La metteure en scène britannique Katie Mitchell, figure emblématique de l’opéra contemporain, a annoncé qu’elle mettait un terme à sa carrière dans le milieu lyrique. Motif invoqué : la misogynie systémique qui, selon elle, gangrène le genre depuis des décennies. Une déclaration choc, à l’aune de près de trente années de créations marquantes.
Après des études de littérature à l’Université d’Oxford, Katie Mitchell a travaillé comme assistante à la mise en scène pour divers théâtres avant de fonder sa propre compagnie, Classics on a Shoestring (London Fringe Festival). Ses débuts à l’opéra datent de 1996. Elle a ensuite signé plusieurs productions audacieuses, notamment Written on Skin de George Benjamin en 2012 à Aix-en-Provence — considéré comme un jalon de la création lyrique moderne. Son travail se caractérise par une approche féministe et iconoclaste des œuvres, où les héroïnes traditionnelles sont transformées en figures de pouvoir, et les stéréotypes bousculés.
Dans une interview accordée au Times, Katie Mitchel précise que sa décision n’est pas uniquement motivée par le contenu des œuvres, souvent chargé en violence symbolique à l’égard des femmes. Elle invoque aussi son expérience personnelle où « jamais un processus de travail n’a été exempt de sexisme ». Elle rapporte des remarques quotidiennes (telles que « Are you a happy girl now? ») jusqu’à des actes de violence symbolique voire physique : « un jour, on a même lancé des meubles sur moi ». Elle précise que cette décision ne vise pas un seul théâtre ou un seul pays, mais « un problème généralisé dans tout le secteur opéra en Europe et au Royaume-Uni ». Pour elle, la distance entre ses choix de mise en scène féministes et l’expérience quotidienne du sexisme est devenue insurmontable.
Le dernier projet lyrique de Katie Mitchell sera L’Affaire Makropoulos au Royal Opera House de Londres, en novembre. Elle se prépare ensuite à se consacrer au théâtre, au cinéma, à l’écriture et à l’enseignement – et avoue vouloir « prendre du temps pour jardiner, nager, vivre ».
L’annonce de son retrait relance le débat : dénonciation « woke »* ou symptôme d’un sexisme structurel exigeant une refonte des pratiques, voire du genre opéra ?
* Lire à ce propos notre dossier sur l’opéra et la Cancel culture.