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Dix histoires d’opéra drôles (et vraies)

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Humeur
21 août 2017
Dix histoires d’opéra drôles (et vraies)

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Luciano Pavarotti dont le tabouret s’effondre sous le poids, Montserrat Caballe dans Tosca qui sort dignement de la scène au lieu de sauter du haut du château Saint-Ange… L’opéra fourmille d’anecdotes désopilantes que les amateurs d’art lyrique aiment inlassablement se raconter le soir à la veillée. En voici dix, garanties authentiques, pour combattre la morosité des fins de vacances.


  1. Les trous de mémoire de Monterrat Caballe

Montserrat Caballé était connue pour ne jamais apprendre ses rôles. Au San Carlo de Naples, Jean-Philippe Lafont en Assur retrouvait Montserrat  en Sémiramide. Dans le fameux duo, chaque fois qu’il tentait de se rapprocher d’elle, elle disparaissait sans raison et montait jusqu’au fond de la scène. Elle ne le regardait même plus, semblant très absorbée par le décor néo-antique. Le baryton se décida à la suivre et se rendit compte que derrière chaque colonne du décor se tenait un sbire qui lui montrait la partition ! Lafont aurait du se douter de quelque chose puisque chantant avec elle Demofoonte à Rome, quelques mois auparavant, il n’avait pas manqué de la féliciter : « Vraiment, Montserrat, tes pianissimi sont magnifiques. Comment fais-tu ? ».  Elle lui avait répliqué : « Mon chéri, hi, hi, hi, si je chante plus fort, je n’entends plus le souffleur !  »  [Roselyne Bachelot]

  1. Petites phrases assassines entre divas

Les divas ne sont pas tendres entre elles, c’est bien connu, Sans remonter au crêpage de chignon entre la Cuzzoni et la Bordoni à Londres au 18e siècle, Christa Ludwig dans ses mémoires (Ma voix et moi, Éditions Les Belles Lettres) en apporte une nouvelle preuve. Au début des années soixante, peu de temps avant son retrait des scènes, la soprano Zinka Milanov voyait d’un mauvais œil la jeune Renata Tebaldi empiéter sur ses plates-bandes. Lorsqu’elle apprit que sa cadette s’était cassé la jambe dans Tosca en sautant du haut du château Saint-Ange, elle constata simplement : « J’ai toujours su qu’elle ne pouvait pas chanter Tosca ! ». [Christophe Rizoud]

  1. Une longue minute de silence

C’était à Garnier, en 1975. Sous Lieberman, un « festival » permanent d’opéra permettait d’entendre les plus grandes voix du monde. Ce soir, dans La Force du destin, Arroyo, Domingo, Talvela, Bacquier, et, dans le rôle de Preziosilla, Fiorenza Cossotto. Julius Rudel dirige à une vitesse un peu inhabituelle, et la scène des bohémiens du deuxième acte arrive peut-être plus rapidement qu’à l’habitude. Tout se déroule à la perfection, et rien ne laisse présager un incident rarissime : soudain le chef reste les bras en l’air, tout s’arrête dans un ensemble parfait, pas un choriste ne laisse échapper une note de plus, les spectateurs médusés retiennent leur souffle, le chef croise les bras, pas de Preziosilla ! Que se passe-t-il ? Grève surprise ? Indisposition de la cantatrice ? Accident en coulisse ? C’est long une minute de silence dans ces conditions… La Cossotto entre enfin en scène, un titi du poulailler crie : « et ta montre ? », elle réplique en faisant un geste exprimant qu’elle n’y était pour rien, lance son « Viva la Guerra » a capella, et tout le monde suit, la représentation reprend son cours comme si de rien n’était… [Jean-Marcel Humbert]

  1. Une Bohème comme sur des roulettes

A Garnier, les proportions du plateau sont impressionnantes. Non moins impressionnant, Luciano Pavarotti y chante le rôle de Rodolfo dans La Bohème. A la fin de l’opéra, lorsque Mimi meurt sur son lit, il doit traverser le plateau pour venir enlacer celle qu’il aime alors qu’elle exhale son dernier souffle. L’expérience a dû être d’autant plus éprouvante pour la soprano phtisique que, non contente de voir charger sur elle un ténor aussi imposant que Big Luciano, les accessoiristes avaient trouvé plus commode d’équiper le lit de roulettes, lequel ne manqua pas d’accompagner le couple dans la coulisse avant même que l’orchestre n’ait sonné le dernier accord. Ce fut un final expéditif ! [Guillaume Saintagne]

