Suivant le récital promotionnel déjà chroniqué dans ces colonnes, voici donc le disque Lettere d’amore. Posant en robe blanche sur une pochette fort charmante, Magdalena Kozena s’essaie au baroque du premier XVIIème siècle en tentant une approche qui rappelle celle d’Emmanuelle Haïm ou de Christina Pluhar. Avec Private Musicke sous la direction de Pierre Pitzl, on retrouve donc une orchestration où prédominent les cordes pincées et les percussions. Le tout se voulant avant tout libre. Ainsi, si le livret rappelle d’abord, caricaturalement et de manière maladroite, que « ce répertoire repose sur le principe que tout le monde est libre de faire ses propres arrangements », on tique franchement sur l’étiquette « simplicité » que la chanteuse colle au programme. « C’est simplement la musique que tout le monde entendait et chantait », nous dit-elle. Ô, époque bénie, Mademoiselle Kozena, où une musique aussi riche était accessible à tous, et appréciée de chacun, époque où la question de l’accès du plus grand nombre à la culture ne se posait manifestement même pas tant le vulgum pecus sifflait du soir au matin les plus grands tubes de Monterverdi ! On la regretterait infiniment si elle avait jamais existé. « Pour une cantatrice généralement immergée dans Mozart et Strauss, comme l’est Kozena, ce projet ressemble à des vacances », nous dit-on encore. On laissera l’appréciation d’une telle énormité au lecteur. Mais assez lu, écoutons : que font la soprano et ses musiciens des simples et faciles Monteverdi, Caccini, Strozzi et des autres ?
Hélas, bien peu, et le récital est à la hauteur du livret. Sur un accompagnement plaisant quoique désormais attendu et sans intérêt particulier, Magdalena Kozena pose son fabuleux instrument, mais dont les accents, hélas, sont bien éloignés de la poésie sanguine et racée des brillantes cours italiennes et espagnoles. Et cela ne marche pas du tout : comme l’huile et l’eau, les deux se repoussent. Qu’on soit bien clair : il n’est pas question de réserver ces oeuvres à d’hypothétiques « voix baroques ». Villazón avait su trouver dans le même répertoire, avec Emmanuelle Haïm, un sublime, une vérité bouleversante, qui surpassent à notre sens bien d’autres approches plus philologiques. Mais Kozena n’est ni inspirée, ni inspirante. On n’entend là qu’une pâle tentative d’imitation de ce que l’Arpeggiata entre autres – que l’on aime ou non – recherche, et trouve, avec tant de brio. Et commencer « Sì dolce è ‘l tormento » a cappella n’y change rien, ce récital nous laisse sur terre, et confirme que la bêtise du livret décrit bel et bien l’approche choisie : Magdalena est en vacances. Bien, nous la laisserons se reposer (il est à noter que le présent opus est couronné d’un Diapason d’or…).