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Une leçon de chant avec Sophie Koch

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Interview
26 novembre 2015

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Invitée par Michel Plasson à l’occasion de son Académie de chant français, Sophie Koch était venue transmettre son savoir et son expérience à de jeunes chanteurs de tous horizons. Alors qu’elle s’apprête à chanter Marguerite dans La Damnation de Faust à l’Opéra National de Paris, nous publions cette interview réalisée au mois de juillet.


Quels sont les trois enseignements clés que vous souhaitez transmettre lors de ces masterclass ?

Un enseignement est évidemment très difficile à résumer ainsi dans la mesure où j’essaye de m’adapter à la situation de chaque chanteur, à ses difficultés propres. Mais si j’essaye de penser à 3 éléments communs, ce serait :

Primo, chanter sur le souffle et non avec le souffle. Cela peut sembler une évidence mais pour beaucoup des jeunes chanteurs que je rencontre, je n’hésite pas à revenir aux fondamentaux techniques : comment attaquer une note, l’ouverture de la gorge, la place de la langue et surtout le soutien du souffle. Certains en voulant trop bien faire prennent de grandes et violentes inspirations qui leur bloquent le larynx, alors qu’une inspiration plus à leur mesure (en tout cas leur mesure actuelle de jeune chanteur) leur permet de bien mieux focaliser leur voix. Je leur cite souvent en référence les piani de Montserrat Caballé, une voix n’a pas forcément besoin d’être métallique pour sonner.

Ensuite, développer sa personnalité, savoir qui on est et ce qui nous différencie des autres. Comme ils sont à un stade de leur carrière où il est plus que jamais nécessaire pour eux de marquer les esprits, ils ont souvent tendance à enfler leur voix, même à s’en inventer une ; cela tient aussi au fait qu’ils cherchent à tout prix à s’entendre, or il leur faut apprendre d’une part qu’une voix bien focalisée porte mieux qu’une voix grossie et d’autre part que c’est ce travail technique sur leurs harmoniques propres qui leur permettra de se distinguer, sans mettre leur voix en danger.

Enfin, servir l’œuvre et non soi-même : c’est sans doute le point le plus difficile pour eux, car il leur faut trouver un subtil équilibre entre le fait de ménager stratégiquement leur voix, ne pas la brûler, et celui d’être le plus généreux possible avec le public, car c’est un métier qui nécessite une grande générosité. Or arriver à trouver cet équilibre relève d’une véritable honnêteté intellectuelle qui leur sera précieuse durant toute leur carrière.

Quelle est la spécificité de votre approche par rapport à des chanteurs ou des chefs venus du baroque et qui cherchent également à défendre ce répertoire romantique?

L’apport d’artistes spécialisés dans le répertoire baroque me semble vraiment intéressante en suivant une ligne qui va de Gluck (j’ai d’ailleurs moi-même beaucoup appris avec Marc Minkowski lors d’Alceste la saison dernière à l’Opéra de Paris) à Ravel en passant par Berlioz car la musique de ces compositeurs nécessite une véritable maitrise de la déclamation française. Mais des artistes plus concentrés sur le répertoire romantique ont toujours beaucoup à transmettre à la nouvelle génération, notamment sur la façon de prononcer avec exactitude le français sans nuire à la qualité des harmoniques. Moi-même qui ai commencé ma carrière avec le répertoire allemand, je fais de constants progrès sur la façon d’ouvrir correctement les voyelles dans le répertoire français, pour qu’elles gardent transparence et clarté, sans les aplatir. On n’est pas assez exigeant avec la qualité du français aujourd’hui, et le chanter correctement nécessite beaucoup de travail et une remise en cause permanente, aussi bien à leur stade de carrière qu’au mien. C’est bien sûr très fatigant pour eux mais cela les forge pour être plus résistants face à des chefs d’orchestre qui n’auront peut-être pas notre bienveillance à leur égard.

En vous écoutant travailler avec certains d’entre eux, nous avons été étonnés du fait que vous abordiez finalement peu les questions d’interprétation et de jeu, est-ce un choix ?

Non c’est surtout que nous n’avons pas le temps d’aller jusque-là, ni de parler de la façon de travailler avec les metteurs-en-scène par exemple. Je suis convaincu que le travail sur la psychologie des personnages vient dans un second temps, une fois que la technique est maitrisée, intégrée pour finalement ne plus concentrer toute leur attention, qu’ils peuvent alors accorder au jeu. Tant que leur technique est trop consciente et pas assez intuitive, ils ne peuvent pas avoir de vraie liberté expressive.

Que répondez-vous à ceux qui vous interrogent sur leur choix de carrière ou de répertoire ?

Comme je vous l’ai dit, il est clé pour eux de trouver ce qui les distingue et de miser dessus. A notre époque, beaucoup de directeurs d’opéra se lassent très vite, et l’offre pour les jeunes chanteurs est finalement assez restreinte, donc plutôt que de chanter tous les répertoires ou de céder aux propositions dangereuses, il faut qu’ils se concentrent sur ce dans quoi ils sont à l’aise et qui peut les porter. Personnellement, j’ai ainsi renoncé assez tôt à Rossini, car ma façon d’y lier les vocalises n’était pas dans l’air du temps, lequel y préférait un staccato virtuose dans lequel je ne me sentais pas à l’aise. Et c’est finalement Strauss qui m’a lancé.   

Qu’apprenez-vous personnellement à leur contact ?

Enseigner est une véritable chance pour un chanteur car cela vous permet de formuler, de prendre conscience par le langage de blocages ou de difficultés que vous pouvez vous-même rencontrer. J’invite les élèves à se regarder chanter dans un miroir pour bien comprendre la bonne posture, la bonne détente de la mâchoire, etc. Ce recul que le professeur pousse l’élève à prendre face à lui-même, j’ai la chance de pouvoir en bénéficier pour moi-même. 

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