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Samuel Ramey, American Bass

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Livre
6 février 2011
Supersam !

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3

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Détails

Jane Scovell

Samuel Ramey, American Bass

360 pages + 1 CD
Baskerville Publishers, Inc.; Great Voices Series 11 (31 mai 2010), en anglais
39,95 $ – ISBN: 1880909766

Pour Jane Scovell, Samuel Ramey n’est rien moins que le Clark Kent de l’opéra : discret, modeste, timide dans la vraie vie (« les 75000 mots de cet ouvrage représentent peut être davantage que tous ceux que Samuel a prononcés pendant sa vie », sic), il se mue sur scène en superhéros, capable de redonner leurs lettres de noblesses à certaines pages massacrées par les basses, même les plus grandes, depuis des décennies… Pour preuve, le « Sibilar gi angui d’Aletto » de Rinaldo qui ouvre le CD accompagnant le livre ou la grande scène d’Assur dans Semiramide. Avant lui, qui ?

Si la carrière de Samuel Ramey, génération 1942, est bien connue en Europe où il a acquis son statut de star du chant mondial dans les années 1980, cette première biographie, dans la collection « Great voices » de l’éditeur américain Baskerville1, vient apporter un éclairage complet sur un artiste qui aura marqué l’histoire du chant. Par un mélange habile de témoignages des collègues les plus proches de Ramey et d’interviews de la basse elle-même, Scovell parvient en moins de 300 pages à dresser un portrait extrêmement riche, à la fois sur un plan personnel et professionnel.

On y suit les débuts de Samuel Ramey, plutôt laborieux, et les dates clefs qui ont déterminé la suite. L’arrivée à New-York, à l’été 1969, à l’âge de 27 ans, avec 50 dollars en poche et sans aucune perspective en est une. La rencontre avec Armen Boyajian, qui fut le maître d’une autre grande basse, Paul Plishka, en est une autre et leur relation durera trente ans. Ramey raconte la première année, plutôt ingrate, passée à ne réaliser que des exercices vocaux, sans un seul air… ce qui démontre tout à la fois sa souplesse face à une telle remise en cause de ce qu’il avait fait avant, la confiance qu’il portait à son professeur et sa détermination à réussir. Et c’est Boyajian qui programme pour la première fois de manière sérieuse Ramey sur une scène, celle qu’il avait fondée à Paterson New Jersey, en Mephisto de Faust, pour remplacer Paul Plishka, le 17 avril 19712. Après un triomphe, d’autres rôles suivront dans ces années de formation.

La seconde rencontre clef est celle avec le chef Julius Rudel, directeur artistique puis directeur général du New York City Opera pendant plus de deux décennies, qui le recrute pour Zuniga, dans Carmen, le 11 mars 1973 : « c’était comme si Escamillo n’existait pas et l’opéra aurait dû s’appeler Zuniga » (p.71). Suivront de très nombreux engagements (sa dernière apparition sur cette scène date de 1986), une entrée dans les équipes des agents Matthew Epstein et Edgar Vincent… Avec Beverly Sills, star du NYCO avant d’en devenir la directrice générale, la relation devient aussi très spéciale et Jane Scovell en donne de nombreuses illustrations. Pendant ces années new-yorkaises, Ramey et l’opéra de l’autre côté de la place, le Met, se regarderont en chiens de faïence. Le pari de Sam Ramey était osé : refuser les petits rôles qu’on lui proposait au Met pour revenir, plus tard, pour les premiers.

La fin des années 1970 et le début des années 1980 sont celles de la reconnaissance, notamment européenne et l’ouvrage apporte un éclairage passionnant sur ce que l’on a appelé la « Rossini renaissance » et sur la part que Ramey y a pris, au moment où Philipp Gossett, Alberto Zedda et quelques autres créaient les conditions favorables. A Pesaro, après ses débuts en Mustafa de L’italiana in Algeri, en 1981, Ramey reviendra tous les étés, jusqu’en 1986 avec un Maometto II historique. Pour la première fois, une basse vocalisait, ornementait, ajoutait des aigus, jusqu’au sol. Explication de Philipp Gossett (p. 130) : « sa technique était comparable à celle que les chanteuses avaient dans une certaine mesure conservée ; mais pendant des années, les compositeurs comme Verdi, Puccini ou Wagner n’ont pas demandé à leurs interprètes de la musique particulièrement fleurie. Donc, ils ne s’exerçaient pas dans ce sens et la technique s’est perdue. Avec Sam, une basse rossinienne est apparue ». Marilyn Horne (« Jackie » pour Ramey), à qui l’on doit tout en la matière, selon Gossett, l’a vite compris. La Semiramide d’Aix-en-Provence, à l’été 1980, marque une étape déterminante dans la carrière de la basse.

La Scala suivra… et, finalement, le Met, le 19 janvier 1984 en Argante de Rinaldo, aux côtés de Jackie. Le management du Met ne voulait manifestement pas d’une autre basse alors que Plishka, Morris, Ghiaurov, Raimondi, voire Van Dam, étaient régulièrement programmés. Marilyn Horne l’imposa, non sans mal. 25 ans, 29 rôles et 291 représentations plus tard, le Manager General du Met, Peter Gelb a rendu hommage à Ramey, à l’entracte d’un Don Giovanni dans lequel il interprétait Leporello, le 24 avril 2009. Les rebuffades et autres discourtoisies des premières années que Ramey raconte sont oubliées.

Le portrait de l’artiste et de la personne, excellent collègue (rassurant en particulier Montserrat Caballe, morte de trac en coulisses), est flatteur. Une galerie de portraits des rôles qu’il a marqués de son empreinte (en particulier la série de diables, celui de Boito et de Gounod surtout, mais aussi de Berlioz et d’Offenbach) conclut le texte, sous la plume de Ramey lui-même tandis qu’une quarantaine de pages de photos illustrent bien l’ensemble. Une discographie très riche, allant jusqu’à Broadway, et une chronologie forment, avec l’index, un outil de travail précieux, entaché, et c’est dommage, de quelques coquilles. On aurait aussi apprécié que le CD fasse mention des sources.

Pour tous ceux qui ont vécu l’opéra des années 1980, Samuel Ramey restera à jamais dans les mémoires. Les Européens, et en particulier les Parisiens, ont eu la chance de l’accueillir sur leurs scènes et on se rappelle notamment son Bertram de Robert le Diable à Garnier en 1985, ses débuts en Zaccaria de Nabucco à Bastille dix ans plus tard, son Filippo II et son Attila (hélas pas son Méphisto de Boito…). Avec les autres grands chanteurs américains de l’époque, Horne bien sûr, mais aussi Rockwell Blake, Lella Cuberli, Frederica Von Stade (appelée Flicka par Ramey !) ou June Anderson, Ramey aura marqué l’époque. Cet ouvrage permet d’en rappeler les étapes, sans jamais lasser le lecteur, et de découvrir beaucoup plus en profondeur l’artiste. Well done !
 
Jean-Philippe Thiellay

1 On y trouve de récentes biographies de Mario Lanza, Franco Corelli, Marilyn Horne, Rise Stevens et Renata Tebaldi, entre autres.
2 L’anecdote est savoureuse : à cause des règles strictes imposées par l’American Guild of Musical Artists (AGMA), dont il était membre, Ramey n’avait pas le droit de chanter à Paterson. Sur le programme de ce Faust, Mephisto est chanté par un certain…Samson Rameaux !

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