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Adolphe Adam, Master of the Opéra-comique (1824-1856)

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Livre
2 août 2023
Quand l’opéra-comique régnait sur la musique française

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Détails

Robert Ignatius Letellier et Nicholas Lester Fuller

Adolphe Adam, Master of the Opéra-Comique
1824-1856

Cambridge Scholars Publishing

717 pages en deux volumes, hors cahiers iconographiques

Date de parution : 2023

ISBN : 978-1-5275-9079-3 et 978-1-5275-9321-3

Adolphe Adam est aujourd’hui essentiellement connu comme le compositeur du Postillon de Lonjumeau et de Giselle. On peut toutefois entendre au disque, et plus rarement à la scène, Le Toréador (avec ses délicieuses et spectaculaires variations sur « Ah vous dirais-je maman »), Si j’étais roi (en extraits) ou Le Chalet (enregistré pour la première fois en quasi-intégrale en… 2016 !). Ce dernier ouvrage fut pourtant le premier succès du compositeur et même l’un des plus grands. Côté ballet, on pourra aussi apprécier à la scène Le Corsaire, mais généralement avec des ajouts de Delibes, Pugni ou Drigo. Richard Bonynge, Andrew Mongrelia et Dario Salvi ont également enregistré quelques-unes de ses compositions pour la danse. L’enregistrement de Giselle par Richard Bonynge restitue d’ailleurs la partition originale, sans les altérations ultérieures de Friedrich Bergmuller, Ludwig Minkus ou Boris Asafiev. Avec Adam, la musique de ballet, qui jusque-là n’était qu’un simple accompagnement taillé sur mesure pour des numéros prévus par le chorégraphe, devenait un élément dramatique essentiel, cohérent avec l’ensemble de l’ouvrage. Cette composition, qui nous semble classique aujourd’hui, revêt en fait une certaine modernité (l’ouvrage utilise d’ailleurs le leitmotiv). Saint-Saëns louait les qualités musicales de Giselle. Tchaïkovski en étudiait la partition avant de s’attaquer à la composition d’un ballet. Ces quelques titres sont à peu près tout ce que la postérité a retenu d’un auteur fécond, mort prématurément à l’âge de 52 ans. Adam ne fut pourtant rien moins que l’auteur de 44 ouvrages lyriques, d’un vaudeville (à l’époque, une pièce parlée comprenant quelques airs, initialement ancêtre de l’opéra-comique) et de 14 compositions pour le ballet, dont un opéra-ballet. Contrairement à ses contemporains Auber et Hérold, Adam produisit peu pour l’Opéra de Paris, avec seulement 3 ouvrages. Il est également l’auteur de 150 pièces pour piano et d’innombrables mélodies dont le fameux Minuit chrétien qui a le don de hérisser la mitre des évêques modernes (1).

Robert Ignatius Letellier et Nicholas Lester Fuller nous proposent ici une monographie indispensable sur ce compositeur. Le premier volume est centré sur les compositions lyriques, le second sur celles pour le ballet. Comme pour leur travail précédent sur l’œuvre de Halévy, les auteurs passent en revue l’ensemble des titres : conditions de la création, principaux personnages et créateurs, résumé, commentaire des auteurs, réception de l’ouvrage, historique des principales reprises, enregistrements, sources, critiques de l’époque ordonnancées par numéros, et d’abondantes notes. Ces dernières comprennent lesdites critiques dans leur intégralité. L’ouvrage est rédigé en anglais, mais la plupart des notes sont en français : comme la partie anglaise ne réclame pas une connaissance particulièrement pointue de la langue de Shakespeare, l’ouvrage est tout à fait accessible à un public raisonnablement anglophone. Le premier volume comporte également une biographie rédigée par les auteurs, une autre… par Adam lui-même, sous la forme d’une lettre au Dr Véron (non destinée à la publication et rédigée un an avant sa mort). Rappelons que Louis-Désiré Véron fut, entre autres multiples activités, directeur de l’Opéra de Paris lors des premières créations de Meyerbeer. Enfin, une dernière biographie est cette fois due à la plume de Fromental Halévy à l’occasion d’une communication à l’Académie quelques années après la mort du compositeur. Les commentaires sur chacun des titres peuvent également comprendre des éléments venant compléter ces biographies. Enfin, l’ouvrage inclut un article d’Adam sur Donizetti, où l’auteur témoigne avec émotion des années parisiennes du compositeur bergamasque et de sa triste fin. Pour l’anecdote, signalons que le livret du Chalet inspira à Donizetti son opéra Betly (par un étonnant retournement, en 1853, Adam adaptera l’ouvrage de Donizetti pour l’Opéra). Chaque volume contient également une incroyable iconographie sous la forme d’un cahier central sur papier glacé d’environ 100 pages pour chacun des volumes. L’ouvrage est d’une remarquable exhaustivité, d’une lecture agréable, précis sans être austère, facile à consulter pour y trouver des références. On louera les auteurs pour avoir contribué de manière essentiel à la réévaluation de la place de ce musicien, et du genre opéra-comique en général, l’un et l’autre injustement peu considérés aujourd’hui.

