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Cinq questions à Gaspard Brécourt

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Interview
11 août 2014

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Après Madama Butterfly en 2012, Gaspard Brécourt dirige cette année au festival lyrique de Saint-Céré Lucia di Lammermoor mise en scène par Olivier Desbordes.


Etre un jeune chef d’orchestre français en France, est-ce aujourd’hui une gageure ?

Sans fatalité, exercer de nos jours en France son métier de jeune chef d’orchestre n’est pas sans obstacle. Peut être qu’inconsciemment, et c’est tout à fait compréhensible, nos institutions lyriques et symphoniques hésitent à tendre la première main à de jeunes chefs français moins expérimentés que leurs aînés. Cette difficulté rencontrée par cette génération de jeunes chefs semble moins visible dans des pays comme l’Allemagne (beaucoup plus d’institutions lyriques) ou l’Angleterre. Aujourd’hui, la nouvelle génération montante dans laquelle je m’inscris se présente pour inverser la tendance et diriger en France. J’ai la chance pour ma part d’avoir rencontré Olivier Desbordes, directeur du festival lyrique de Saint-Céré, qui n’a pas hésité à me donner sa confiance pour diriger des œuvres majeures comme Madama Butterfly, Lucia di Lammermoor ou la création française de Lost in the Stars (K. Weill). Le défi à relever, si défi il y a, sera de suivre le bel exemple des jeunes chanteurs français de plus en plus reconnus sur la scène nationale et internationale.

Que vous a appris votre grand-père, le chef d’orchestre Jean Fournet ?

Il joua le rôle du passeur et du transmetteur des œuvres majeures du  répertoire lyrique français (Faust, Carmen, Werther, Pelléas…). J’ai eu la chance à maintes reprises lors de séances de travail au piano de recevoir ses conseils précieux sur ce qu’il fallait faire et ne surtout pas faire dans le si difficile répertoire français. Finalement je n’ai jamais pris à proprement parler des cours de direction d’orchestre avec lui : ayant eu la chance de rencontrer maestro Marek Janowski, j’ai trouvé plus judicieux de travailler avec lui.

Avec Lucia di Lammermoor, vous abordez pour la première fois le répertoire du bel canto romantique. Quelles sont en matière de direction d’orchestre les spécificités du genre ?

A la première lecture de Lucia di Lammermoor, je me suis très vite rendu compte du génie d’orchestration de Donizetti. Là où Mozart excellait comme orchestrateur, Donizetti parvient, en tout cas dans cette œuvre, à atteindre une perfection jouissive et largement digne de son illustre aîné. Cet opéra allie dans la gestuelle, concision de l’attaque pour toutes les familles d’instrument et moments de fulgurance romantique. Alternent sans paradoxe, précision de la ponctuation orchestrale et envolées lyriques de la partition dont Verdi et Wagner, notamment, s’inspireront dans leur prolongement du romantisme. L’orchestre suggère et ne s’impose jamais : il enveloppe, caresse et protège les chanteurs laissant un espace de liberté nécessaire à la souplesse imposée par le « bel canto » donizettien. Toute la subtilité de la partition surgit à chaque représentation : nous arrivons avec l’orchestre (dont je tiens à saluer le travail et le talent) à trouver une ambiance et des couleurs toujours plus nouvelles.

Comment s’est déroulée la collaboration avec Olivier Desbordes, metteur en scène de cette Lucia et directeur du festival de Saint-Céré ?

Un mot me vient à l’esprit à propos d’Olivier Desbordes : « fulgurance ». Homme d’intuition, il organise son travail de manière à mettre parfois le chanteur-acteur dans un inconfort, le bousculant dans la chronologie de l’œuvre et dans le travail de répétition pour laisser émerger des émotions inattendues et créer la surprise pour les chanteurs eux-mêmes. L’idée d’un jour ne sera pas nécessairement celle du lendemain ; elle participe à la construction du personnage. Par exemple, il fut décidé au début des répétitions de ne travailler l’air de la folie qu’en dernier : l’interprétation de Burcu Uyar (Lucia) n’en fut que plus riche. On a coutume de parler de l’air de la folie : mais est-ce que Lucia est réellement folle ? Je ne le pense pas, et c’est ce qu’Olivier a cherché à montrer. Telle une victime expiatoire,  Lucia est sacrifiée sur l’autel des intérêts égoïstes des hommes. Ce n’est pas la folie qui la tue, c’est la recherche frénétique masculine du pouvoir face à laquelle elle est impuissante. Sujet inépuisable et éternel.

Quel enregistrement de Lucia recommandez-vous à nos lecteurs ?

Fan inconditionnel de Joan Sutherland, mon choix s’orienterait en premier sur l’enregistrement fait avec Pavarotti sous la direction de Richard Bonynge (1961). L’intelligence vocale et musicale offre la parfaite illustration de ce qu’est pour moi le bel canto. Je n’oublie pas également la version DVD de Nathalie Dessay au Met (2007) où cette dernière, sublime, transcende Lucia à la « voce celeste», la guidant vers des sommets de musicalité et de théâtralité.

Propos recueillis le 10 août 2014

Festival lyrique de Saint-Céré, du 28 juillet au 16 août 2014
Lucia di Lammermoor, 12 et 14 août, et aussi Cabaret, Le Voyage dans la lune,… (plus d’informations)
 
 

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