Dans le quotidien Le Monde, récemment, on a pu lire un mince article de Renaud Machart sur le népotisme à l’opéra. Alléchée par le titre, je m’attendais à découvrir des choses fracassantes, comme un lien de parenté secret entre Gérard Mortier et Christine Albanel ou encore que l’attachée de presse de l’opéra de Massy n’est en fait que la belle cousine du sous-préfet de La Somme et qu’elle ne doit sa nomination qu’à son gigot dominical. Las, dans son article, Machart se borne à nous expliquer que si Roberto Alagna n’était pas une star, ses frères auraient du mal à se faire embaucher chez Universal. Il ajoute que si Erwin Schrott n’était pas le mari d’Anna Netrebko, il n’aurait pas eu son contrat d’exclusivité chez Decca. Oui, bon, peut-être. Bien vu Renaud.
Et c’est vrai, il faut bien le reconnaitre, on n’aborde pas ce disque sans quelque à priori. L’œil torve du chanteur, ses lèvres boudeuses et sur ses joues, l’épaisse couche de crème auto-bronzante dont une récente étude londonienne démontre qu’elle donne le cancer aux souris imberbes, tout cela est un peu horripilant. La coiffure n’est pas en reste, insolente, waxée, prête à aller faire un tour aux Bains. Il est loin le temps où José Van Dam exhibait ses vilaines laines sur les covers de ses disques, aujourd’hui, clairement, faut passer chez le coiffeur et le dentiste avant de se faire tirer le portrait.
Cela étant, dès que le monsieur se met à chanter, on est tenté de ravaler nos sarcasmes. Quel timbre magnifique ! C’est là, avec fulgurance, qu’on se souvient qu’Erwin Schrott n’a pas attendu son mariage pour démarrer sa carrière et qu’être beau n’est après tout pas le pire crime de tous les temps.
L’air du catalogue expose, donc, un timbre de baryton-basse d’une belle noblesse, légèrement trop « grand seigneur » pour le valet de pied de Don Giovanni, plutôt buttler britannique que larron pouilleux. Drôle d’idée, en revanche, de chanter « Elle ne m’aime pas » dans un français peu compréhensible alors que la version italienne était à portée de main. Les airs de Don Giovanni et des Nozze sont très agréables, comme l’est celui de Macbeth, un peu clair de timbre, peut-être. Les airs de Berlioz et de Gounod sont bien chantés mais, encore une fois, le français de notre ami Erwin n’est pas des plus idiomatiques. Reste que tout cela se termine sur un « vecchia zimmara » sublime de grandeur contenue, uniquement disponible pour ceux qui téléchargeront l’album.
Hélène Mante