Ces derniers temps, c’est en Allemagne qu’il fallait aller pour entendre une de ces œuvres qui, après avoir été au cœur du répertoire français, semble désormais interdite, comme sous l’effet d’un tabou inévitable. Le Chalet d’Adolphe Adam est, avec Zampa et Les Noces de Jeannette, l’un des opéras-comiques retenus pour orner les murs du foyer de la Salle Favart. Si Hérold fut fort bien traité durant « l’ère Deschamps », ni Adam ni Victor Massé n’ont encore pu reparaître dans ces lieux où ils triomphèrent jadis. Faute de coproducteur intéressé par une résurrection scénique, Le Chalet dort encore sur les rayonnages des bibliothèques. Du moins l’Opéra de Toulon en propose-t-il le 16 septembre une version de concert, excellente occasion pour le label Malibran de remettre en avant l’un des deux seuls enregistrements de cette œuvre.
A l’époque déjà lointaine où notre collègue Geoffroy Bertran proposait sur Forum Opéra une discographie « adamique », il n’avait connaissance que de l’autre version, qui émane également de la Radiodiffusion française. Plus récent, car il date de 1965, cet autre Chalet est gâté par une distribution qui fait frémir, les deux jeunes premiers étant incarnés par Denise Boursin, toujours crispante par ses accents teintés de niaiserie, et par Joseph Peyron, excellent dans les rôles de second couteau ridicule mais qui n’a rien à faire ici, même si Daniel n’est certes pas le plus intelligent des ténors d’opéra-comique. Mieux vaut donc écouter le concert de 1954 selon Malibran, 1957 selon l’INA. En bonus, Malibran propose quelques airs dans des enregistrements « historiques ». D’autres labels proposèrent jadis d’autres œuvres d’Adam (Le Farfadet récemment exhumé par Les Frivolités Parisiennes, dans la série « Gaieté Lyrique », ou La Poupée de Nuremberg chez Cantus Line).
Nadine Sautereau est impeccable en Betly : le timbre n’a rien de pincé, rien de vieillot, et l’interprète sait rendre le caractère d’un personnage qui se pique d’indépendance. Avec Pierre Giannotti, c’est à un chanteur un peu plus « vieille France » que l’on a affaire : certaines couleurs rappellent un peu Alain Vanzo, mais avec moins de poésie. Un peu plus de talent dramatique n’aurait pas été de refus ; peut-être est-ce la raison qui explique pourquoi cet artiste doté d’une voix apparemment puissante fut presque toute sa vie cantonné aux seconds rôles (Edmond Tirmont, en bonus, aurait pu, avec des moyens peut-être moins généreux, lui donner des leçons de vigueur). Quant à Julien Giovannetti, son beau timbre renvoie à toute une génération de barytons français de l’immédiat après-guerre. Son « Vallons de l’Helvétie » est plein de noblesse et n’a pas à rougir de la comparaison avec la version d’Etienne Billot reproduite en bonus, dont on peut trouver qu’elle manque un peu d’allant, malgré la belle voix de l’interprète, un peu plus basse que Julien Giovannetti.
Autrement dit, si vous voyez resurgir la version « Gaieté Lyrique », fuyez-la comme la peste et préférez sans hésiter celle-ci. Maintenant, si un label voulait laisser traîner ses micros du côté de Toulon le 16 septembre, on serait ravi de disposer d’une captation de la délicieuse Jodie Devos en Betly, encadrée par Sébastien Droy et Ugo Rabec. [Depuis, ce vœu a été exaucé, puisque Timpani s’est chargé d’enregistrer ce nouveau Chalet, intégrale à paraître « en première mondiale »]