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GLASS, Satyagraha – Nice

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Spectacle
6 octobre 2025
Lumières sur la non-violence

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes
Composé par Philip Glass

Livret de Constance DeJong et Philip Glass
Texte vocal de Constance DeJong, adapté du Bhagavad-Gıta

Créé le 5 septembre 1980 à Rotterdam

Détails

Mise en scène et chorégraphie 

Lucinda Childs
Décors et costumes 

Bruno de Lavenère
Lumières

David Debrinay
Vidéo 

Etienne Guiol

 

Gandhi

Sahy Ratia
Kasturbai & Mrs Alexander

Julie Robard-Gendre

Miss Schlesen

Melody Louledjan
Mrs Naidoo

Karen Vourc’h
Parsi Rustomji & Lord Krishna 

Jean-Luc Ballestra
Arjuna 

Frédéric Diquero
Kallenbach 

Angel Odena

Orchestre Philharmonique de Nice
Chœur de l’Opéra de Nice
Ballet de l’Opéra Nice Côte d’Azur

Direction musicale

Léo Warynski

Opéra de Nice, samedi 3 octobre 2025, 19h30

Satyagraha, deuxième opéra du cycle glassien consacré aux grandes figures de l’Histoire, n’avait jamais été créé en France avant ce soir, contrairement à ses deux cousins Einstein on the beach et Akhnaten. Le défi d’une telle création est double. D’une part, l’opéra en lui-même est plus un oratorio qu’une œuvre théâtrale, de sorte qu’il est redoutablement complexe à mettre en scène. Les trois actes ne dessinent pas la moindre intrigue ou trame chronologique, mais reviennent, de près ou de loin, sur des événements de la période sudafricaine de Gandhi. Le livret, en sanskrit, se compose de maximes tirées de la Bhagavad-Gītā, sans lien direct avec les situations montrées sur scène. Surtout, la musique, d’essence contrapuntique, bien que symphonique, est un enchaînement de motifs et de gammes répétés à l’infini et amplifiés au cours de longues et magnifiques séquences.

D’autre part, certaines productions ont assurément marqué l’histoire de l’œuvre. Certes, on est loin de la configuration d’Einstein, indissociable de sa mise en scène wilsonienne originelle de 1976. Satyagraha s’est, pour sa part, vite détaché de sa sa création d’origine de 1980 à Rotterdam et certaines de ses productions ultérieures, bien que très rares, ont particulièrement retenu l’attention. On citera notamment la superbe mise en scène de Phelim McDermott, historiquement située et animée de grandes figures de papier, ainsi que celle de Sidi Larbi Cherkaoui, entièrement dansée et politiquement incarnée.

Pour cette première française, l’Opéra de Nice a choisi de confier la mise en scène à Lucinda Childs, qui avait déjà signé pour la maison une version d’Akhnaten post-covid. Faire appel à la chorégraphe d’Einstein de 1976 est un choix judicieux, artistiquement aligné et presque marqué du sceau de l’évidence. Le concept retenu par Lucinda Childs repose sur un ingénieux jeu de lumière et de vidéos, illuminant non seulement la scène mais également l’ensemble de la salle, et ce jusqu’au plafond de l’opéra. Brouillant la frontière entre scène et spectateurs, les vidéos projettent tantôt des personnages, dansant ou marchant, tantôt des écritures en sanskrit, tantôt des motifs issus de la symbolique hindouiste. Cette prouesse technique, signée David Debrinay et Etienne Guiol, permet de créer de monumentaux tableaux qui imbriquent le bâti de l’opéra à la scène elle-même.

© Julien Perrin

Sur le plateau, le décor de Bruno de Lavenère découpe la scène, entièrement noire, en deux parties, décorée d’un ensemble de rideaux de fils évocateur du fiber art. Idée intéressante, mais qui n’est malheureusement pas davantage exploitée. En dehors des beaux costumes colorés du Prince Arjuna et de Lord Krishna, la distribution est intégralement de blanc ou de noir vêtue. La direction d’acteurs est minimaliste : les chanteurs et figurants sont souvent statiques et les quelques chorégraphies assez peu présentes. C’est une belle création française mais on regrettera une approche exclusivement poétique et méditative de l’oeuvre. Il y a, à l’évidence, une part spirituelle fondamentale dans Satyagraha mais les dimensions historiques et politiques font tout autant partie intégrante de l’oeuvre et il est dommage qu’elles n’aient pas été davantage représentées ou questionnées.

De son côté, le plateau de vocal est de très bonne facture. Confier Gandhi à Sahy Ratia est un excellent choix. Le ténor relève le défi technique avec aisance, développant une ligne vocale fluide, caractérisée par une finesse de l’émission ainsi qu’un très beau volume. Son jeu fait montre d’une intensité appropriée pour le rôle, ce qui n’est jamais aisé en l’absence de dialogue ou de scènes à proprement parler. Julie Robard-Gendre convoque tout son charisme et sa mystérieuse et sombre présence scénique. Sa Mrs Alexander impose une forte émotion durant « Confrontation and Rescue » et la puissance de son medium et de ses graves résonne haut au cours de « Tolstoy Farm ». Avec Melody Louledjan, Miss Schlesen trouve une interprète idéale. Ses aigus cristallins scandent de nombreuses scènes avec une grande aisance, tandis que son talent théâtral a de quoi impressionner le spectateur.

En Mrs Naidoo, Karen Vourc’h imprime une ligne de chant des plus naturelle tout en déployant la grâce et l’élégance qu’on lui connaît. Sa prestance et sa manière d’occuper l’espace captivent. Jean-Luc Ballestra est aussi convaincant en Lord Krishna qu’en Parsi Rustomji, témoignant de la robustesse d’un baryton soyeux. Angel Odena campe un Kallenbach émouvant et radieux. La profondeur chatoyante de la voix et son endurance retiennent l’attention. Frédéric Diquero est un Arjuna quelque peu trop en retrait et qui ne s’impose pas suffisamment durant « The Kuru Field of Justice ». Le chœur de l’Opéra de Nice affronte vaillamment la difficulté musicale, dictionnelle – physique, tout simplement – avec brio, insufflant toute la dimension épique attendue.

Enfin, la direction musicale de Léo Warynski est somptueuse. Le chef ne ménage pas ses efforts pour tenir ensemble la fosse et le plateau vocal et développe une interprétation de l’œuvre judicieuse, sachant s’appuyer pour cela sur le talent de l’Orchestre philharmonique de Nice. Les choix de tempo sont tous pertinents : le lent démarrage suivi d’une accélération progressive tout au long de « The Kuru Field of Justice » est exactement ce qu’on attendait ; de même, « Conclusion » n’est pas joué au pas de course comme on l’entend parfois et le chef prend le temps de déplier les facettes de ce morceau final en imposant une vision toute solennelle. Au-delà du tempo, le travail des contrastes est notable : nombreuses sont les occasions saisies pour imprimer des nuances à cette partition répétitive et dessiner un sinueux chemin, aussi méditatif que l’est le propos de l’œuvre.

La saison 2025-26 est singulière pour les fans de Glass et en particulier de Satyagraha, qui, après 45 ans d’absence, a l’honneur de deux productions à Nice puis à Paris. L’Opéra de Nice, qui a déjà représenté Akhnaten, s’attaquera-t-il bientôt à Einstein ?

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❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

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