C’est un drôle d’attelage que le Festival Rossini de Pesaro propose ce soir, en couplant Soirées Musicales (recueil de mélodies) avec Il cambiale di matrimonio (opéra en 1 acte).
Les Soirées musicales sont un recueil de mélodies publié par Rossini en 1835, comportant 8 mélodies solo et 4 duos, n’ayant pas de lien entre elles, si ce n’est les auteurs des textes, Pietro Metastasio et Carlo Pepoli. La plus célèbre d’entre elles est sans conteste la star des bis, La danza. Les formes sont d’ailleurs variés, de la barcarole au bolero en passant par la tyrolienne ou la tarentelle.
La particularité de la proposition de ce soir (outre de les présenter en une seule traite) est d’offrir une version orchestrée de ces mélodies, accompagnées originellement au piano.
Dans ces mélodies, le ténor Paolo Nevi et la soprano Vittoriana de Amicis se partagent les mélodies solo, n’étant rejoints brièvement par Gurgen Baveyan (baryton) et Andrea Niño (mezzo) que pour les duos.
Parmi la distribution réunie ce soir, composée de jeunes chanteurs intervenant par ailleurs dans d’autres œuvres programmées cette année par le festival (on retrouvait les trois derniers le lendemain dans L’Italiana in Algeri), Paolo Nevi est celui qui fait la plus forte impression: déjà remarqué la veille dans ses brèves interventions en Eacide dans Zelmira, le ténor semble souvent contenir ses moyens conséquents dans les miniatures proposées. Voilà un chanteur prometteur ! La soprano, elle, est piquante, mais nous avouons préférer une voix de ténor dans la fameuse danza.
Après l’entracte, changement d’ambiance total avec la farce en un acte La cambiale di matrimonio, premier opéra créé par Rossini en 1810 à Venise.
Il s’agit de la reprise d’une production imaginée par Laurence Dale en 2020, déjà décrite avec force détails par Maurice Salles lors de sa création (mais avec un couplage différent). Nous renvoyons d’ailleurs à son article pour la description détaillée de l’intrigue, on ne peut plus simple : par intérêt financier, un barbon (Tobia Mill) veut marier sa fille soprano (Fanny) à un baryton arrivant du Canada (Slook), alors qu’elle est amoureuse d’un ténor (Milfort).
La façade de la demeure victorienne qui accueille le spectateur est pleine de surprises, s’ouvrant, dévoilant différentes pièces, et animant avec une certaine maestria le spectacle. Nous ne serons pas aussi sévère que notre confrère sur les ajouts du metteur en scène et avouerons avoir souri aux facéties du plantigrade arrivé avec le sieur Slook du Canada. De même le jeu est très enlevé, profitant des qualités comiques indéniables des chanteurs, en particulier de Pietro Spagnoli (Tobia Mill), qui illumine le spectacle par sa verve communicative et sa science de chant rossinien. C’est drôle, superbement bien chanté, en un mot, irrésistible.
Il trouve un partenaire et adversaire à sa taille avec Mattia Ollivieri (Slook). Au-delà d’une silhouette élancée et d’un physique fort agréable (ce dont joue la mise en scène), le baryton campe un canadien dont les premiers abords un peu rustres cachent intelligence et empathie. La voix claire et puissante sait se plier aux circonvolutions vocales chères au maître de Pesaro.
On est moins séduits par la Fanni de Paola Leoci, non pas à cause d’une quelconque défaillance, la tessiture et la technique belcantiste étant sans conteste parfaitement maîtrisées. Il manque cependant un zeste de charme, de volupté dans le timbre de cette jeune fille amoureuse. Jack Swanson a bien peu à se mettre sous la dent en amoureux transi (Milfort), mais il le fait très bien, avec un moelleux fort appréciable.
Le couple de domestiques (Ramiro Maturana et Inés Lorans) est charmant, cette dernière interprétant avec beaucoup de pétulance son aria « Anch’io son giovane ».
Après un concert Pertusi qui nous avait inquiétés, la Filarmonica Gioachino Rossini semble transfigurée ce soir, que ce soit au niveau de la virtuosité ou de la couleur des instruments soli. La direction dynamique mais jamais précipitée de Christopher Franklin se coule avec aisance que ce soit dans les mélodies ou dans la farce.