  1. Le meurtrier aux abonnés absents

Franck Ferrari, dont l’absence marque encore nos scènes, était un séducteur… au point parfois d’en oublier son métier ! Un soir d’avril 2012, une représentation de Cavalleria Rusticana à l’Opéra Bastille. La brièveté de ce drame en un acte ne semble pas pouvoir tolérer l’invraisemblance théâtrale. Et pourtant ! Alors que Turridu (alias Marcello Giordani) attendait sans broncher son meurtrier Alfio (Franck Ferrari), celui-ci oublia tout simplement d’entrer sur scène, tout occupé qu’il était à conter fleurette en coulisses. Marcello Giordani, ce grand acteur, resta assis sur sa chaise en feignant une demie crise cardiaque, tandis que retentissait le cri « Hanno ammazzato Turriddu ! ». Voilà un final qui tombe un peu à plat. [Maximilien Hondermarck]

  1. Un Rodolfo peut en cacher un autre

Tout ça ne serait jamais arrivé si Jaime Aragall ne s’était pas laissé pousser la barbe ! A la représentation de La Bohème du 11 juillet 1986, au Palais Garnier, un homme âgé était heureux : debout à l’avant-scène, il hurlait son bonheur aux saluts. Dans sa voix devenue rauque, on sentait poindre des larmes. « Bravo Luciano ! » cria-t-il jusqu’à complète extinction des lumières. Personne ne songea à le détromper : Pavarotti avait certes chanté Rodolfo sur cette même scène, mais c’était quelques semaines auparavant. Hilare, le ténor espagnol lui lançait néanmoins des baisers dans le plus pur style du tenorissimo, ce qui le mettait au comble de l’extase. Sans doute aujourd’hui disparu, le vieil homme sera mort en emportant le souvenir merveilleux de cette soirée où Pavarotti chanta pour lui seul. [Jean Michel Pennetier]

  1. Les problèmes gastriques de Deborah Voigt

Si Deborah Voigt tient sa place aux côtés de Maria Callas parmi les chanteuses ayant réussi à perdre un maximum de poids en un minimum de temps, tous ses problèmes ne se sont pas envolés  avec le demi-quintal dont elle s’est délestée. En mars 2008, amincie et au faîte de sa gloire sur les scènes américaines, la soprano chante Isolde sur la scène du Met, à New-York. Le premier acte passe. Le second commence, mais Voigt ne se sent pas très bien quand commence son long duo avec Tristan, ce soir chanté par un Gary Lehman remplaçant Ben Heppner, lui-même souffrant. Les premières répliques sont à peine échangées qu’Isolde quitte la scène précipitamment et se réfugie en coulisses, anticipant quelque peu sur la fin tragiquement prématurée de son idylle. L’orchestre s’arrête, le rideau tombe rapidement et quelques minutes d’incompréhension s’installent, bientôt dissipée par une explication remarquablement franche des causes de l’incident : Deborah Voigt, annonce-t-on devant le rideau, souffre de problèmes gastriques ! Ainsi éclairé, le public peut se replonger dans les mystères métaphysiques de « O sink hernieder, Nacht der Liebe » grâce à Janice Baird, appelée en renfort et qui portera la représentation à son terme. Tout est bien qui finit bien donc et, comme le ridicule ne tue pas, Deborah Voigt, dûment rétablie par une cure de riz blanc, reviendra en pleine forme lors de la représentation suivante ! [Clément Taillia]

  1. Perfides louanges

Dame Felicity Lott rappelle dans son livre de souvenirs écrit avec Olivier Bellamy (Il nous faut de l’amour) que les compliments recèlent parfois bien des perfidies (volontaires ou non). Elle raconte ainsi qu’à l’issue d’une représentation de la Flûte Enchantée dans laquelle elle chantait Pamina, une spectatrice enthousiaste (qui se trouvait être la femme du directeur de la Royal Academy), vient la féliciter, lui affirmant « c’était merveilleux ». Felicity Lott, flattée, la remercie, quand la même charmante personne lui répond : « Pas vous, la Reine de la Nuit! ».  [Antoine Brunetto]

  1. Quand le public est bon enfant

Dans une production du Barbiere di Siviglia de Rossini au Metropolitan Opera, la mise en scène prévoyait chez Bartolo la présence d’un violon dans son étui. Au deuxième acte, pendant la leçon de musique qu’Almaviva donne à Rosina, l’apparition inopportune de Basilio sensé être malade suscite la coalition de Figaro et des amoureux pour le pousser à se retirer, par tous les moyens. Et c’est ainsi que l’instrument de musique dans son étui devenait un projectile dont Sonia Ganassi se servait contre Basilio. Mauvaise communication auprès d’un interprète venu à la rescousse et qui n’avait pas participé aux répétitions ? Maladresse de la lanceuse ? Maladresse du receveur ? L’étui prit son vol…et frappa Samuel Ramey entre les deux yeux ! Le spectacle doit continuer, mais comment garder son sérieux devant l’air ébahi de la victime et le franc amusement des partenaires ? Heureusement la situation avait amusé le public, qui comprit le trouble de Rosina et se mit à applaudir à tout rompre…ce qui lui permit de reprendre le contrôle et la représentation se poursuivit dans la bonne humeur.

