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VERDI, Rigoletto – Madrid

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Spectacle
19 décembre 2023
Si Verdi est un dieu, Tézier est son prophète

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes de Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave d’après Le Roi s’amuse de Victor Hugo
Créé à Venise, au Teatro alla Fenice, le 11 mars 1851

Détails

Mise en scène
Miguel del Arco
Scénographie
Sven Jonke (Numen/For Use) + Ivana Jonke
Costumes
Ana Garay
Lumières
Juan Gómez-Cornejo
Chorégraphie
Luz Arcas

Duc de Mantoue
Javier Camarena
Rigoletto
Ludovic Tézier
Gilda
Adela Zaharia
Sparafucile
Peixin Chen
Maddalena
Marina Viotti
Giovanna
Cassandre Berthon
Monterone
Jordan Shanahan
Marullo
César San Martín
Matteo Borsa
Fabián Lara
Ceprano
Tomeu Bibiloni
Comtesse Ceprano
Sandra Pastrana
Un page
Inés Ballesteros

Coro y Orquesta Titulares del Teatro Real
Chef des chœurs
José Luis Basso
Direction musicale
Nicola Luisotti

Madrid, Teatro Real, dimanche 17 décembre, 18h

Comment amorcer le compte rendu d’une représentation d’opéra dont on sort comblé, ému, les yeux encore humides, les oreilles en fête, deux étoiles à la place des pupilles, l’esprit trop troublé pour emprunter les chemins balisés de la critique ?

En commençant, dans le récit de ce Rigoletto madrilène, par ce qui nous a semblé le moins exceptionnel, non indigne – loin de là, car un seul rouage défaillant suffirait à détraquer la mécanique du spectacle vivant –, mais subalterne. Lauréate d’Operalia en 2017, Adela Zaharia poursuit une carrière prometteuse dont une des récentes étapes fut Donna Anna sur la scène de l’Opéra de Paris. Technique irréprochable, égalité d’émission, plastique d’un timbre que l’on dirait lissé à la kératine, extension du domaine de l’aigu, clarté, précision : que demander de plus à Gilda ? Une chair, une somme supérieure d’intentions – peut-être justement parce que ses partenaires disposent d’une palette expressive plus large –, un vocabulaire hérité de ses aînées belcantistes utilisé à bon escient pour nuancer le chant et donner à éprouver la transfiguration de la vierge en femme. Avis personnel forcément : la soprano roumaine est ovationnée par le public. Accessoirement, on aurait souhaité un Monterone plus noir et plus puissant que Jordan Shanahan pour mieux frapper d’épouvante la malédiction.

Quant au reste… Une mise en scène inquiétante, que l’on aurait tort de ranger dans la boîte dédaléenne du regietheater, ne serait-ce qu’en raison de son respect du livret ; une direction musicale imaginative ; une distribution proche de l’excellence ; tout concourt à engendrer une soirée telle qu’espérée par l’amateur d’opéra en quête du grand frisson.

© Javier del Real | Teatro Real

Miguel Del Arco choisit pour clé de lecture scénique la défaite des femmes, thème d’actualité à l’heure où l’Espagne connaît un regain de féminicides. Ni interprétation, ni transposition, ni extrapolation mais l’histoire de Rigoletto telle que mise en musique par Verdi avec certains éléments scéniques importés du théâtre contemporain afin d’illustrer le propos et d’explorer l’inconscient des protagonistes : les silhouettes prédatrices d’hommes affublés de masque de lapin blanc ; l’essaim de danseuse autour du Duc, réglé au cordeau par Luz Arcas, avec une scène de bal où s’étale la concupiscence de la cour de Mantoue ; ou plus tard, durant « Caro nome », ces corps nus enlacés autour de Gilda comme des pensées voluptueuses. Des voiles enflées par un système de soufflerie dessinent un décor vallonné et étrange qu’arpentent les personnages. Le résultat n’est pas à proprement parler esthétique mais efficace car surprenant et toujours en accord avec la partition, tel ce rideau tombant d’un coup d’un seul sur les derniers accords du prélude après une course poursuite dans la salle suivie du rapt d’une jeune fille, digne d’un film d’épouvante.

C’est dans la même encre délétère que Nicola Luisotti trempe une baguette imprévisible, tantôt agitée, tantôt apaisée – de ce calme inquiétant qui précède la tempête – avec un sens inné de la dynamique affûté par l’expérience et un orage au troisième acte comme on a rarement entendu tonner sur une scène d’opéra. Stimulées par cette lecture effervescente, les forces orchestrales et chorales du Teatro Real peuvent faire valoir leur maîtrise de ce répertoire.

Essentielle à la toile de fond scénique et musicale, l’armada des seconds rôles n’est jamais prise en défaut. Simon Lim enveloppe Sparafucile dans une large cape noire au velours satiné et Marina Viotti assume le sex-appeal d’une Maddalena dont, pour une fois, les « ah ! ah ! » du quatuor ne passent pas inaperçus.

Annoncé souffrant, Javier Camarena offre au Duc un moindre éclat et se dispense du contre-ré dans la cabalette, mais quelle souplesse, quelle ligne, quelle arrogance dans la projection, quelle impression de facilité, comme si la partition avait été calquée sur sa voix, et quel naturel pour traduire l’ambivalence du personnage, abject et cependant séduisant.

En surplomb, vertigineux, Ludovic Tézier confirme qu’il appartient sans conteste au cercle fermé des barytons verdiens – cénacle suprême dont le ticket d’entrée ne se satisfait pas seulement de métal, de longueur, et même d’héroïsme. Pour accoler l’épithète de verdien à sa tessiture, il ne suffit pas de chanter Verdi ; il faut porter sa parole – et de tous les barytons conçus par le maître de Busseto, Rigoletto est certainement le plus complexe à interpréter. Ainsi Ludovic Tézier s’empare de chaque mot pour lui donner sa juste couleur, phrasant avec la noblesse qu’on lui connaît, feulant, rugissant, parlant même parfois, alternant force et douceur, morgue et tendresse, colère et détresse, habitant le bouffon de sa voix mais aussi de sa présence. La tension est palpable dès que le chanteur entre en scène, alors qu’il n’a pas encore ouvert la bouche, par son regard, par sa stature, par son silence – ce silence éloquent qui, pour paraphraser Guitry, est déjà Tézier avant d’être Tézier.

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Opéra en trois actes de Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave d’après Le Roi s’amuse de Victor Hugo
Créé à Venise, au Teatro alla Fenice, le 11 mars 1851

Détails

Mise en scène
Miguel del Arco
Scénographie
Sven Jonke (Numen/For Use) + Ivana Jonke
Costumes
Ana Garay
Lumières
Juan Gómez-Cornejo
Chorégraphie
Luz Arcas

Duc de Mantoue
Javier Camarena
Rigoletto
Ludovic Tézier
Gilda
Adela Zaharia
Sparafucile
Peixin Chen
Maddalena
Marina Viotti
Giovanna
Cassandre Berthon
Monterone
Jordan Shanahan
Marullo
César San Martín
Matteo Borsa
Fabián Lara
Ceprano
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