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VIVALDI, Tamerlano — Ravenne

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Spectacle
18 janvier 2023
Les dures exigences d’un pasticcio

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Il Tamerlano, ovvero la morte di Bajazet (RV703)

Tragédie en musique en 3 actes d’Antonio Vivaldi, sur un livret d’Agostino Piovene

Créé au Teatro Filarmonico de Vérone durant le Carnaval de 1735

Détails

Mise en scène, décors et costumes
Stefano Monti

Chorégraphie
Marisa Ragazzo et Omid Ighani

Lumières
Eva Bruno

Vidéos
Cristina Ducci

Tamerlano
Filippo Mineccia

Bajazet
Bruno Taddia (14) / Gianluca Margheri (15)

Asteria
Delphine Galou

Andronico
Federico Fiorio

Irene
Marie Lys

Idaspe
Giuseppina Bridelli

DaCru Dance Company

Accademia Bizantina

Direction musicale

Ottavio Dantone

Teatro Aligheri, Ravenne, samedi 14 (20h30) et dimanche 15 janvier 2023 (15h30)

Deux ans après avoir été enregistré pour la collection Naïve, ce Tamerlano (ou Bajazet) de Vivaldi trouve la voie de la scène à Ravenne, avant une tournée à Modène et Piacenza. C’est grâce à un enregistrement célèbre en 2005 que ce pasticcio original fut révélé : en effet, Vivaldi ne s’est pas contenté de glaner des airs populaires et de les répartir au simple gré des capacités de chacun de ses interprètes, il a non seulement intégralement écrits les récitatifs, mais il a aussi clairement caractérisé les deux camps musicalement : aux Tatars et leurs alliés les airs napolitains (Giacomelli, Hasse, Broschi), aux Ottomans les airs vénitiens (de la main du prêtre roux lui-même). C’est donc à une guère des styles que l’on assiste, avec les meilleurs armes que l’on pouvait entendre au moment de la création en Italie. Seuls quatre airs étaient perdus, Ottavio Dantone a fait un choix légèrement différent de celui de Fabio Biondi en 2005 : avec bonheur pour le « Son tortorella » mélancolique d’Irene (seule exception à la répartition de style évoquée plus haut), nous sommes plus réservés sur le « Qual furore, qual affano » adapté du « Nel profondo » d’Orlando Furioso un peu trop éclatant pour la sombre Asteria.

 

Rendre justice à ce tour d’horizon exige de disposer d’une troupe à la hauteur des créateurs de chacun des airs repris (dont un écrit pour rien moins que Farinelli !), tout en assurant la lisibilité d’un livret relativement simple et bien construit. Sur le second plan c’est un échec : Stefano Monti cherche l’inspiration et ce faisant, meuble avec des effets peu convaincants. A commencer par les vidéos de Cristina Ducci, certes esthétiques, mais difficilement associable à l’action (une nuée d’oiseaux, un cheval en vannerie, une cascade de crânes, une rose au centre de laquelle trône un œil, à moins que ce ne soit un téton…), c’est le fait d’une intelligence bien artificielle. Une simple illustration des comparaisons évoquées dans beaucoup d’arias aurait été plus heureuse. Les danseurs ensuite sont gênants à deux titres : ils doublent en permanence l’action de façon plus ou moins rigoureuse et créent ainsi une distraction d’autant plus dommageable que les chorégraphies de Marisa Ragazzo et Omid Ighani en forme de break-dance permanent se calent aussi mal sur les airs mélodiques que sur ceux aux rythmes saccadés… à une fréquence très différente. Et ce n’est pas la petite farandole façon Pina Bausch ou les jeux de balançoires qui changent la donne. On est donc dérangés par ces pantins désarticulés, lesquels semblent de plus dispenser le metteur en scène de direction d’acteur pendant les airs : les chanteurs font le plus souvent les cent pas de cour à jardin (en passant parfois par la coursive contournant l’orchestre) ou restent statiques à mouliner des bras. L’action en devient difficile à suivre, un comble. Restent un décor très minéral et peu éclairé, habité par un monolithe vertical qui devient un second plateau en lévitation pendant le drame avant de se relever pour le lieto fine, et d’élégants costumes et masques permettant de bien distinguer les personnages (à défaut de leur camp) et de les associer à leur double dansé.