C’est à Toulouse, toujours dans le même titre, que la même interprète fut dans l’incapacité de poursuivre la scène où Figaro révèle à Rosine qu’elle est la bien-aimée de « son cousin », ce qui ne fait que confirmer ce qu’elle espérait et supposait. Elle doit dire : « Je suis donc…Tu ne me trompes pas ? Je suis donc la bienheureuse…etc ». Et comme bien souvent des partenaires malicieux profitent de ces situations sémantiques pour glisser un commentaire, le sien lui souffla, après le premier « je suis », une obscénité telle qu’elle fut dans l’incapacité de continuer, partagée entre le fou-rire et la colère. Et comme à New-York, le public la sauva en lui permettant, par des applaudissements, de reprendre le contrôle.

Dans le même genre, à Marseille, le grand prêtre Oroe avait manifestement grand peine à garder son sérieux dans une scène dramatique où il affrontait Assur. Intrigué, nous avons cherché à comprendre : en fait ce dernier, tournant à demi le dos au public, susurrait des obscénités à son partenaire…Mêmes causes, mêmes effets ! [Maurice Salles]

  1. Les petits coins de Bayreuth

Plusieurs histoires authentiques liées aux débuts du Neues Bayreuth se rattachent à la personnalité haute en couleurs du chef Hans Knappertsbusch. Celui-ci avait été, dans l’immédiat après-guerre, été recruté par les frères Wagner pour être le garant d’une forme de continuité avec la tradition et représenter « l’école allemande » de direction d’orchestre sur la colline sacrée. Pour la réouverture, à l’été 1951, il devait ainsi diriger le premier des deux Rings, les six représentations de Parsifal, et la moitié des représentations des Maîtres chanteurs de Nurenberg. Mais à côté de la tradition, le cahier des charges prévoyait qu’une large place soit laissée à la modernité, condition sine qua non de la réouverture. Ce furent, bien sûr, les mises en scène révolutionnaires de Wieland Wagner. Ce fut aussi la décision d’inviter Herbert von Karajan à diriger à Bayreuth, en lui confiant le second Ring et l’autre moitié des représentations des Maîtres chanteurs.

Comme on pouvait s’y attendre, les tensions ne tardèrent pas à apparaître entre les deux chefs que tout opposait, dans leurs personnalités comme dans leurs méthodes de travail: le « vieux Kna » (63 ans), qui fonctionnait à l’inspiration (i.e. sans beaucoup répéter…), et travaillait à l’ancienne, ne supportait pas le jeune Karajan, de 20 ans son cadet, figure montante de la scène musicale, ambitieux et arriviste, travailleur acharné et chantre de la modernité. Parmi ses (nombreuses) prétentions, Karajan avait ainsi exigé de bénéficier au sein du Festspielhaus, de toilettes privatives, contrairement aux usages ancestraux du lieu. Les frères Wagner étaient à ce point désireux de s’attacher ses services qu’ils firent droit à sa demande : dans le couloir réservé aux chefs, un écriteau fut ainsi apposé sur la porte d’une des toilettes. Il portait, en majuscules d’imprimerie, la mention suivante : «Toilettes réservées au maestro von Karajan ». Hans Knappertsbusch fut, on s’en doute, particulièrement outré lorsqu’il découvrit la chose. Plutôt que d’en faire un esclandre, et parce qu’il savait être facétieux, il rajouta donc à la main sur l’écriteau, la mention suivante « et aux autres trous du cul », mettant ainsi définitivement les rieurs de son côté.

Indépendamment de tout jugement artistique, on se contentera de relever, en guise d’épilogue que la personnalité de Kna était définitivement plus compatible avec l’esprit des lieux que celle de son collègue. Herbert von Karajan claqua ainsi la porte du Festival dès l’été 1952, tandis que Hans Knappertsbusch y célébra office jusqu’en 1964, année de sa mort. [Julien Marion]

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