Les Deux Veuves, c’est d’abord une pièce de théâtre de boulevard signée Félicien Mallefille (que Théophile Gautier trouvait « plus grand que son oeuvre ») et créée en 1860 à Paris. On ne sait par quel hasard improbable cette comédie en un acte a pu être représentée à Prague, mais il se trouve que Smetana la voit et demande sans coup férir au librettiste Emanuel Züngel de lui en tirer un livret d’opéra. Ce dernier transpose l’argument en Bohème comme il se doit et en fait un opéra-comique, avec par conséquent des dialogues parlés. C’est avec une rare exaltation que Smetana se met à la composition de la partition, qui est prête en six mois, début 1874.
L’histoire débute chez Karolina, jeune veuve qui reçoit sa cousine Agneszka, elle-même jeune veuve très éplorée, quand Caroline prend son veuvage avec une grand philosophie et se laisse tenter pour aller danser avec les paysans. Elle entraine sa cousine pour la sortir un peu du noir qui l’habite, de sa robe à sa tête. À la fête, le garde-chasse Mumlal se plaint qu’un braconnier semble sillonner les environs. Mais heureusement, il manque toutes ses cibles, et pour cause, il s’agit de Ladisalv, qui cherche surtout à se faire remarquer de la belle Agneszka. Mumlal le met aux arrêts, mais Karolina remarque bien le petit manège de Ladislav et de sa cousine, qui feint de ne pas le reconnaître. Comme on est dans une contrée permissive, on décide de mettre le braconnier aux arrêts, mais pas dans les geôles locales : chez Karolina … Ladislav tente bien d’approcher Agneszka mais elle le repousse avec virulence. Alors il part au bal avec Karolina. Agneszka sent bien qu’elle est jalouse, car elle sait qu’elle est amoureuse de Ladislav, et qu’elle l’était déjà avant la mort de son mari, ce qu’elle ne se pardonne pas. La voici condamnée à son veuvage, pendant que sa cousine et Ladislav s’amusent à la fête. Alors Agneszka franchit le pas, quitte ses habits noirs et revêt une robe du meilleur effet. Elle surprend Karolina et Ladislav ensemble et se désespère. Mais Karolina a bien compris : elle les bénit.
Smetana s’est amusé comme un enfant pour écrire ce petit opéra charmant. Son enthousiasme devait être grand car il s’est communiqué au public venu applaudir à tout rompre la comédie du maître, offrant à ce dernier un grand succès, lui qui est alors victime d’attaques très virulentes de nationalistes bohémiens qui trouvent sa musique trop « wagnérienne »; et reproche à Smetana un manque d’allégeance à la cause tchèque. Malgré le succès , ce sont bien les cabales qui auront raison de la nouvelle partition. Smetana aura beau la reprendre, avec le même succès, elle ne s’imposera jamais, malgré une musique pleine de vie et de joie. Mais elle sera de courte durée. En juillet, il ressent les premiers signes d’une surdité qui devient totale dès l’automne.
En France, il faudra attendre 2012 pour que l’Opéra de Nantes en assure la création hexagonale. En voici quelques extraits pétillants !