Si la postérité ne fut pas tendre avec Adam, la vie ne le fut pas vraiment et on compatit au récit de ce qui semble n’avoir jamais cessé d’être que des années de galères, en dépit des succès du compositeur. Adam nait à Paris dans une famille d’origine alsacienne. Son père, Jean-Louis Adam, compositeur, professeur de musique et pianiste virtuose, est considéré comme l’un des fondateurs de l’école française de piano. Il est l’auteur de deux ouvrages Méthode, ou Principe général du doigté pour le forté-piano et Méthode du piano du Conservatoire. L’enfant nait sous le premier empire et reçoit bien sûr des leçons de piano, celles-ci étant d’ailleurs dispensées par des maîtres extérieurs. Les affaires paternelles périclitent avec la chute de l’empereur. Toutefois, son père ne veut surtout pas que son fils se lance dans une carrière théâtrale. Le jeune Adolphe étudie la musique en cachette, au détriment de ses humanités. Au terme de celles-ci, le père, qui ne sait rien de l’école buissonnière filiale, accepte qu’il se présente comme auditeur libre au Conservatoire. Il y étudie l’orgue. Adam, qui se passionne pour cet instrument, fait des remplacements dans les paroisses. Il étudie le contrepoint auprès d’un professeur misérable, joue de l’orgue et du piano, improvise, réalise des transposition pour piano (celle de La Dame blanche par exemple) mais il a du mal à déchiffrer. Une place de professeur de théorie de la musique se libère à l’Institut, et il saisit l’opportunité : sans que personne ne s’en rende compte, il n’aura jamais que quelques leçons d’avance sur ses élèves et apprend en même temps qu’eux ! Son père, qui a fini par se rendre compte des manœuvres filiales, lui coupe les vivres, tout en continuant toutefois à l’héberger. Il va jusqu’à cesser de lui adresser la parole. Rien n’y fait. Adam est contaminé par le démon du théâtre. Toutefois, il n’a pas les moyens de s’offrir des places de spectacle. Au Gymnase, il accepte d’être dans la fosse pour jouer… du triangle : la place lui a été octroyée sous réserve de reverser son salaire à celui qui l’a mis à ce poste. Cela lui permet de découvrir le monde du théâtre lyrique sans payer un sou. Adam compose quelques mélodies qu’il vend quelques dizaines de francs aux théâtres de vaudeville. A la mort de son « protecteur », il est officiellement engagé comme percussionniste puis chef de chœur. Son professeur, Boïeldieu l’apprécie, quoique doutant de son avenir au théâtre, mais n’arrive pas à lui faire obtenir un premier prix de l’Institut. Il rencontre Scribe en Suisse. Celui-ci lui propose d’illustrer musicalement un livret de vaudeville. Créé le 14 mars 1826 au Gymnase, L’Oncle d’Amérique est un succès. Adam est tellement heureux qu’il refuse de se faire payer par Scribe pour sa contribution musicale. Scribe, qui n’est pas un ingrat, lui confie le livret d’un opéra-comique en un acte, Le mal du pays, ou la batelière de Brientz, créé en décembre 1827 au Gymnase. En février 1829, toujours sous la plume de Scribe, il crée sa première œuvre pour l’Opéra-Comique de Paris, Pierre et Catherine. Sa crainte d’un échec est telle qu’il promet à Sarah Lescot, une choriste du vaudeville avec laquelle il est en ménage, de l’épouser en cas de succès. L’ouvrage connait 80 représentations… et il lui faut tenir sa promesse. Le mariage sera malheureux : Lescot ne semble l’avoir épousé que pour son nom, la famille Adam ne veut pas recevoir la jeune femme et une partie de ses relations refusent de fréquenter le couple. Au bout de quelques années, les époux se sépareront. Les premiers ouvrages d’Adam sont généralement bien accueillis et on ne peut ici les citer tous. Le 26 juillet 1830, il crée aux Nouveautés The White Cat, une sorte de pantomime à l’anglaise. La révolution de 1830, dite des Trois glorieuses, se déclenche dès le lendemain et les théâtres ferment. Adam est amené à s’exiler en Grande-Bretagne ou son beau-frère, Pierre-François Laporte, ancien acteur du Vaudeville, est directeur du Royal Opera. Quoique ne parlant pas un mot d’anglais (malade, il trouve plus simple de converser en latin avec un pharmacien), Adam y compose deux opéras (His first campaign et The Dark diamond) aux succès modérés. Pour le King’s Theatre, il crée un ballet intitulé Faust (ce qui est quand même plus facile qu’un opéra dans une langue qu’on ne comprend pas). Adam revient définitivement en France. Il y connait son premier triomphe avec Le Chalet en 1834 (millième en 1873), puis son premier ballet pour l’Opéra de Paris, La Fille du Danube (septembre 1836), avec Marie Taglioni. Pour