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NEW-YORK
08/12/04

Angela M. Brown
© www.jejartists.com
AÏDA

Opéra de Giuseppe VERDI

Livret d'Antonio Ghislanzoni 
Sur un sujet d'Auguste Mariette (Mariette Bey) 
Développé par Giuseppe Verdi et Camille Du Locle.

Mise en scène : Sonja Frisell, reprise par Zoe Pappas
Décors : Gianni Quaranta
Costumes : Dada Saligeri
Chorégraphie : Rodney Griffin
Eclairages : Gil Wechsler

Aida : Angela M. Brown
Amneris : Irina Mishura 
Radames : Franco Farina
Amonasro : Mark Rucker
Ramfis : Kwangchul Youn
Il Ré : Oren Gradus
Une prêtresse : Jennifer Check
Un messager : Roy Cornelius Smith

Choeurs et orchestre du Metropolitan Opera de New York
Direction : Gareth Morrell

New York, le 8 décembre 2004.


DEBUTS D'UNE SOPRANO PHARAONIQUE

Décidemment, le Metropolitan Opera aime bien les entrées fracassantes. On se souvient du remplacement impromptu d'un Pavarotti aphone par le jeune Salvatore Licitra.

Cette fois, c'est une soprano qui fait sensation avec les débuts inopinés d'Angela M. Brown qui se substitue au pied levé à Fiorenza Cedolins pour le dernier acte d'Aida (le 2 novembre), puis pour une représentation complète (le 6).

Originaire d'Indianapolis et élève de l'immense Virginia Zeani, Brown fut lauréate en 1997 des prestigieuses Auditions du Met. Pourtant, malgré des moyens incontestables, la jeune chanteuse n'était guère à ce jour distribuée que sur des scènes secondaires et comme doublure au Met (sans doute à cause d'un physique un brin massif). Sa prestation a rencontré un réel succès et, s'agissant d'une artiste noire américaine, la critique a rapidement crié à la nouvelle Leontyne Price.

Ce 8 décembre, Angela M. Brown remplace cette fois Norma Fantini, entendue récemment à Covent Garden : décidément, l'hiver américain n'est guère favorable aux artistes italiennes !
Disons tout de suite que l'artiste n'est pas vraiment à la hauteur de la flatteuse réputation qui la précède. Les authentiques sopranos verdiens sont toutefois trop rares pour faire la fine bouche et Angela en fait authentiquement partie. La voix est puissante, riche ; les graves sont bien présents : il y a là du vrai potentiel. Mais des limites techniques apparaissent trop clairement pour annoncer la révélation du siècle (en ces mêmes lieux, Aprile Millo fut déclarée un peu vite "la nouvelle Milanov", ce qui était vrai... pour le jeu de scène). Les aigus ne sont pas projetés franchement, le haut medium est un peu timide et l'interprétation très scolaires : comme si l'artiste passait une audition avec des airs de concert. Une artiste à suivre donc, mais qui devra faire attention à ne pas brûler les étapes, au risque de disparaître de manière tout aussi imprévue.

Son amoureux de guerrier est campé par un étonnant Franco Farina, un peu court pour "Celeste Aida" (comme la plupart de ses collègues, il faut dire que Verdi n'a pas été tendre en positionnant cet air dès l'entrée du ténor) mais superbe à partir de l'acte II. Le dernier acte est particulièrement réussi, l'engagement scénique se couplant à un chant puissant et stylé, sans les problèmes de justesse qu'on a pu noter en d'autres occasions.

Amneris est incarnée par Irina Mishura : les moyens vocaux sont impressionnants et la technique impeccable, qui permet à l'artiste de se jouer des aigus meurtriers de sa grande scène du dernier acte jouée avec passion tout en évitant les débordements véristes.

Mark Rucker est un Amonasro plus problématique : la technique et les moyens sont juste suffisants pour le rôle (du moins, pour ce qu'on est en droit d'attendre d'une telle scène). Plus gênant, son timbre étonnamment clair déséquilibre les ensembles.

Ramfis est chanté par l'excellent Kwangchul Youn qui a décidemment bien du mal à percer depuis son exceptionnelle incarnation de Bertram dans Robert le Diable à Berlin en mars 2000. Moyens, style, il y a pourtant là tout le potentiel d'une grande carrière.

A noter également, le messager de Roy Cornelius Smith qui "vole la vedette" lors de sa courte intervention : là encore un chanteur à suivre.
 
Gareth Morrell conduit avec métier l'Orchestre du Metropolitan, réussissant à éviter ce qui pouvait facilement devenir une soirée de routine. Techniquement, tout est très en place et l'attention portée aux chanteurs est extrême ; la direction est élégante (ce n'est pas une mince affaire pour cette oeuvre), le chef tirant de la fosse de belles sonorités et mettant en relief de manière originale certains pupitres ou détails d'orchestration.

Créée en 1988, la très belle production de Sonja Frisell n'a pas pris une ride. Rien de révolutionnaire bien entendu dans la mise en scène, mais un parti respectueux et des décors somptueux signés de Gianni Quaranta, d'un réalisme qui évite la pacotille. Enfin, soulignons les éclairages éclatants de Gil Wachsler qui donnent l'impression d'un soleil écrasant.

La chorégraphie, si souvent sacrifiée, est ici simple et efficace ; le premier ballet est par ailleurs remplacé par une cérémonie initiatique.

Une production qui ne contribuera pas à une relecture de l'ouvrage mais qu'on regarde à chaque fois avec le même plaisir.
 
 
 

Placido Carrerotti
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