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14 octobre 1924 : un opéra de poche de Schoenberg

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14 octobre 2024

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Juste après avoir terminé son opéra Erwartung en 1909, Arnold Schoenberg se lance dans une autre œuvre lyrique, dont il écrit le livret en dix mois. Il publie le texte en 1911 mais n’achève la partition que deux ans plus tard, sous le nom de Die Glücklische hand (La Main heureuse). C’est beaucoup de temps pour moins de 20 minutes de musique ! Il faudra encore plus de 11 ans pour que l’oeuvre soit créée, voici donc 100 ans aujourd’hui, au Volksoper de Vienne.

Les observateurs relèvent qu’il s’agit d’une partition très expressionniste, dans la veine des pièces de Strindberg, dont Schoenberg adopte peu ou prou le rythme et la structure. Mais la narration, elle, est des plus absconse : à l’avant-scène, un homme est allongé face contre terre. Sur son dos est accroupi un animal semblable à un chat, qui semble avoir enfoncé ses dents dans son cou. Par de petites ouvertures dans le rideau, derrière lui, six hommes et six femmes parlent très bas. Poussé par ses rêves inassouvis et ses espoirs de bonheur, l’homme tente de faire face à la réalité. Les voix le mettent en garde : « Toi qui as le divin en toi et qui convoites le terrestre, tu ne peux pas gagner. Tu ne peux pas gagner. ». Ça promet…

L’homme rencontre une belle jeune femme, qui lui offre un gobelet. Pendant qu’il boit, la femme l’observe avec un certain dédain avant de partir au bras d’un autre, puis de revenir, sans que l’homme fasse vraiment attention à elle.

Dans la scène suivante, l’homme sort d’un ravin au fond duquel on aperçoit deux grottes. Dans l’une d’elles, des hommes travaillent. Il s’approche d’une enclume, y dépose un morceau d’or. Il fend l’enclume d’un coup de marteau. Lorsqu’il retire le morceau d’or de la fente dans laquelle il est tombé, il est devenu un beau et très luxueux diadème. « C’est ainsi que l’on fabrique des bijoux », dit-il aux ouvriers qui commencent à le menacer. L’atelier disparaît, et dans la seconde grotte, la jeune femme apparaît, à moitié nue. L’homme lui jette le vêtement manquant et tente de la rejoindre. Alors qu’il s’approche d’elle sur un rocher, il se transforme en un monstrueux masque ricanant. La femme pousse le rocher, celui-ci bascule et s’abat sur l’homme, se transformant en animal, celui qui, au début semble avoir enfoncé ses dents dans le cou. Comme au début, les voix chuchotent à l’homme à terre : « Fallait-il que tu revives ce que tu as si souvent vécu ? Et tu cherches encore ! – Et tu te tourmentes, et tu n’as pas de repos ». La boucle du cauchemar est bouclée.

Nous sommes donc plutôt dans un rêve, qui cherche à tisser un lien entre la métaphysique de l’art du XIXe siècle et les idées de l’avant-garde moderne. D’une part, on y trouve l’idée romantique de l’artiste, contraint de réfléchir à son ego, de renoncer à l’amour et à la société au profit de son art. Il ne trouve de réconfort dans ce qu’il crée que grâce à son expérience avec la main bénie,  D’autre part, le compositeur reprend la technique de la voix parlée utilisée dans « Pierrot lunaire » et recourt aux couleurs, à l’instar d’un Scriabine : « Un événement spirituel dans l’intrigue ne s’exprime pas seulement par des gestes, des mouvements et de la musique, mais aussi par des “couleurs et de la lumière”, avec lesquelles “on fait de la musique » dira-t-il quelques années après la création de cet opéra de poche très symbolique, qui n’est certes pas l’œuvre la plus accessible de son auteur et dont voici un extrait d’une production à l’opéra d’Amsterdam en 2005.

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