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Décès de Luigi Alva (10 avril 1927-15 mai 2025)

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Brève
16 mai 2025
L’élégance en héritage

Infos sur l’œuvre

Détails

Luigi Alva s’est éteint à l’âge de 98 ans, emportant avec lui une certaine idée du chant mozartien et rossinien. Il incarnait, sans ostentation, une tradition belcantiste qui savait se faire transparence plutôt que démonstration.
Né à Lima en 1927, formé au Pérou puis en Italie après la guerre, Luigi Alva s’engage en 1944 dans la Marine avant de se consacrer au chant quelques années plus tard, faisant ses débuts scéniques dans son pays en 1949 dans la zarzuela Luisa Fernanda.
Il reste l’un des rares chanteurs sud-américains à s’être imposé durablement sur les scènes européennes, notamment à la Scala de Milan, où il débute en 1956 dans Le Barbier de Séville. Il y sera réinvité jusqu’en 1982 – y chantant son répertoire de prédilection mais offrant également au public scaligère quelques premières italiennes, comme celles de La Petite Renarde rusée de Janacek et de Maria Golovin de Menotti (1958), ainsi que plusieurs créations mondiales : La donna è mobile de Malipiero, Una domanda di matrimonio de Luciano Chailly ou encore La scuola delle mogli de Virgilio Mortari.
À la différence de bien des ténors en quête de puissance, Luigi Alva n’a jamais cherché à élargir sa voix ni à forcer sa nature – même s’il s’essaya (en italien) au Bacchus d’Ariane à Naxos de Strauss. Il sut, au contraire, préserver l’éclat d’un timbre clair, souple, d’une projection sans dureté, et d’un art du chant qui privilégiait l’intention et la diction.
À la Scala, à Glyndebourne, à Vienne, à Aix-en-Provence, il fut pendant plus de deux décennies l’un des ténors légers les plus recherchés, interprète de prédilection des Mozart italiens – Ferrando (Così fan tutte), Don Ottavio (Don Giovanni), Tamino (La Flûte enchantée) – et des premiers rôles rossiniens, mais aussi de compositeurs alors en redécouverte : Cimarosa, Paisiello, Pergolesi. Il participa à cet élan musicologique avec une conviction rare, toujours soucieux de servir la musique plutôt que sa propre gloire.
Sa discographie est un juste miroir de sa carrière. Sous la direction de Karajan, Giulini, Böhm, Solti ou Vittorio Gui, il laisse des témoignages devenus des références : Falstaff avec Schwarzkopf et Gobbi (Karajan, 1956) ; Il matrimonio segreto (Sanzogno, 1957) ; Le Barbier de Séville à plusieurs reprises, avec Maria Callas et Tito Gobbi tout d’abord (Galliera, 1957), mais aussi avec Teresa Berganza et Hermann Prey (Abbado, 1972) – sans compter une version abrégée avec Victoria de Los Angeles et Sesto Bruscantini (Gui, 1963) ; Don Giovanni (Giulini, 1959, suivi de celui dirigé par Barenboim en 1973) ; Alcina avec Sutherland et Berganza (Bonynge, 1962) ; L’Italienne à Alger (Varviso, 1964) ; La Cenerentola (Abbado, 1971) ; le monumental Così fan tutte de Klemperer (1972), où il campe le plus sensible des Ferrando… On le trouve même dans le rare Re pastore de Mozart aux côtés de Lucia Popp (Vaughan, 1967), ou encore dans l’entreprise Haydn de Dorati (La fedeltà premiata, 1976 ; L’isola disabitata et Il mondo della luna 1978)… Son Nemorino dans L’elisir d’amore reste l’un des plus touchants jamais gravés (Serafin, 1959). On peut aussi goûter la finesse de ce chant sans affect dans ses récitals – notamment le disque d’airs de Tosti (1963) ou encore le florilège d’airs espagnols et sud-américains (1964).
Luigi Alva ne s’est jamais égaré dans des rôles qui ne lui convenaient pas, refusant les tentations véristes, explorant avec parcimonie le répertoire romantique et gardant ses distances avec l’opéra français. Ce refus de la dispersion explique aussi une longévité vocale exceptionnelle : il chanta jusqu’à la fin des années 1980, sans jamais trahir ses moyens.
Après s’être retiré de la scène, il se consacra à l’enseignement au Pérou, fondant l’Association Prolírica à Lima, où il transmit avec générosité les leçons de cet art du chant, où la virtuosité se met au service du mot.

Avec Luigi Alva, c’est une forme de noblesse vocale qui s’éteint, discrètement, à son image.

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