 


©Zani-Casadio

 

Sur le plateau, la fortune est bien meilleure, mais tout de même insuffisante pour rendre justice aux airs les plus virtuoses. Double distribution pour Bajazet : Bruno Taddia le samedi qui fait souvent passer l’expression avant le bel canto, ce qui lui vaut des récitatifs très animés, ainsi que des graves vilainement écrasés et une vocalisation hasardeuse dans les airs ; GianLuca Margheri le dimanche qui fait preuve de moins de hargne sur un chant plus racé et digne et non moins puissant, notre préférence va clairement au second, dommage que le rôle ait perdu un air pour cette production. Drôle d’idée d’avoir confié Andronico et ses airs assez graves à un contre-ténor soprano, pour ne pas dire sopraniste : Federico Fiorio charme néanmoins par le naturel de son émission et l’agilité de ses vocalises (très belles variations dans « Speso tra vaghe rose ») à seulement 25 ans, seuls les suraigus restent acides. Tamerlano jouit par contre des graves bien appuyés de Filippo Mineccia (assez vertigineux dans « In si torbida procella »), de sa virtuosité et de son énergie scénique, dommage que ses aigus forte soient à ce point enflés (on préférerait moins de décibels et plus d’élégance sur les points d’orgue) et que la projection du medium soit souvent négligée. Giuseppina Bridelli campe un Idaspe solide techniquement et suave (très belle semi messa di voce sur l’entrée de « Nasce l’aura ») auquel il manque toutefois des aigus paniques et plus de folie pour rendre justice à l’échevelé « Anch’il mar », dont les variations au da capo cherchent plus à allonger les durées des notes qu’à les « colorier » davantage. Marie Lys assume témérairement le terrible « Qual guerriero », toutes les notes y sont mais l’émission souvent en retrait manque de brillant pour faire parader ces vocalises, la prise de risque est insuffisante et la reprise sera seulement dal segno. Heureusement, la chaleur de son medium et la qualité de sa prononciation assurent de remarquables « Sposa, son disprezzata » et surtout un « Son tortorella » à la fois gracile et affirmé. En Asteria enfin, Delphine Galou nous régale comme toujours de son timbre nébuleux et mat. Elle est formidable dans ses premiers airs, notamment le très touchant « La cervetta timidetta » ou dans les airs syllabiques, signatures de la Girò , comme « Stringe le mie catene », même si l’on aurait aimé un « Svena, uccidi » plus kamikaze et fanatique, et un « Qual furore » plus ample.

 


©Zani-Casadio

 

Soucieux de ne pas bousculer des chanteurs déjà mis au défi par la partition, Ottavio Dantone fouette son Accademia Bizantina dans les ritournelles mais ralentit parfois trop le rythme des airs virtuoses napolitains lorsque le chanteur ou la chanteuse interviennent, et en tout cas réduit fortement l’ambition des reprises da capo. Nous aurions par ailleurs aimé un instrument plus idoine qu’un clavecin français au son métallique pour doubler la basse continue. Néanmoins il faut reconnaître à l’Accademia Bizantina une habileté hors du commun pour allier finesse rythmique et couleurs harmoniques, et c’est le signe d’un grand chef de théâtre que de savoir adapter sa direction aux moyens de ses chanteurs.

 

Un mot enfin pour parler du Teatro Aligheri de Ravenne, dont nous chroniquons rarement les spectacles sur ce site. Construite au milieu du XIXe siècle, la salle à l’italienne est particulièrement élégante avec ses cinq rangées de loges aux rideaux bleus et or. Son acoustique un peu sèche est néanmoins bien adaptée au baroque car assez précise, c’est ici qu’Ottavio Dantone signait des résurrections comme le Giulio Sabino de Sarti dès 1999. Si le théâtre a connu son acmé après la seconde guerre mondiale (accueillant Callas, del Monaco, Tebaldi, Gobbi, Corelli, diStefano, ou Bastianini…), il retrouve de sa superbe à la fin du XXe siècle, notamment grâce à son festival d’été, sa place au sein de l’ATER qui réunit les théâtres d’Emilie-Romagne et des collaborations régulières avec Riccardo Muti. La diffusion en live stream sur internet de la représentation de ce dimanche par les équipes d’opera-streaming (replay gratuit pendant 6 mois) devrait contribuer un peu plus à faire connaître cette destination pour autre chose que son tombeau de Dante et ses (certes superbes) mosaïques byzantines.

 

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Il Tamerlano, ovvero la morte di Bajazet (RV703)

Tragédie en musique en 3 actes d’Antonio Vivaldi, sur un livret d’Agostino Piovene

Créé au Teatro Filarmonico de Vérone durant le Carnaval de 1735

Détails

Mise en scène, décors et costumes
Stefano Monti

Chorégraphie
Marisa Ragazzo et Omid Ighani

Lumières
Eva Bruno

Vidéos
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Filippo Mineccia

Bajazet
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