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ROSSINI, Il turco in Italia — Vicence

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Spectacle
8 juin 2009
Plaisir d’une redécouverte

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Il Turco in Italia (Rossini, Rigon – Vicenza)

Gioachino ROSSINI (1792-1868)

Il Turco in Italia
Drama buffo per musica in due atti

Livret de Felice Romani

Version donnèe à Naples au printemps 1820

Mise en scène, Francesco Micheli

Installation, décors et costumes, Académie des Beaux Arts de Brera

Selim : Lorenzo Regazzo

Donna Fiorilla : Silvia Della Benedetta

Don Geronio : Filippo Morace

Don Narciso : Daniele Zanfardino

Prodoscimo, poeta : Giulio Mastrototaro

Zaida : Concetta d’Alessandro

Talinda : Maria Pia Molinari

Narbut : Matteo Marchetta

Orchestre de Padoue et de Vénétie

Chœur Dodecanus

Chef du chœur, Marina Malavasi

Direction musicale, Giovanni Battista Rigon

Teatro Olimpico, Vicenza, le 8 juin

Plaisir d’une redécouverte

Sur la lancée du thème du Voyage en Italie développé depuis deux ans, après Venise et Rome c’est à Naples que les Semaines Musicales au Théâtre Olympique de Vicence nous entrainent pour leur dix-huitième édition. Représenter Il Turco in Italia semble donc aller de soi, puisque l’action de cet opéra de Rossini est censée se dérouler à Naples. Mais Giovanni Battista Rigon, le directeur artistique, pousse le raffinement jusqu’à en proposer l’édition représentée à Naples en 1820 alors même que Rossini est sous contrat avec Barbaja, l’impresario des Théâtres Royaux de la ville.

L’intérêt de cette version, jamais représentée depuis le XIXe siècle, réside dans les modifications apportées à la version de 1814 ; outre la suppression des récitatifs, remplacés par des dialogues partiellement colorés de dialecte napolitain, l’air d’entrée de Fiorilla est différent et elle n’est plus l’épouse capricieuse et prête à l’adultère de Geronio mais sa pupille, ce qui la rapproche de Rosine et donne au personnage une fragilité et une sincérité nouvelles.

Le problème des représentations au Théâtre Olympique est connu : en ce lieu classé au patrimoine mondial de l’humanité toute installation qui masquerait ou s’appuierait sur le décor de Palladio est rigoureusement proscrite. L’ Académie des Beaux Arts de Brera a brillamment relevé le défi. Des tapis de couleurs diverses mais toujours harmonieuses délimitent à cour, à jardin et au centre des zones de forme géométriques de dimensions variées qui permettent de moduler l’animation de l’espace scénique Un jeu d’accessoires de couleur plusieurs fois renouvelés et savamment disposés contribue à suggérer le décor impossible. C’est à la fois simple, ingénieux et beau .

Même réussite pour les costumes, dan l’esprit Restauration pour la coupe et dont les couleurs disent quelque chose des personnages : Geronio est tout en gris, Narciso porte du blanc et du vert, Selim arbore un manteau bleu comme la mer qui l’a porté, Zaida les bigarrures des gitans, son esclave en derviche et Fiorilla s’habille de rose vif quand elle est tentée par l’aventure. Au dénouement, les deux couples sont en chemise blanche, uniforme qui exprime clairement l’aspiration à une nouvelle innocence et l’abandon des comportements ayant conduit à l’échec.

Utilisant au mieux l’espace scénique, compte-tenu des contraintes déjà mentionnées, la mise en scène de Francesco Micheli apparait d’une pertinence d’autant plus forte qu’elle est d’une élégante et trompeuse simplicité. Partant de Prodoscimo cherchant des idées pour son drame, allongé sur son tapis mais prêt à cueillir toute inspiration que lui fournirait l’espace extérieur, Micheli expose la situation de cet auteur en quête de personnages avec une clarté exemplaire. Sa direction d’acteurs parvient à donner une épaisseur humaine à des archétypes facilement réductibles au statut de marionnettes et que d’ailleurs il fige çà et là selon les besoins de Prodoscimo Quant au traitement du finale, il nous semble en syntonie avec l’esprit de la musique, si mozartienne à ce moment là : les difficultés éprouvées par les personnages ont été pour eux une initiation qui les a purgés de leurs erreurs.

Ces thèmes et ces couleurs empruntés par Rossini à Mozart, l’orchestre de Padoue et de Vénétie les fait chanter avec délicatesse. Globalement l’interprétation musicale est satisfaisante quant à la virtuosité requise des instrumentistes, en particulier des vents, et dans sa relation avec le plateau, à quelques passages près où le dosage sonore est perfectible. Giovanni Battista Rigon, aux prises avec la partition pour la première fois, cherche et trouve dynamique, contrastes, souplesse, et sa lecture rigoureuse touche par sa probité à défaut d’exalter.

La distribution ne pose pas de vrai problème. Le chœur manque certes un peu d’étoffe mais le Narciso de Daniele Zanfardino, dont on se prend à penser qu’il a beaucoup écouté Juan Diego Florez sans avoir la même facilité dans l’aigu, a de la tenue et le personnage est bien campé. Filippo Morace rappelle beaucoup le Bruno Pratico d’il y deux décennies – timbre, vis comica – mais reste mesuré et crédible en tuteur bourru et amoureux. Silvia Della Benedetta donne à Fiorilla une profondeur qui renouvelle le personnage ; plutôt bourreau de Geronio dans la version d’origine, elle semble ici plus en position de victime, et attire la sympathie, probablement parce que l’interprète sait trouver les couleurs qui rendent émouvante sa voix longue, souple et homogène.

Créateur parfois dépassé par les événements, le Podoscimo de Giuliano Mastrototaro a deux atouts : un engagement total dans son personnage auquel il prête une vie intense, secondant sans relâche les intentions du metteur en scène ; puis une voix étendue, bien timbrée et bien projetée qui s’impose d’emblée. A quoi il faut ajouter une circonstance particulière liée à la création de l’opéra à Naples : l’interprète du rôle de Geronio étant le père de l’interprète du rôle de Prodoscimo, pour favoriser son fils il lui céda une partie de son rôle et les représentations de Vicence reprennent cette curiosité, faisant du rôle de Prodoscimo un rôle de premier plan

Impérieux et bonhomme, séducteur et menaçant, finalement candide, Lorenzo Regazzo est Selim jusqu’à la pointe des babouches. Ce rossinien émérite donne une fois encore la preuve de sa maitrise parfaite des exigences vocales du rôle, qu’il s’agisse d’étendue, de mordant, de ports de voix ou d’agilité. Et comme l’acteur n’est pas en reste, le plaisir est complet. Prestation chaudement appréciée, comme du reste l’ensemble de cette belle production, par un public nombreux et international.

Maurice Salles

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