Ce samedi 2 mars le Metropolitan Opera a diffusé pour la seconde fois dans les cinémas La Fille du régiment dans la mise en scène de Laurent Pelly, déjà programmée en 2008 avec Natalie Dessay et Juan Diego Florez qui l’avaient inaugurée à Londres la saison précédente avant de la reprendre notamment à Vienne et à Paris. Bien connue des lyricomanes, cette production, qui a également fait l’objet d’une parution en DVD, a plutôt bien vieilli sans doute parce qu’elle est moderne et inventive sans être iconoclaste, que sa transposition durant la première guerre mondiale est réussie, que l’intrigue n’est pas dénaturée et que, comme le souligne Yannick Boussaert dans sa critique de la représentation du 26 février dernier, « elle laisse de la place aux individualités des chanteurs », en un mot, parce qu’elle correspond à ce que l’on attend d’une mise en scène d’opéra.
Pour cette reprise la distribution entièrement renouvelée affiche dans les premiers rôles deux étoiles montantes au firmament de l’art lyrique.
A la question Javier Camarena « bissera-t-il encore le 2 mars » son air « Pour mon âme » ?, la réponse est oui et de quelle manière ! Les dix-huit contre-ut (plus trois !) se succèdent avec un éclat et une facilité déconcertante qui font exulter la salle dans une interminable ovation. Le ténor mexicain est également remarquable dans les airs lents, phrasés avec élégance, « Pour me rapprocher de Marie » avec ses ineffables demi-teintes est un modèle de beau chant expressif. Scéniquement, il compose un personnage attachant d’amoureux transi, un rien godiche. Ajoutons enfin que son français est excellent.
Pretty Yende possède un timbre rond et lumineux, sa technique irréprochable et ses suraigus rayonnants lui permettent d’ornementer ses airs avec brio. Pourtant l’on reste sur sa faim durant tout le début du premier acte : est-ce l’effet des gros plans qui accentuent ses mimiques parfois outrées ? Toujours est-il que la soprano force constamment le trait au point que sa caractérisation paraît bien peu naturelle, jusque dans son interprétation vocale. Heureusement, dès son air « il faut partir » où prime l’émotion, son personnage devient plus crédible y compris dans la leçon de chant virtuose du deuxième acte.
Stéphanie Blythe campe une marquise de Berkenfield désopilante, sa truculence, son sens de l’autodérision et son irrésistible vis comica font de chacune de ses interventions un vrai régal. Sa courte scène avec la grande Kathleen Turner est un grand moment de comédie et quelle maîtrise du français dans les scènes parlées !
Quant à Maurizio Muraro, il semble beaucoup s’amuser à composer un Sulpice débonnaire et malicieux.
Enrique Mazzola propose une direction énergique et précise, avec une grande attention portée aux voix qu’il laisse s’épanouir, tout comme les instruments (le cor anglais de « il faut partir »). Dommage qu’il accentue le côté martial des passages militaires surtout au premier acte et ce dès l’ouverture qui n’est pas exempte de lourdeurs. Au deuxième acte, sa battue montre davantage de cohésion.
Le samedi 30 mars, le Metropolitan Opera diffusera La Walkyrie dans les cinémas du réseau Pathé Live avec Christine Goerke, Eva Maria Westbroeke et Stuart Skelton sous la direction de Philippe Jordan.