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Guillaume Picard : « Le critique n’est après tout qu’un spectateur »

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Interview
28 juillet 2025
Notre concours des jeunes critiques bat son plein. Guillaume Picard, le lauréat de la première édition, raconte son expérience.

Infos sur l’œuvre

Détails

En partenariat avec medici.tv, sous la présidence de Piotr Kaminski, Forum Opéra a lancé le 9 juin dernier la 2e édition de son concours pour les jeunes critiques musicaux.
Vous avez moins de 35 ans ? Vous aussi, l’exercice de la critique vous tente ? Vous avez jusqu’au 31 août 2025 pour participer.

👉 Plus d’informations sur notre concours de jeunes critiques

 Après avoir remporté notre concours des jeunes critiques l’an passé, tu as accepté de rejoindre la rédaction de Forum Opéra. Regrettes-tu ton choix ?

Absolument pas ! Après des années à lire les articles du site, j’ai découvert le bonheur (mêlé d’anxiété !) de prendre sa « place presse » dans les premiers rangs et de rédiger quelques heures après le spectacle un article parfois difficile à mettre en forme : précis mais pas trop long, juste mais pas mou, élégant mais pas ampoulé. Travailler pour Forum Opéra m’a aussi poussé à m’intéresser à des projets différents : sur proposition de la rédaction, je suis allé voir des spectacles que je n’aurais peut-être pas eu l’idée ou l’opportunité de voir par moi-même, de même pour les CD ou les livres.

Devenir critique a-t-il changé ton expérience de spectateur d’opéra ?

Ça n’a pas tant changé ma façon d’écouter, car j’ai toujours aimé analyser les spectacles et, à l’inverse – le spectacle finissant toujours par prendre le pas sur le sérieux de la posture critique –, si un moment exceptionnel a lieu sur scène, j’oublie totalement les contingences de l’exercice et je me laisse emporter… et si une longueur m’ennuie, mon esprit divague malgré toute ma bonne volonté. Je crois qu’au fond tout spectateur pointilleux penche déjà vers la critique, et tout critique reste essentiellement un simple spectateur. Et, par bonheur, je vais très souvent à des spectacles pour mon plaisir personnel, ce qui permet d’entretenir la flamme de l’amateur sans inverser les priorités : je vais à l’opéra parce que c’est un art extraordinaire qui me passionne, pas pour écrire des comptes rendus.

Quels sont les critères que tu juges essentiels pour écrire une bonne critique d’opéra ?

À mes yeux, la critique doit assumer d’être partiale, mais avec la plus grande honnêteté intellectuelle possible. Il faut fonder ses impressions (qu’on ne cherchera pas à faire passer pour des vérités générales) dans des analyses et des descriptions précises. Le critique n’est après tout qu’un spectateur, quelque affutés que soient son regard et son écoute, qui connaît moins bien la musique que les chefs, les musiciens ou les chanteurs qui l’interprètent. Il ne s’agit pas de distribuer bons et mauvais points, mais d’essayer de pénétrer le plus justement possible une proposition artistique à un moment donné, d’en discuter la pertinence et de donner le sentiment qu’elle nous a inspiré. Pour toutes ces raisons, je dirais qu’outre une bonne oreille et une solide culture musicale et artistique, il faut une bonne plume pour traduire justement ses impressions et une capacité à se laisser étonner – ou, pour le dire autrement, ne surtout pas jouer au connaisseur blasé.

L’opéra est souvent perçu comme un art élitiste : crois-tu que la critique puisse aider à renouveler le public et à quelles conditions ?

La critique a son rôle à jouer parce qu’elle est un rouage dans la machinerie de la communication et de la médiation culturelle. C’est particulièrement vrai pour Forum Opéra, qui est un site entièrement gratuit et qui a l’ambition de couvrir très largement les productions lyriques en les rendant accessibles à tout lecteur de bonne volonté. Je parle d’expérience : j’ai découvert l’opéra sur YouTube puis, très vite, je suis tombé sur les sites de critique qui m’ont permis de m’immerger dans l’univers lyrique avant de franchir le pas et d’acheter un billet. À rebours d’une critique de professionnels sourcilleux, on peut travailler à faire vivre une critique qui rapproche les publics et les maisons, qui étend le domaine de la lutte culturelle en l’amenant sur les écrans – et qui ne se prend pas trop au sérieux.

Quel spectacle t’a récemment enthousiasmé ?

Deux souvenirs récents. L’exceptionnelle Asmik Grigorian dans le Trittico de Puccini à Bastille : pas besoin d’être un connaisseur, justement, pour être submergé par le finale de Suor Angelica quand il est aussi bien servi. C’est ce déluge plus grand que nature qui est le principal pouvoir de l’opéra et qui fonde sa capacité à émouvoir largement sans initiation. Et une belle découverte, La Calisto de Cavalli au festival d’Aix. La direction très habitée, la distribution sans fausse note en faisaient un spectacle musicalement fascinant qui démontre une fois de plus combien l’opéra baroque peut nous sembler moderne. Les racines ovidiennes du livret n’y sont pas pour rien, non plus que le mélange d’humour et de sublime et l’efficacité dramatique des airs (splendides Paul-Antoine Bénos-Djian en Endimione désespéré et Anna Bonitatibus dans la lamentation de Giunone).

Qu’espères-tu apporter à la rédaction de Forum Opéra en tant que nouvelle plume ?

Les rédacteurs ont déjà tous des profils très divers et complémentaires, mais si je devais me donner un objectif, ce serait de m’intéresser autant que possible à la création sous toutes ses formes. Il y a bien sûr les nouveaux opéras, mais les commandes sont rares. Je pense aussi aux spectacles qui sont créés hors des sentiers battus, aux propositions qui, souvent en raison de contraintes matérielles, font naître des formes hybrides, ni opéra, ni récital, ni pièce de théâtre et un peu tout ça à la fois. Et puis j’aimerais continuer à interviewer de jeunes artistes, comme je l’avais fait pour Camille Delaforge. Je les trouve souvent très inspirants, avec une vraie envie de faire vivre l’art lyrique par des moyens nouveaux et de transmettre leur passion.

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