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PARIS
18/05/03

Rosalind Plowright, Stephan Margita & Karita Mattila
© Marie-Noëlle Robert
Jenufa

Leos Janacek

Opéra en trois actes
Livret du compositeur
d'après la pièce Jeji pasrokyna de Gabriela Preissova

Direction musicale : Sylvain Cambreling

Mise en scène et décors : Stéphane Braunschweig

Costumes : Thibault Vancraenenbroeck
Lumières : Marion Hewlett
Maquillages : Suzanne Pisteur

Jenufa : Karita Mattila
Kostelnicka, la sacristine : Rosalind Plowright
Laca Klemen : Stefan Margita
Steva Buryja : Gordon Gietz
Starenka Buryjovka, l'aïeule : Menai Davies
Starek, le contremaître : Ivan Kusnjer
Rychtar, le juge : René Schirrer
Rychtarka, la femme du juge : Galina Kuklina
Karolka : Pavla Vykopalova
Pastuchyna, la vachère : Marta Benackova
Barena, la servante : Helena Kaupova
Jano, le pâtre : Simona Houda-Saturova
La Tante : Caroline Allonzo

Orchestre de Paris
Choeur du Théâtre du Châtelet

représentation du 18 Mai 2003


La saison lyrique 2002-2003 du Théâtre du Châtelet est décidément bien singulière avec des créations décevantes (Le Démon, Eugène Onéguine) et des reprises intéressantes comme Le Coq d'Or (malgré une distribution inégale) voire passionnantes comme cette Jenufa proche de la perfection.

La mise en scène de Stéphane Braunschweig avait déjà fait sensation en 1996. Elle n'a visiblement pas pris une ride. La sobriété des décors (de simples panneaux de bois sur un sol blanc neigeux), la beauté de certains effets (les ailes rouges du moulin à vent, la lumière sur le lit d'enfant, la neige noire...) et la direction d'acteurs soulignent avec finesse et intelligence la force des thèmes abordés dans le chef d'oeuvre de Janacek. Ce drame villageois bénéficie d'un livret d'une richesse dramatique peu commune avec des thèmes universels tel l'amour bafoué, l'honneur familial, l'obsession, la folie, la mort... Et ce n'est pas la fin heureuse (Jenufa après avoir pardonné trouvera l'amour, le vrai) qui en appauvrit l'impact. La musique de Janacek, mêlant thèmes folkloriques et leitmotivs obsessionnels, exacerbe les passions et les sentiments que la sobriété de la mise en scène met admirablement en valeur. Braunschweig au même titre que Chéreau est un homme de théâtre qui a compris l'alchimie entre art lyrique et art dramatique, élément qui manque cruellement à des metteurs en scène uniquement spécialisés dans l'opéra.

La distribution est exceptionnelle. Les personnages principaux sont très complémentaires dans leur registre avec un Steva (Gordon Gietz) à la fois vaillant et lâche et un Laca (Stefan Margita à la projection étonnante) cloîtré dans son amour qu'il finira par assouvir. 

Rosalind Plowright est surprenante surtout pour l'auditeur qui ne la connaissait que par ses interprétations verdiennes des années 80. Le timbre s'est bonifié avec le temps et la voix est devenue dramatique au sens noble du terme. A cela se rajoute une vraie attitude de tragédienne (peut-être un peu excessive par rapport à la sobriété de l'ensemble de la production) qui rend la fin du deuxième acte inoubliable. Certains disent qu'elle ne fait pas oublier Anja Silja qui interprétait la sacristine en 1996. Peut être... mais lorsque l'on n'a pas vu Silja on reste impressionné.

Karita Mattila était souffrante au cours des répétitions. Par chance, elle semble avoir retrouvé tous ses moyens vocaux - et quels moyens ! La voix est belle, libre, homogène, expressive. Comme Plowright, elle est totalement habitée par ce rôle, femme victime d'une tragédie dont elle sortira finalement victorieuse.

Si l'on peut peut-être reprocher à Sylvain Cambreling de faire jouer l'Orchestre de Paris un peu fort par rapport au plateau, on ne peut qu'admirer un travail de mise en relief de tous les détails instrumentaux de cette superbe partition. L'orchestre devient un véritable témoin du drame.

En résumé, un très grand moment, certainement l'un des meilleurs spectacles lyriques de la saison.
 
 
 

Bertrand Bouffartigues
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