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Michel Fau : « Je n’ai jamais été à la mode et j’espère ne l’être jamais »

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Interview
12 mai 2025
De retour à Toulouse, Michel Fau propose une nouvelle vision du Vaisseau fantôme. L’occasion d’évoquer son travail de metteur en scène d’opéras

Infos sur l’œuvre

Détails

Vous arrivez à Toulouse quelques jours après l’annonce du décès de Pierre Audi. Vous le connaissiez ?
Nous nous étions croisés et j’ai vu ses spectacles ; ce qui me plaisait c’est qu’ils étaient toujours assez oniriques ; ils n’étaient ni sordides, ni tristes ou réalistes. Il y avait une poésie dans son travail. Pour ce qui est du festival d’Aix, je ne sais pas s’il décidait de tout, je dirais qu’il n’a pas fondamentalement renouvelé l’image du Festival.

Ces épithètes que vous avez utilisés, « onirique », ni « sordide,  triste ou réaliste » cela vous définit assez bien.
Oui, c’est vrai que je n’aime pas le réalisme. Mais il y a peu d’opéras finalement qui demandent ce réalisme, il y a des pièces de théâtre qui l’exigent mais moins les opéras. En revanche l’hyperréalisme pourrait être intéressant ; mais tout dépend des œuvres. Ce qui est embêtant c’est quand on essaie de rabaisser systématiquement et de façon académique une œuvre à un réalisme : dans ce cas on applique une recette. Alors que non, je considère qu’il faut toujours partir des œuvres. Pour les quatre opéras que j’ai montés à Toulouse [Ariadne, Wozzeck, Elektra, Holländer] j’ai fait appel à quatre scénographes différents ; j’ai tellement peur de me répéter que j’essaie toujours de repartir à zéro et de repenser les œuvres. Pour autant j’ai toujours les mêmes fantasmes et les mêmes obsessions ! Par exemple celle de faire appel à des peintres : j’avais fait cela pour Elektra et je vais le refaire pour Holländer. A une certaine époque cela se faisait beaucoup : Picasso, Dali, Hockney etc. D’une façon générale, je n’ai pas de modèle mais le travail de Luca Ronconi, Harry Kupfer ou Klaus Michael Grüber m’inspire.

Est-ce que vous choisissez les opéras ou est-ce qu’on vous les propose ?
On me propose les opéras en général. Les directeurs me connaissent et savent ce qui va m’inspirer. Ici Christophe Ghristi [le directeur artistique du théâtre national du Capitole de Toulouse] par exemple sait que je suis fan de Strauss et Wagner c’est pourquoi il m’a proposé Ariadne, Elektra et Holländer. Il y a des choses que je ne me sens pas capable de monter, mais j’aime bien aller d’un style à l’autre, d’un genre à l’autre. Par exemple je n’avais pas voulu monter Norma parce que j’ai du mal avec le bel canto, mais je commence à m’y mettre alors j’ai un peu regretté d’avoir refusé. J’aime bien Verdi et Puccini mais Rossini, Bellini et Donizetti, j’ai un peu plus de mal à cause des livrets. En revanche les tragédies me parlent davantage ; je viens de découvrir Ermione, voilà quelque chose qui m’intéresse. En fait, j’aime les livrets « profonds ». Par exemple je rêverais de monter Salome. D’une façon générale j’essaie de ne me pas me répéter, de ne jamais faire la même chose, donc je me mets en danger, je prends des risques. Il serait facile de faire un travail bien fait et qui soit toujours le même. J’ai peur de la routine en fait.

Voici donc votre premier Wagner.
Oui et j’en ai toujours rêvé ; jeune j’allais à Bayreuth, j’étais un wagnérien pur et dur. J’ai failli faire un Tristan en Allemagne. C’est bien de commencer avec Le Vaisseau fantôme et je suis très heureux de travailler avec Frank Beerman avec qui j’avais fait Elektra et avec qui je m’entends très bien.

Alors ce Vaisseau fantôme
J’ai voulu travailler avec Antoine Fontaine qui est un peintre spécialiste de la machinerie et des toiles peintes, parce que je voulais partir d’un décor qui est un tableau, qui devient le tableau de Senta – de telle sorte qu’on soit véritablement dans le tableau lui-même – c’est une approche très romantique. L’idée c’est de raconter l’histoire, que les gens qui connaissent l’histoire ne soient pas déçus et que les gens qui ne connaissent pas l’histoire la comprennent. J’avais vraiment envie d’en découdre avec l’imagerie romantique allemande et je voulais que le décor devienne un tableau qui fascine Senta et dans lequel il y a le Hollandais. Je voulais que celui-ci sorte littéralement du tableau, comme dans un film fantastique. Et puis surtout, c’est l’histoire d’une jeune fille qui fantasme sur une image et celle d’un homme qui rêve de rencontrer une femme qu’il n’a jamais vue ! C’est donc quelque chose d’assez métaphysique ! Et en plus ils finissent par se rencontrer vraiment, mais dans la mort, car leur première rencontre ne donne pas grand-chose…. Ils communient par la destruction. Tout cela est dont extrêmement romantique et psychanalytique. Il y a à voir les deux bateaux, les rochers et la mer ; ça commence un peu comme une mise en scène historique (la Norvège du XVIIe) puis ça dérape, et enfin le Hollandais sort du tableau et le tableau se brise. J’aime jouer avec la convention, mais pour la déformer et la sublimer. En fait mon modèle c’est Fellini quand il a fait Casanova ; parce qu’il avait en quelque sorte réinventé un XVIIIe Siècle.

Monter un Ring est un objectif ?
Évidemment. Je trouve que le Ring est comme une série. Quand j’étais jeune et que j’ai découvert le Ring, j’étais totalement envoûté, j’ai dévoré cela. Cela ressemble à certaines séries que regardent les jeunes gens, des séries gothiques…Et d’ailleurs j’ai déjà des idées, si jamais on me disait « Dans deux ans vous montez un Ring »…

Monter des pièces, des opérettes, des opéras, est-ce le même travail ?
Oui parce que, encore une fois, je pars toujours de l’œuvre, je me frotte toujours à l’œuvre. C’est elle qui alimente mon imaginaire. C’est pourquoi je ne pourrai pas un monter un texte ou un opéra que je n’aime pas. Certains sont obligés de le faire pour des raisons alimentaires. Moi j’ai besoin d’admirer le compositeur et le librettiste. J’aimerais bien mettre en scène à l’ONP mais plutôt à Garnier qu’à Bastille qui est trop grand.

Comment vous définiriez-vous en tant que metteur en scène ?
Je n’ai jamais été à la mode et j’espère ne l’être jamais. Je veux être libre, je ne veux pas être enfermé dans un style. Ici à Toulouse, on aime la musique, les chanteurs, les musiciens, le directeur a une grande culture et puis il n’a pas peur de prendre des risques, de monter des opéras moins connus. Et il connaît bien les chanteurs.

Votre panthéon musical ?
Strauss et Wagner. Ariadne est un chef d’œuvre, mais aussi le Chevalier, la Femme sans ombre. Très jeune je n’écoutais que de l’opéra, pas de variété. Mes camarades se moquaient de moi. J’écoutais Faust pendant qu’ils étaient avec ACDC !

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