ce ballet, son écriture est plus personnelle, comme libérée plus tôt de la tutelle de Boïeldieu et de l’influence rossinienne. La première du Postillon de Lonjumeau, en octobre 1836, est un triomphe éclatant. Parallèlement, Marie Taglioni a accepté un engagement à Saint-Pétersbourg sous la condition expresse qu’Adolphe Adam compose pour elle un nouveau ballet. La ballerine assure la création locale de La Fille du Danube, puis celle de son nouvel ouvrage, L’écumeur de mer (février 1840) qui connait un grand succès. Entre temps, Adam, que le climat rend très malade, revient vers Paris (il refuse même au tsar le poste de directeur musical dont le titulaire vient de mourir). Sur le chemin du retour, il compose pour Berlin son opéra-ballet Die Hamadryaden. Le souverain assiste à la générale. Sur le coup, l’accueil lui parait un peu froid mais une partie du public vient, aux flambeaux, en chanter quelques couplets le soir même sous ses fenêtres. Infatigable, Adam est également l’auteur d’une nouvelle orchestration pour la résurrection du Richard Cœur-de-lion de Grétry (reprise à l’Opéra-comique de 1841). Il achève le Lambert Simnel (1843) de Louis Hippolyte Mompou, décédé à seulement 37 ans en 1841 (encore du travail pour le Palazetto Bru Zane). En 1844, Adam se fâche avec Alexandre Basset, le nouveau directeur de l’Opéra-Comique. Qu’à cela ne tienne : il va s’offrir sa salle, pas seulement pour lui-même mais aussi pour accueillir les ouvrages d’autres compositeurs qu’il juge injustement négligés. Gastibelza ou Le fou de Tolède (1847), drame lyrique de Louis-Aimé Maillart, inaugurera le nouveau théâtre (de Maillart, on ne peut guère entendre aujourd’hui que l’ouverture et quelques airs de son grand succès, Les Dragons de Villars (1856)). Adam s’est endetté lourdement pour racheter le bail du Cirque-Olympique, boulevard du Temple, qu’il renomme Opéra-National. Mais il est entouré d’associés peu fiables et supporte l’essentiel des coûts : quand une nouvelle révolution éclate, celle de 1848, Adam est rapidement ruiné et le théâtre devra fermer. Adam vend tous ses biens (droits d’auteurs, meubles, argenterie…) ou les confie au Mont-de-Piété. Il est tellement pauvre qu’il n’a plus d’argent pour régler l’enterrement de son père (une subvention du Conservatoire viendra l’aider). Il se lance dans une carrière de journaliste musical, obtient par l’intercession du nouveau président du conseil des ministres, le général Eugène Cavaignac la création d’une 4e place de composition au Conservatoire, et continue à produire pour le théâtre. Ecrit en 6 jours, Le Toréador (1849) est un nouveau succès. Les ouvrages se succèdent, notamment à l’Opéra-comique après le départ de Basset, mais les gains ne servent qu’à rembourser les dettes, Adam vivant avec 100 francs par mois (environ 300 euros actuels). En 1850, il perd son épouse dont il était séparé depuis 16 ans et se remarie l’année suivante avec Chérie Couraud avec qui il partageait sa vie, et qui l’avait soutenu, y compris financièrement, pendant les moments difficiles. Il perd son fils de 20 ans et un enfant en bas âge conçu avec sa seconde épouse. Il lui reste une fille de son premier mariage. Il a de nouveau des signes de maladie, similaires à ceux qu’il avait ressenti en Russie : le travail effréné semble le sortir de ses affections. Si j’étais roi (1852) est le dernier de ses grands succès qui soit quelque peu passé à la postérité. Pour cet ouvrage important qui inaugure sa nouvelle saison, le Théâtre-lyrique met en place deux distributions en alternance. Son dernier ouvrage, Les pantins de Violette est créé le 29 avril 1856 aux Bouffes-Parisiens, quatre jours avant sa mort. La veille de celle-ci, il avait tenu à être présent auprès de ses élèves afin de les encourager pour le concours du Conservatoire qui se tenait le lendemain. Adam meurt, exténué par le travail, ayant payé tous ses créanciers. Ses écrits ont été réunis posthumément sous les titres de Souvenirs d’un musicien et Derniers souvenirs d’un musicien.
Né il y a tout juste 120 ans, le 24 juillet 1803, Adolphe Adam n’a fait l’objet d’aucune célébration officielle notable cette année.

(1) En décembre 1990, Jessye Norman donna un concert de Noël à Notre-Dame, concert diffusé sur la place de la cathédrale et qui fut par la suite disponible en CD. Le clergé ne donna son autorisation à la mise à disposition de Notre-Dame qu’à la condition que Minuit chrétien soit retiré du programme.

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1824-1856

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