C’est en janvier 1891 que Charles Gounod compose son bref oratorio Saint François d’Assise, créé par la Société du Conservatoire en mars. Il en offre le manuscrit à son ami le peintre Carolus-Duran, auteur d’un portrait célèbre du compositeur. Un siècle plus tard, la partition, que l’on croyait perdue, est exhumée des archives des archives des Soeurs de la Charité de Saint Louis, grâce au zèle de Soeur Nicole Jégo, supérieure provinciale de la congrégation. L’oeuvre est créée en 1996 au Festival d’Auvers-sur-Oise, dirigé par Pascal Escande puis redonnée en 2016, dans le cadre des fêtes du jubilé du diocèse de Pontoise, et enregistré à la Philharmonie de Paris pour le présent CD.
A l’époque de la composition, Charles Gounod a abandonné le théâtre lyrique : son dernier ouvrage, Le Tribut de Zamora, remonte à 1881. La musique est d’une grande sobriété. Comme pour les ouvrages tardifs de Massenet, on se pose légitimement la question de savoir si cette simplicité est voulue ou subie : s’agit-il d’un défaut d’inspiration mélodique (Gounod a désormais 71 ans) ou d’un refus de la facilité ? Un peu des deux, sans doute. Reste que l’ouvrage ne laisse pas une grande impression, faisant souvent penser à des pages de Roméo et Juliette, mais qu’on aurait jugé trop peu brillantes pour être retenues.
Musicalement, la partition est superbement défendue. Stanislas de Barbeyrac est incroyable de style, une absolue démonstration de beau chant, maniant les registres mixte et de poitrine avec une facilité déconcertante et toujours à propos. Il est dommage que la prise de son ne rende pas justice à la beauté de sa voix et à sa diction, d’ordinaire toujours compréhensible. Le rôle de Florian Sempey est hélas trop court : pourtant, c’est celui de Dieu. Là encore le chant est superbe de musicalité, et là encore la prise de son ne le flatte pas. Comme lors du concert, on n’entend pas clairement ses premières répliques. Le chœur accentus est souvent un peu brouillon dans ses attaques. La direction de Laurence Equilbey est un délicat équilibre, évitant les pièges du sirop saint-sulpicien, l’orchestre est de grande qualité. Mais là encore, nous devons nous étonner de la qualité de la prise de son : respirations bruyantes, bruits de pieds…
Composé entre 1865 et 1878 (ce qui est bien long pour quatre minutes), l’Hymne à Sainte Cécile est une délicieuse page pour violon, dans le style de la Méditation de Thaïs, et tout aussi exigeante pour le soliste qui l’exécute : quoique tout à fait acceptable, le résultat n’est pas à la hauteur de la perfection que l’on pourrait attendre d’une pièce de cette élévation.
Ce court CD (moins de 40 minutes) est complété par la Légende de Sainte Cécile, de Franz Liszt (son poème symphonique Du berceau jusqu’à la tombe, donné au concert mentionné ci-dessus, n’a pas été retenu : ce n’est pourtant pas la place qui manquait). Sur un texte français de Delphine de Girardin, l’ouvrage n’est pas particulièrement séduisant. A l’époque de l’enregistrement, la voix de Karine Deshayes était en pleine évolution entre son registre initial de mezzo et celui de soprano qu’elle cultive plutôt aujourd’hui. Dans ce rôle un peu trop grave pour elle, la chanteuse française déploie tout un art du chant, mais la voix n’est pas suffisamment libérée et la diction pas assez claire. On remerciera le Palazzeto Bru Zane pour cette résurrection, mais elle s’adresse davantage aux curieux, fans ou autres experts qu’au grand public.