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5 questions à Joseph Calleja

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Interview
30 août 2009

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Détails

Les apparitions de Joseph Calleja sont rares en France. Les dernières remontent à 2007, lors d’un unique récital en duo avec Patrizia Ciofi au Théâtre des Champs Elysées et d’une série de Lucia de Lammermoor à Strasbourg1. C’est dire si sa venue prochaine en Aquitaine2, à l’occasion des festivités organisées pour les 10 ans du classement de Saint-Emilion au patrimoine mondial de l’Unesco, est un événement3. Malgré une actualité estivale chargée, il a pris quelques instants pour répondre à nos questions.

 

Vous avez étudié le chant avec Paul Asciak, un ténor maltais qui a fait une belle carrière internationale. Malte est-elle une terre fertile pour un jeune chanteur lyrique ?

 

Malte a une histoire musicale très riche établie à l’origine par l’Ordre des Chevaliers de Saint Jean : nous avons un des plus anciens théâtres baroques du monde, à La Valette, le théâtre Manoel. Il y a quantités de talents musicaux à Malte mais évidemment il faut un talent vocal exceptionnel pour espérer devenir un jour chanteur professionnel. Malheureusement il n’y a aucune institution sur l’île pour promouvoir ce type de carrières et les aspirants chanteurs doivent travailler individuellement. C’est ce que j’ai fait avec Paul. Il a eu le privilège de chanter avec des légendes telles que Maria Caniglia, Franco Corelli, Maria Callas, Piero Cappuccilli, Tito Schipa… Il m’a véritablement appris à « marcher » afin que je puisse plus tard « courir ». Je pense que c’est un des secrets qui expliquent mes facilités pour le chant piano ou ma capacité à faire des diminuandi quelle que soit la note. Mais je n’ai jamais cessé de travailler ! La voix est un instrument qui prend sa source dans un corps en perpétuelle évolution, c’est pourquoi, il faut sans cesse réétudier. Je me considère toujours comme un étudiant… et ce n’est pas prêt de changer !

 

Vous avez beaucoup chanté au début de votre carrière le répertoire belcantiste ainsi que les Verdi de jeunesse. Vous chantez maintenant des rôles plus lourds comme Rodolfo dans La Bohème. Est-ce un tournant dans votre jeune carrière ? Et quelle place pour le répertoire français ?

 

Ma voix est aujourd’hui celle d’un solide ténor lyrique, capable d’aborder aussi bien le répertoire Donizettien que les rôles de ténor lyrique verdien, tels le Duc ou Alfredo. J’ai également la chance d’avoir une voix qui peut passer un orchestre fourni, comme dans la Bohême, sans avoir besoin de forcer, ce qui me permet de chanter cette musique, de façon plus intelligente et nuancée. Je chante Bellini plus occasionnellement, notamment La Somnambule. Je parle le Français relativement couramment, mais malheureusement avec un accent italien ! Je suis amoureux de l’opéra français et ce répertoire convient particulièrement à ma voix. La plus grande difficulté est la prononciation et essayer de faire sonner les voyelles de manière « française » plutôt qu’« italienne ». Je travaille avec des coachs français sur tous ces aspects.

 

Parlons encore un peu de votre voix. Elle a eu dès le début de votre carrière la caractéristique d’être immédiatement reconnaissable, du fait de son vibratello naturel. Est quelque chose contre lequel vous luttez ou sur lequel vous travaillez ?

 

Je ne connais pratiquement aucun ténor qui n’ait eu un vibratello serré lorsqu’il était jeune chanteur. Pensez à Lauri-Volpi, Bonci, Pavarotti, Caruso ou encore Jussi Björling. Le fait est que, de nos jours, on peut entendre et décortiquer des enregistrements de ténors qui ont 20 ou 24 ans, ce qui n’était pas si facile dans le passé. Un vibratello rapide « sain » est ce qui donne à la voix ses harmoniques, son timbre et sa puissance. Ce sur quoi j’essaie de travailler c’est le soutien et un placement correct. J’ai beaucoup appris sur ces deux aspects au cours des trois dernières années et je crois que cela s’entend dans mon chant.

 

Vous êtes un jeune ténor avec déjà une riche carrière derrière vous. Vous avez remporté les concours les plus prestigieux (Operalia, Caruso à Milan), vous avez chanté avec les plus grands chefs d’orchestre, avec les plus renommées des chanteuses actuelles (Renée Fleming, Ana Netrebko), vous avez déjà enregistré deux récitals… Qu’est qui vous fait encore vous lever le matin ?

 

Il y a beaucoup d’aspects excitants dans une carrière. Partager la scène avec des partenaires incroyables (vous avez mentionné deux de mes préférées), apprendre constamment des nouvelles choses avec des chefs d’orchestres de premier plan, et créer un spectacle musical avec tout le reste de l’équipe. Bien sûr, rien ne surpasse la jouissance de chanter de tout mon cœur dans une salle bondée lors d’une bonne soirée… Evidemment il y a aussi les soirées où l’on se sent moins bien, mais c’est là que la technique et l’expérience prennent tout leur sens.

 

Vous avez chanté en juillet avec Michael Bolton4 à Malte en juillet. Que pensez-vous de la mode actuelle du crossover et qu’en attendez-vous ?

 

Des formes variées de crossover ont toujours existé. C’est Pavarotti qui a lui donné sa forme actuelle et je pense qu’il n’y a rien de mal à en faire, si on le fait en respectant les compositeurs et le public. Michael Bolton est un excellent chanteur pop et l’expérience du concert avec lui a été très positive. Bien sûr, ce n’est pas un chanteur d’opéra – et il n’a jamais prétendu en être un ! – mais il me semble très important d’avoir de tels ambassadeurs pour attirer de nouveaux publics. L’opéra a toujours été composé pour le grand public et les masses, et je pense qu’il est grand temps de retrouver ces origines populaires.

 

Propos recueillis et traduits de l’Anglais par Antoine Brunetto

 

 

[1] Carence bientôt corrigée, Joseph Calleja viendra chanter Rodolfo en décembre 2009 au Théâtre des Champs Elysées.

[2] Concert accompagné par le chef d’orchestre et pianiste Brian Schembri le 12 septembre à 20h à l’Eglise Collégiale de Saint-Emilion dans le cadre du Ban des Vendanges de la Jurade de Saint-Emilion. Renseignements et location : Office de Tourisme de Saint-Emilion www.saint-emilion-tourisme.com et st-emilion.tourisme@wanadoo.fr

[3] Le chanteur, qui s’avoue volontiers amateur de bonnes bouteilles, décèle d’ailleurs dans le vin de troublantes similitudes avec la voix : « il faut, pour pleinement l’apprécier, beaucoup d’expertise, de patience, d’amour et de temps… ».

[4] Chanteur de pop américain.

© Decca/Mitch Jenkins

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