception, le respect de la partition : l’ouvrage est donné avec 35 minutes de coupures, au prétexte que Meyerbeer lui-même aurait pu les pratiquer durant les répétitions. Difficile de croire pourtant que le compositeur, spécialiste des scènes d’ensemble développées spectaculairement, aurait coupé de moitié le finale de l’acte I (moins de 2 minutes au lieu de plus de 4 : l’impact sur la durée de la représentation frôle la mesquinerie !). Difficile également d’imaginer qu’il aurait supprimé la célèbre Marche Indienne qui ouvre l’acte III, un des tubes de la partition, pour la remplacer par une « danse des bâtons ». Le magnifique duo entre Selika et Inès, « Ô longue souffrance » est lui aussi réduit de moitié. Passons sur de courtes coupures ici ou là : le pire est atteint avec la scène finale de Selika « D’ici je vois la mer » qui passe de 24 à 14 minutes ! Imagine-t-on un instant les Adieux de Wotan coupés d’un tiers ou la folie de Lucia amputée de moitié ? A-t-on craint d’ennuyer le spectateur ? Dans ce cas pourquoi s’attaquer aux morceaux les plus réussis ? Et puis, le public qui choisit d’assister à une représentation de près de 5 heures, entractes compris, en est-il encore à une demi-heure près ? Autre surprise, les modifications surréalistes du célébrissime air du ténor à l’acte IV : en effet, l’air original, « Ô doux climats », avait été totalement revu par Fétis (tant sur le texte que sur la musique) pour devenir « Ô Paradis » : ici, nous entendons un mélange empruntant ses vers à l’une ou l’autre des deux versions, combinaison absurde qui colle mal à la musique et au nombre de pieds (l’air commence avec les nouvelles paroles « Ô doux Paradis » sur la musique de « Ô doux climats », le reste est à l’avenant).

Annoncé souffrant, Roberto Alagna a pour lui son timbre chaleureux allié à une prononciation parfaite : son arrivée au bout de 25 minutes de sabir incompréhensible est une vraie bouffée de bonheur ! Malheureusement, les problèmes vocaux commencent à se faire sentir dès le finale de l’acte I, avec des aigus tendus ou un peu couverts par les chœurs. Son court arioso qui ouvre l’acte II est chanté faux. Si les duos sont plus convaincants, la grande scène de l’acte IV trouve le ténor au bout de ses ressources, notamment dans la cabalette où il est obligé de ralentir le rythme, ce qui entraîne des décalages en chaîne avec l’orchestre et les chœurs, plus personne ne sachant où il en est. Souhaitons aux spectateurs des représentations suivantes de retrouver le ténor français en pleine forme dans un rôle qui correspond bien à ses moyens actuels : pour cette première on a quand même frôlé Fiasco de Gama. Même si le rôle de Selika a été abordé par des chanteuses « hors format » telles que Shirley Verrett ou Grace Bumbry, il n’en est pas moins un rôle de soprano avec une voix ample et large, plutôt que celui d’un mezzo « à aigu ». Sophie Koch est ici obligée de torturer son instrument pour atteindre les notes les plus hautes : la « berceuse » de l’acte II fait ainsi plutôt penser aux imprécations d’Ortrud, alors qu’on y attend un chant plein et doux. Le tempo est d’ailleurs un peu précipité pour soulager la chanteuse. Même dans cette version écourtée, Koch a du mal à tenir la tessiture jusqu’au bout avec quelques notes trop basses au dernier acte. On saura gré à cette excellente artiste d’avoir tenté de relever le défi, mais le rôle est décidément trop loin de ses bases. Le français de Nino Machaidze n’est guère plus compréhensible que celui de Sophie Koch mais sa voix est davantage adaptée aux exigences du rôle, le timbre plus chaud. Dommage que le chant piano lui soit à peu près étranger, la plupart des aigus étant émis en force. Le rôle de Nélusko est vocalement plus exigeant dans cette version (dans la grande scène « Fille des rois », il doit ainsi vocaliser entre deux éclats véristes). Avec un chant efficace, Markus Brück remporte la palme à l’applaudimètre grâce à sa caractérisation dramatique particulièrement réussie. Seth Carico rend justice au rôle de Don Pédro, plus développé qu’à l’ordinaire. Parmi les rôles secondaires globalement bien tenus, on citera le Don Alvar très soigné de Clemens Bieber.

Enrique Mazzola défend avec fougue et conviction cette colossale partition mais rend moins justice aux scènes plus élégiaques. Ceci dit, ces 3h40 de musique passent ainsi sans tunnel, ce qui n’est pas un mince tour de force.

L’ouvrage ne semble guère avoir inspiré Vera Nemirova dont on a du mal à comprendre le parti pris d’actualisation. Ainsi, à l’acte I, Selika et Nulesko font irruption dans la salle du Conseil, accompagnés de ce qu’on pourrait identifier comme des « migrants » (compte tenu de l’actualité de ce sujet, on a du mal à croire que Neminorova travaille depuis plusieurs années sur sa mise en scène …). Mais le parallèle n’est pas exploité par la suite. Il faut dire qu’à l’acte IV, il aurait fallu faire figurer ces mêmes migrants massacrant tous les occidentaux après avoir attaqué leur navire : voilà qui était moins politiquement correct. Au lieu de cela les assaillants apparaissent en pirates de la Mer Rouge massacrant tout le monde à la Kalachnikov déclenchant une belle bronca de la part des spectateurs (on croyait naïvement que le public allemand était habitué à pire). En piste pour l’Oscar du mauvais goût, Neminorova apporte également un éclairage nouveau sur « Adamastor, le géant des tempêtes ». Durant cet air, Nélusko arrache sa tenue à une religieuse avant de la prendre par devant et par derrière (deux couplets), sous les yeux d’un cardinal et de l’équipage hilares, tout en agitant les reins sur les paroles « Ah ! Ah ! Vous tremblez ! ». Au positif, l’attaque du navire est particulièrement impressionnante en dépit de la réaction finale du public. Passons sur les costumes pas toujours inspirés de Marie-Thérèse Jossen. Le décor de Jens Kilian est en revanche simple mais astucieux : un demi plateau de fromage tantôt horizontal (la table du Conseil) ou vertical (la cloison de la prison par exemple), des mats qui figurent tantôt les voiles du navire, tantôt, réunis, la coupole du Conseil. L’exotisme deux derniers actes, dans des teintes orangées, est très réussi malgré un lit nuptial qui évoque un peu une pizza carrée géante.

L’accueil au rideau final est toutefois très chaleureux, laissant augurer d’une réception encore plus positive lorsque le spectacle sera rodé et que Roberto Alagna aura recouvré la santé. En dépit de ces réserves, ce Vasco de Gama reste un des spectacles essentiels à voir en ce début de saison pour découvrir une œuvre rare et passionnante, ultime création d’un compositeur qui aura su se renouveler jusqu’à la fin.

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Mise en scène

Vera Nemirova

Décors

Jens Kilian

Costumes

Marie-Thérèse Jossen

Dramaturgie

Jörg Königsdorf

Chorégraphie

Bharti Ramdhoni & Silke Sense

Vidéo

Marcus Richardt

Vasco de Gama

Roberto Alagna

Selica

Sophie Koch

Inès

Nino Machaidze

Nélusko

Markus Brück

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