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EÖTVÖS, Trois soeurs – Salzbourg

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Spectacle
10 août 2025
Des questions essentielles, et bien sûr, pas de réponse !

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Les trois sœurs

Opéra en trois sections (initialement en deux actes), composé par Peter Eötvös en 1996-97, créé à l’Opéra de Lyon le 13 mars 1998,  sur un livret du compositeur et Claus Hans Henneberg d’après la pièce Trois sœurs d’Anton Tchekhov

Détails

Mise en scène
Evgeny Titov

Décors
Rufus Didwiszus

Costumes
Emma Ryott

Lumières
Urs Schönebaum

Régie son
Paul Jeukendrup

Dramaturgie
Christian Arseni

 

Irina
Dennis Orellana

Mascha
Cameron Shahbazi

Olga
Aryeh Nussbaum Cohen

Natascha
Kangmin Justin Kim

Tusenbach
Mikolaj Trabka

Werchinin
Ivan Ludlow

Andrej
Jacques Imbrailo

Kulygin
Andrei Valentiy

Anfisa
Aleksander Teliga

Soljony
Anthony Robin Schneider

Le Docteur
Jörg Schneider

Rodé
Seiyoung Kim

Fedotik
Kristofer Lundin

Petite mère
Eva Christine Just

Protopopow
Henry Diaz

Une jeune fille
Johanna Lehfeldt

 

Klangforum Wien Orchestra

Direction musicale
Maxime Pascal, assisté de Alphonse Cemin

 

Salzbourg, Felsenreitschule, le vendredi 8 août 2025 à 18h30

La création contemporaine, en particulier dans le monde de l’opéra, connait des règles particulières, et rares sont les œuvres issues de ce répertoire qui sont jouées de façon régulière à travers le monde. Les Trois sœurs de Peter Eötvös en est une, jugeons plutôt. Créée à l’opéra de Lyon en 1998, l’œuvre fut présentée ensuite à Düsseldorf et 8 villes des Pays-bas en 1999, puis à Budapest, Hambourg et Fribourg en 2000, Zagreb, Edimbourg et Hambourg encore en 2001, ensuite Paris, Bruxelles, etc… sans qu’il se passe jamais plus de deux ou trois ans avant une reprise ou une nouvelle production.

De tout cela, étonnement, seule la parution de l’enregistrement de la création a fait l’objet d’une recension dans nos colonnes par notre confrère Laurent Bury.

Ce succès incomparable, bien que l’œuvre soit en langue russe ce qui ne facilite pas sa diffusion internationale, on le doit à la force dramatique du livret et la qualité intrinsèque de la partition, qui, en un discours ramassé et intense, aborde énormément de sujets sur la guerre, la destinée humaine, subie ou voulue, ce qu’est une famille, le rapport entre l’individuel et le collectif, le tribut qu’on doit au passé, la confiance en l’avenir etc…

Tous ces thèmes sont bien entendu présents dans la pièce de Tchekov, Eötvös n’a fait qu’en resserrer l’action, mais il l’a assortie d’une musique d’une rare intensité dramatique, divisant son orchestre en deux, une partie dans la fosse et le reste derrière la scène. Pour ses personnages, il a aussi fait des choix radicaux : les trois sœurs sont chantées par trois hommes, de même d’ailleurs que la plupart des rôles féminins de la pièce. Si le thème de la guerre est omniprésent – chez Tchekov il s’agit seulement d’un incendie, – c’est aussi sans doute parce que l’œuvre a été conçue en pleine guerre des Balkans, mais qu’a-t-elle de différent par rapport à la guerre en Ukraine qui nous occupe tant aujourd’hui  ?

Cette question de l’inversion des genres est une de celles qui préoccupe le plus le spectateur bousculé dans ses habitudes. On peut supposer qu’il ne s’agit pas d’un simple caprice du compositeur, mais d’un choix dramaturgique calculé. Il permet de créer un décalage sonore entre ce qu’on voit et ce qu’on entend, de mettre une distance par rapport à l’œuvre de Tchekhov, pour accentuer encore ce sentiment de décalage, les allemands parlent de Verfremdungseffekt brechtien, et de subjectivité. Les voix de contre-ténor accentuent aussi l’impression de fragilité des personnages, et leur donne une dimension hors du temps, comme dans un rêve. 

