Dans son récital proposé au Théâtre des Champs Élysées samedi 15 novembre, la jeune soprano russe Julia Lezhneva semble, avec Haendel, en terrain connu, pour ne pas dire conquis. D’aucuns la connaissent en effet pour la richesse de son répertoire baroque, propice à l’effusion de vocalises quasi mécaniques et projetées sans effort par un diaphragme éprouvé, dans ce corps pourtant si juvénile.
Julia Lezhneva n’est cependant pas là pour faire montre de cette seule agilité vocale qui impressionne autant qu’elle peut lasser. Sa technique, elle la met au service d’une musicalité sensible, délicate et ô combien nuancée. Si certaines notes du registre grave nous parviennent difficilement, nous pouvons goûter le miracle de son timbre, particulièrement affirmé dans ses registres mediums et hauts. Et si technique il y a, elle est d’abord un art de la respiration. Il suffit de rappeler la prouesse que constitue, dans l’air « Per dar pregio » extrait de Rodrigo, la tenue de ce mi aigu sur presque 6 mesures, dans un seul souffle, et de contempler la posture quasi mariale de la chanteuse qui, les yeux levés au ciel, livre son chant censément sublime.
L’ensemble Il Pomo d’Oro ne manque pas de surprendre. D’abord par l’originalité de sa direction : Dmitry Sinkovsky conduit l’ensemble tout en assurant le rôle de premier violon avec une certaine virtuosité. Mais ce dédoublement ambitieux se fait au détriment, parfois, d’un manque de justesse et de précision du jeu, en particulier dans le concerto en si bémol majeur de Telemann, en ouverture du concert. La musique est cependant exécutée avec un sens aigu de la nuance, qui s’accorde parfaitement au chant de la cantatrice. Dmitry Sinkovsky sait aussi nous faire partager un autre de ses talents, quand sa voix de contre-ténor se fait subrepticement l’écho de la soprano dans « Zeffiretti, che sussurrate », extrait d’Ercole de Vivaldi.
« Lascia la spina », extrait de Il Triompho del tiempo e del disinganno de Haendel, vient clore superbement le récital, dans l’intimité d’un duo pour voix et luth seul.