© Monika Rittershaus

La nouvelle production de Salzbourg dont c’était vendredi soir la première – très attendue – a été confiée au metteur en scène Evgeny Titov, qui dans un décor unique des ruines encore fumantes d’une ville détruite par des bombardements, fait évoluer des personnages en quête de repères, mais surtout en quête d’espoir en un monde meilleur, quête dérisoire, un jour, peut-être… Ces trois sœurs qui pensent trouver leur salut par le mariage, et qu’il n’y aurait de bon parti qu’à Moscou, sont l’incarnation des quêtes impossibles que chacun porte en soi, puis des compromis qu’il faut bien faire pour que quelque chose se passe, plutôt que rien. La mise en scène propose quelques moments très forts, la mort du baron Tuzenbach, le promis d’Irina tué par son rival le capitaine Solyony, la mue complète d’Andrey, le frère désespéré qui sort littéralement – comme un papillon de sa chrysalide – de son costume d’ivrogne obèse pour retrouver l’homme originel et pur qui sommeillait en lui et commencer une nouvelle vie en tirant un trait sur son passé. Chacun gardera le souvenir des personnages hauts en couleurs de la nourrice à grosse poitrine, de la belle-sœur en boubou, du médecin incapable, de la robe vert malachite de Masha, la troisième sœur, et de ses efforts pour échapper au sort commun, qui serait pour les femmes de pleurer, et pour les hommes de boire ou faire la guerre. Et que dire du tableau final, d’une très grande force également, où les trois sœurs sont réunies dans les robes blanches à l’antique qu’elles portaient au début de la pièce, où tout est détruit, brûlé, et leurs espoirs consumés, mais qu’en fait, rien n’est changé !

Sur le plan de l’interprétation, il faut surtout souligner le travail de troupe qui réunit les seize chanteurs de la distribution, formant un corps social complet, un monde en miniature dont curieusement seule l’église parait absente. Vocalement, Dennis Orellana livre une prestation remarquable dans le rôle d’Irina. Sopraniste venu du Honduras, remarqué déjà dans l’univers de l’opéra baroque, il fait preuve d’un sens dramatique aigu, porté par une voix au volume impressionnant pour ce registre, et une pureté de timbre remarquable. Le contre-ténor Cameron Shabazi connait lui aussi un début de carrière impressionnant. Sa prestation en Masha était pleine d’énergie, remarquable de présence scénique et de puissance d’incarnation du personnage.

Aryeh Nussbaum Cohen, contre-ténor américain qu’on avait déjà remarqué dans le très beau rôle d’Ismaël de Fanny et Alexandre de Mikael Karlsson en début de saison à la Monnaie, incarne la sœur ainée, Olga, celle qui a déjà renoncé à tout et voudrait que rien ne change. Autre grand contre-ténor de la distribution, Kangmin Justin Kim, lui aussi venu du monde du baroque, incarne une Natasha haute en couleurs et très convaincante. Le rôle très spectaculaire d’Andrey est dévolu au baryton sud-africain Jacques Imbrailo qui l’incarne avec audace et panache. Sans pouvoir citer tout le monde, on notera encore la prestation du baryton polonais Mikolaj Trabka en Tusenbach, voix très séduisante et riche en couleurs, et celle de Ivan Ludlow en Werchinin, fort impact dramatique également, ou celle d’Andrei Valentiy, impressionnante voix de basse venue de Minsk, qui incarne Kulygin.

Le travail très abouti du jeune chef d’orchestre nantais Maxime Pascal, à la tête du Klangforum Wien, une phalange impressionnante – 18 musiciens dans la fosse mais une cinquantaine derrière la scène – mérite lui aussi bien des éloges ; assisté du pianiste Alphonse Cemin il assure le déroulement sans faille d’une partition difficile, kaleïdoscopique, une véritable symphonie de timbres, y compris celui d’un accordéon ! L’œuvre, cela dit, reste difficile d’accès, tant par sa complexité musicale que par ses étrangetés de conception, qui  ont laissé plus d’un spectateur sceptique !

Au départ de propositions scéniques très fortes, le spectacle laisse le public avec un grand nombre de questionnements existentiels, d’énigmes non résolues, de perplexité et d’interrogations y compris sur le monde et sur lui-même, et c’est là sa grande force. Il nous rappelle que l’art n’est pas fait pour apporter des réponses mais bien pour poser des questions, dont les réponses, éventuellement, se trouvent individuellement chez chacun d’entre nous, pour autant qu’on consente à y accéder.

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Les trois sœurs

Opéra en trois sections (initialement en deux actes), composé par Peter Eötvös en 1996-97, créé à l’Opéra de Lyon le 13 mars 1998,  sur un livret du compositeur et Claus Hans Henneberg d’après la pièce Trois sœurs d’Anton Tchekhov

Détails

Mise en scène
Evgeny Titov

Décors
Rufus Didwiszus

Costumes
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